Amateur·ices de course à pied, et si vous vous lanciez dans la folle aventure de l'Ironman® ? Denis Chevrot, expert en la matière, et Élodie, un premier Ironman® à son palmarès, répondent à toutes vos interrogations.
Denis Chevrot, triathlète professionnel, champion de l'Ironman® de Busselton en 2014, et qualifié pour les prochains championnats du monde de la discipline, livre ses clefs de préparation pour réaliser un Ironman® en toute sécurité. De son côté, Élodie, runneuse aguerrie et jeune mordue d'Ironman®, revient sur son entrainement en amont de sa première course.
En découvrant la devise de l'Ironman®, on comprend bien vite l'état d'esprit dans lequel sont plongé·es les triathlètes qui décident de se lancer dans l'épreuve. "Anything is possible" ou "tout est possible" en français, voilà de quoi pousser tout·e athlète au bout de ses capacités physiques et mentales. John et Judy Collins lancent la toute première édition de cette compétition à Hawai en 1978. En 1990, l'Ironman® d'Hawai trouve une nouvelle trajectoire et devient le championnat du monde de la discipline.
⇾ Ironman® 70.3, Half Ironman®, Ironman® : quelle différence ?
En Ironman®, il faut enchaîner 3.8 km de natation, 180 km de vélo, 42 km de course à pied.
Pour l'Ironman® 70.3 et le Half Ironman®, c'est simple, car c'est la même chose. Il s'agit ici de réaliser la moitié des distances habituellement parcourues lors d'un Ironman®. En Ironman® 70.3, vous devrez donc effectuer 1,9 km en natation, 90 km à vélo, et 21 km en course à pied.
⇾ Par quoi commencer ?
Désolée de vous l'annoncer, mais il n'existe pas d'Ironman® "facile". Si vous peinez à monter les cinq étages qui vous séparent de votre logement, sachez qu'il vous faudra un certain temps de préparation avant de pouvoir participer à un Ironman® digne de ce nom. Cependant, certains parcours sont moins éreintants que d'autres, et semblent de fait plus adéquats pour un·e débutant·e dans la discipline. Les critères à prendre en compte sont propres à chacun·e : que vous soyez bon·ne nageur·euse, cycliste aguerri·e ou encore coureur·euse exemplaire, le niveau de difficulté de certains Ironman® vous paraitra ainsi plus bas que d'autres. Renseignez-vous sur le terrain que vous vous apprêtez à arpenter avant de vous y inscrire. Qui plus est, le coût de l'inscription peut vite dépasser les 600 euros, alors autant être sûr·e de vous !
⇾ Ironman®
Chez les hommes, c'est Kristian Blummenfelt qui détient le record historique. En 2021, il réalise l'Ironman® de Cozumel en 7:21:12.
Chez les femmes, Laura Philipp détient ce record, avec 8:18:20 sur l'Ironman® de Hambourg en 2022.
⇾ Half Ironman®
Chez les hommes, c'est Marten Van Riel qui détient le record historique. En 2022, il réalise l'Ironman® de Dubai en 3:26:06.
Chez les femmes, Laura Philipp (eh oui, encore) détient ce record, avec 3:53:03 sur l'Ironman® de Dubai en 2022.
Le processus est le même pour se qualifier pour le championnat du monde, dans les deux catégories : pour chaque course, il existe un nombre donné de places dites qualificatives, donc qui vous ouvrent l'accès au championnat du monde de votre catégorie (Ironman® ou Half Ironman®). Disons qu'au Ironman® d'Hambourg, il y ait 50 places qualificatives. Ces places sont ensuite réparties selon la proportion de finishers dans chaque catégorie d'âge. Par exemple, si sur 1500 finishers, 150 concourent dans la catégorie des femmes de 25-29 ans, dans ce cas, 10% des places qualificatives reviendront aux top finishers de cette catégorie, soit 5 places pour l'exemple d'Hambourg. Oui, ce n'est pas ce qu'il y a de plus simple à calculer, on vous l'accorde.
Cependant, si votre objectif est tout simplement de concourir dans l'un des Ironman® ou Half Ironman®, hors championnat du monde, alors seules votre rapidité à vous inscrire, vos capacités financières et une licence ou un pass journée triathlon entreront en compte.
"Sur mon premier Ironman®, quand j'ai franchi la ligne d'arrivée, je me suis dit 'Ah, c'est tout ?'", se souvient Denis, "Je m'attendais à quelque chose de plus dur, mais quand on respecte bien le plan et qu'on se connait, tout se passe bien. Le plus dur, c'est la régularité et le sérieux constant dans la préparation". 8-12h de compétition contre plusieurs mois d'entrainement, effectivement, si la constance vous fait défaut, il faudra peut-être travailler là-dessus avant de vous lancer.
"Ça fait peur, mais il y a des personnes transplantées qui font des Ironman®, des personnes en surpoids, des personnes en sortie de cancer... Tout le monde peut réussir, avec un bon entrainement", conclut le champion.
Bon, après, soyons honnête : si vous n'avez jamais fait de triathlon, et que le sport ne fait pas partie de votre routine, il va falloir vous entrainer sérieusement (et bien plus longtemps que Denis et Élodie) avant de pouvoir figurer parmi les finishers d'un Ironman®. Ces courses restent très physiques et inaccessibles sans entrainement préalable.
Mal.
Non, on rigole, promis. En réalité, votre entrainement doit avant tout être adapté à votre niveau sportif, mais aussi au parcours visé, et ne pas tomber dans la monotonie pour pouvoir être tenu sur la durée. Cet entrainement doit se faire sur le plan physique, mais aussi inclure une préparation mentale, capitale pour tenir de telles distances le jour-J. La préparation est longue, puisqu'il faudra un temps certain avant que votre corps ne puisse faire face à de telles distances, réalisées à la nage, à vélo et en course à pied. Les disciplines requièrent chacune un entrainement spécifique, pour éviter les blessures et mauvaises surprises le jour de la compétition.
Concernant le temps d'entrainement, celui-ci varie en fonction de vos capacités, mais aussi et surtout de votre but final. Côté matériel, évitez bien entendu de sortir vos chaussures flambant neuves le jour de la course, pour vous éviter douleurs et ampoules.
Denis Chevrot, champion de l'Ironman® de Busselton en 2014, conseille de se faire accompagner par un·e professionnel·e dans la réalisation d'un plan d'entrainement sur-mesure, celui-ci réduisant considérablement les obstacles rencontrés au cours de l'entrainement. "C'est lui qui a tout géré, il a su comment me préparer pour la course. C'est un plan qui s'est déroulé sans accroc", explique-t-il, "Je m'entrainais tous les jours et aucune semaine ne se ressemblait pour éviter la monotonie".
Pour en savoir plus sur l'importance de la préparation mentale, découvrez notre podcast sur le sujet, signé Céciliane, coach sportive.
Denis Chevrot conseille de se renseigner sur les aliments distribués lors des ravitaillements de la course, pour éviter toute mauvaise surprise. Et si vous souhaitez jouer la carte de la sécurité, vous pouvez très bien préparer votre propre encas. Romain, entraineur d'Élodie, conseille notamment d'opter pour un bidon de boisson énergétique, plutôt que du gel. "Un bidon de 750ML de boisson énergétique et un autre d'eau, consommés à petites gorgées toutes les 10 minutes sur votre vélo et en course à pied et à renouvellement au ravitaillement, vous aideront à tenir la cadence et à ne pas souffrir de déshydratation", explique le coach, "Je déconseille les gels, qui peuvent parfois causer de petits désagréments intestinaux sur de telles distances".
Qui plus est, l'athlète conseille aussi d'éviter les fibres en amont de la course pour éviter... Enfin, vous voyez, des petits problèmes intestinaux et autres besoins urgents en pleine compétition. Si jamais une urgence vous guette, sachez que de nombreuses cabines WC portatives se trouveront sur votre chemin lors de vos épreuves, et qu'il vous sera toujours possible de réaliser le fameux "pipi combi" durant votre épreuve de natation (ne mentez pas, on connait vos petits secrets, les triathlètes). Pour en savoir plus sur l'hydratation durant un triathlon, c'est par ici.
"Mon repas typique le matin de la course, c'est du riz et de la confiture. Ça se digère bien et ça m'apporte ma dose de sucre", explique l'athlète.
⇾ Pour un Ironman®
Si votre but est de terminer parmi les finishers - peu importe votre temps final - misez sur 20 à 32 semaines d'entrainement (5 à 8 mois de préparation), avec un bon niveau dans les trois disciplines de la compétition. "Les distances peuvent paraitre effrayante pour un premier Ironman®, mais un entraînement sérieux vous permettra de le finir et de vous surprendre dans vos capacités physiques", explique Romain, "Il est parfois difficile de coupler vie professionnelle et entrainement de ce type, c'est pourquoi de nombreux compétiteurs d'Ironman® prennent des congés sabbatiques en amont de leur course". Le coach précise qu'avec une vie de famille en plus, un entrainement aussi intensif peut être source de tensions, et conseille ainsi de discuter de la réalité d'un tel entrainement avec un coach spécialisé en amont, afin d'en mesurer les implications et de s'organiser en conséquence.
Pour Denis Chevrot, l'objectif est un cran au-dessus, puisqu'il est désormais qualifié pour le championnat du monde d'Ironman® 2023. Son entrainement commencera donc en janvier, pour une compétition prévue au dernier trimestre 2023. Avec 40 semaines d'entrainement au compteur, soit dix mois de préparation, Denis Chevrot devrait arriver à bloc sur la ligne de départ ! Après une petite trêve ponctuée d'étirements durant trois semaines, Denis Chevrot se lance dans la préparation de son prochain Ironman®, à commencer par la reprise et ses séances de renforcement musculaire. Eh oui, il faut bien préparer la base avant de se lancer dans un tel programme ! "Après une trêve, il est important de reprendre progressivement l'entrainement pour ne pas brusquer votre corps", conseille Romain, "Encore une fois, se faire accompagner d'un·e professionnel·le en la matière est primordial pour éviter les blessures et les déceptions malgré un entrainement intensif".
Pour son premier Ironman® il y a maintenant onze ans, Denis s'est "donné à fond" de ses propres mots : "Je nageais cinq fois par semaine, sortais courir quatre à cinq fois par semaine, et roulait deux à trois fois par semaine, et je m'étirais tous les soirs", confie-t-il. Un plan d'entrainement et des mois de préparation qui demandent un dévouement presque total, notamment pour les athlètes non professionnel·les ayant un emploi par ailleurs.
"Si vous êtes bon·ne dans un sport sur trois, rapprochez-vous d'un entraineur ou d'un club. Il faut se faire accompagner par quelqu'un qui connaît cette compétition pour recevoir tous les conseils nécessaires", souligne une fois de plus Denis, "Pour les triathlètes, c'est un peu plus simple, mais demandez tout de même quelques conseils à d'autres personnes ayant réalisé un Ironman®."
⇾ Pour un Half Ironman®
Pour le Half Ironman®, la discipline est la même, seuls les objectifs de distance changent. Vous pouvez de fait adapter votre plan d'entrainement en conséquence. Attention à ne pas diviser par deux le temps de votre programme, afin de préserver la qualité de votre entrainement. À vouloir gagner du temps, vous risquez de rater votre objectif final !
L'important, c'est la régularité de l'effort et la capacité à performer dans chaque discipline. "C'est le plus dur à tenir", confie Romain, "Les séances d'entrainement ont beau être variées, le rythme peut être difficile à tenir sur la longueur, on se dit que louper une séance sur quelques mois, ce n'est pas grave, et on en loupe une deuxième, une troisième, puis on est déçu·e de son résultat lors de la course". Dans le plan d'entrainement de Denis Chevrot, chaque semaine, les trois disciplines trouvent leur place et le travail est varié : endurance fondamentale, travail au seuil, travail de VMA... Il y en a pour tous les goûts et tous les blocs de travail. Pour Élodie, runneuse aguerrie dont le premier Ironman® a été réalisé cette année, le plan d'entrainement réalisé par son coach suivait la même logique.
Votre entrainement sera amené à varier en fonction également de l'Ironman® visé. Si celui-ci est relativement plat, comme le Frenchman aux 240m de dénivelé, votre préparation doit alors se faire en conséquence. En revanche, si vous visez l'Embruman et ses redoutables 3600m de dénivelé, là, c'est une autre affaire... Ainsi, l'étude de votre futur parcours et l'adaptation de votre entrainement en fonction des spécificités de celui-ci est primordial : on ne s'attaque pas à un Embruman en n'ayant travaillé ses foulées que sur terrain totalement plat. Si votre future course varie les plaisirs (ou souffrances, ça dépend de votre vision de la chose), variez alors vos entrainements : tantôt sur du plat, tantôt sur un dénivelé à hauteur de ce que vous comptez affronter le jour de votre Ironman®.
Veillez également à ne pas négliger les temps de récupération après vos entrainements, pour donner la possibilité à votre corps de pleinement se reposer entre vos séances. Ceci inclut donc une qualité et un temps de sommeil optimums. Non, on ne s'entraine pas pour un Ironman® avec trois heures de sommeil à son actif.
"Avec mon coach, on a cherché à diversifier mes entrainements de natation pour éviter l'effet 'enchainement de longueurs' trop monotone", explique Élodie. De fait, elle alterne à chaque entrainement les styles de nage (brasse, crawl, papillon), tout en cherchant d'abord à atteindre son but, la distance à parcourir lors de l'Ironman® visé, puis à battre son propre temps à chaque entrainement sur cette distance. Pour réaliser les 3,8 km de natation requis, il faut s'armer de patience et de persévérance, tout particulièrement si cette discipline n'est pas votre fort.
À noter qu'il faudra également vous entrainer en eau libre pour appréhender correctement le terrain de votre futur Ironman®. "Si vous n'habitez pas près d'un point d'eau permettant ce type d'entrainement, prévoyez des déplacements pour tester ce terrain en amont, cela vous évitera des mauvaises surprises le jour-J", conseille Romain. Eh oui, dans la piscine, il n'y a pas de vagues, mais le jour-J, vous risquez fort de faire face à quelques mouvements d'eau, et ceux-ci pourraient bien vous faire rater votre objectif faute d'entrainement approprié.
Pour atteindre votre but, soit 180 km, il va falloir y aller de manière progressive et ici aussi, varier les plaisirs et les parcours en fonction de votre circuit final et de ses spécificités. Vos sorties vélo peuvent ainsi se focaliser pendant trois semaines sur votre endurance, avant de challenger votre travail au seuil... L'entrainement par bloc de travail a porté ses fruits pour de nombreux athlètes, alors pourquoi pas pour vous ?
"L'important, c'est de ne pas s'éparpiller et de structurer votre plan d'entrainement", explique Romain, "Testez vos capacités en matière d'endurance et de sprint, votre cadence idéale sur de longues distances, et identifiez vos points forts et points faibles. Attention à ne pas vous ultra-focaliser sur vos points faibles, vos points forts aussi doivent être entretenus".
Pour déterminer votre programme d'entrainement, il vous faudra déjà calculer votre vitesse maximale aérobie, ou VMA. Celle-ci peut être calculée au moyen d'un test de Léger-Boucher, qui vous permettra de noter votre VO₂ max. Des sports complémentaires d'endurance, ou des entrainements sur home trainer peuvent vous permettre de varier les plaisirs et, une fois de plus, d'éviter la monotonie. "Privilégiez tout de même les sorties en extérieur, dans des environnements proches de la typologie de votre futur lieu de compétition", conseille Romain.
Sur ce point, on ne peut que trop vous conseiller de vous rapprocher d'un club dédié pour recevoir l'accompagnement adéquat, et les conseils d'autres sportif·ves. Toutefois, au cours de votre plan d'entrainement, vous aurez à réaliser plusieurs triathlons pour habituer votre corps à l'enchainement des trois disciplines. "Allez-y crescendo : d'abord un triathlon S, sur lequel vous analyserez vos performances et vos points d'amélioration, puis un M, un L et enfin, un XL", explique Romain.
Si votre but est clair, et que votre plan d'entrainement a été suivi à la lettre, ne laissez pas la petite voix du syndrome de l'imposteur vous susurrer ses mauvaises paroles à l'oreille. Que vous parveniez ou non à inscrire votre nom parmi les finishers de votre Ironman®, toute expérience est bénéfique, et vous permettra de vous dépasser encore davantage lors de votre prochaine tentative.
"Je pense qu'on ne se sent jamais vraiment prêt·e pour un Ironman®, mais on donne tellement de notre personne qu'une chose est sûre : on est à bloc quand arrive sur le lieu de l'évènement", explique Élodie, "c'est une expérience unique, où notre corps nous porte bien au-delà de toute ce que l'on pouvait imaginer".
Vous détenez maintenant toutes les clefs pour vous lancer dans la préparation de votre premier Ironman®, et faire mentir les mauvaises langues autour de vous (ou dans votre tête) qui ne vous en croient pas capable. Allez, "tout est possible", comme l'affirme la devise dédiée !