Face au gluten, il y a les pour et les contre... De notre côté, avant d'arrêter les pâtes et les viennoiseries, on a demandé à un diététicien du sport ce qu'il en était.
Si vous aussi vous vous intéressez à ce que vous mettez dans votre assiette (ou pas d'ailleurs), vous avez sûrement vu passer cet appétit grandissant pour le sans gluten. Mais en fait, c'est quoi le gluten ? Faut-il vraiment chercher à l'éliminer ? Et quand on est sportif·ve alors ?
Réponse avec le diététicien-nutritionniste du sport et formateur en nutrition du sportif, Stanislas Trolonge.
"Gluten" en latin, ça veut dire "colle". Vous voilà bien avancé n'est-ce pas ? Patience, vous allez comprendre.
Le gluten est en fait "une protéine d’origine végétale que l’on retrouve dans certaines céréales comme le blé, l’orge, le seigle et l'avoine ” explique Stanislas Trolonge. Donc le blé, c'est de la protéine ? Non, ce n’est pas si simple. Il s’agit en fait "d’une céréale riche en glucides que l’on classe dans la catégorie des féculents. Simplement, il y a aussi environ 10% de protéines à l’état cru dans les céréales" explique Stanislas Trolonge. Le gluten, particulièrement, est divisé en deux groupes de protéines : les prolamines et les gluténines. Celles de la famille des prolamines constituent la fraction toxique pour les intolérants au gluten, notamment l’alpha-gliadine.
Aujourd'hui, on retrouve majoritairement le gluten dans les pâtes, le pain, les viennoiseries et tout ce qui est à base de farine de blé, mais aussi d'orge, de seigle et de certains types d'avoine.
De plus en plus, le gluten se retrouve également dans les additifs. S'il est utilisé ainsi, c'est essentiellement “parce qu'il est peu cher et qu'il offre des propriétés de liant (d'où le "colle", on s'y retrouve maintenant 😉) et de stabilisant" constate Stanislas Trolonge. Ainsi, vous en retrouverez peut-être dans certains de vos dentifrices, la colle de vos timbres, certains médicaments, vitamines et compléments alimentaires.
La maladie cœliaque est la “maladie intestinale chronique provoquée par l’allergie à la gliadine que l'on retrouve dans le gluten” explique le diététicien du sport. Cette allergie déclenche une réaction immunitaire immédiate. Quand les personnes développent une allergie au gluten, “la réaction entraîne une destruction de la muqueuse intestinale” précise Stanislas Trolonge. Celle-ci ne joue alors plus son rôle : “celui de l’absorption des nutriments, de réaction face aux bactéries et aux virus etc.”
Conséquence ? Les malades souffrent d’importantes diarrhées, entraînant parfois une perte de poids conséquente, voire une dénutrition.
La maladie cœliaque se diagnostique avec un dosage biologique d’anticorps.
À ce jour, le seul traitement trouvé pour les malades est le suivi strict d'un régime sans gluten.
Sans pour autant être allergique au gluten, il est possible d'y développer une certaine sensibilité. On parle alors d'intolérance : il s'agit "de troubles liés à la fermentation dans notre gros intestin” pendant la digestion, détaille le diététicien du sport. Si les conséquences sont, sur le plan santé, moins graves que la maladie cœliaque, celles-ci restent très inconfortables pour les personnes qui en souffrent : ballonnements, diarrhées, constipation, douleurs…
Ces intolérances et sensibilités se retrouvent souvent sous l'étiquette du syndrome de l'intestin irritable (SII). Pour Stanislas Trolonge “c'est un peu une grosse enveloppe dans laquelle on a mis tous les troubles digestifs” dont les problèmes liés au gluten. Il ajoute : “Aujourd’hui, nous n'arrivons pas encore à être très précis en ce qui concerne ces diagnostics : il n’y a encore rien de validé en termes de diagnostic biologique, on est encore à l’état de la recherche". Le diagnostic de ces pathologies est donc établi suite à une observation des symptômes.
Le spécialiste rappelle cependant que tous les troubles digestifs, dont celui du syndrome de l’intestin irritable, ne sont pas forcément causés par le gluten : “cela peut aussi être lié à d’autres molécules comme les fructanes (un dérivé de sucre que l’on retrouve aussi dans les céréales) par exemple". Conséquence ? “Les gens suppriment de leur alimentation les céréales contenant du gluten et se disent que ça va mieux, alors que ce n’est pas forcément lié au gluten justement". Or, s'il n'y a pas de sensibilité particulière diagnostiquée et que l'on retire une catégorie d'aliment de son alimentation, on prend le risque d'affaiblir nos capacités digestives et de se créer ainsi nos propres intolérances...
Par contre, pour apaiser les symptômes, “des diététiecien·nes spécialisé·es proposent des protocoles alimentaires dans lesquels on va exclure certains aliments de l'alimentation au fur et à mesure pour réussir à trouver l’agent responsable”.
Ces régimes médicinaux sont un peu techniques et il n’est donc évidemment pas recommandé de se lancer seul·e dans l'expérience. En cas de doute, ou de symptômes digestifs trop récurrents, n’hésitez pas à vous tourner vers des professionnels de santé : médecins, gastro-entérologues et diététicien·ne spécialistes des troubles digestifs.
“Il y a plusieurs raisons à cela” explique le diététicien et nutritionniste Stanislas Trolongé. Tout d’abord, “de plus en plus de personnes prennent la parole au sujet de leurs troubles digestifs de manière générale”. En conséquence, en face : “le corps médical est de plus en plus à l’écoute des patients à ce sujet. En marge, le développement de diététicien·nes spécialisé·es sur les troubles digestifs a également permis une amélioration du diagnostic et de la prise en charge”. En bref : “On dépiste mieux et on prend mieux en considération la maladie cœliaque et les intolérances”.
Il n’y a donc pas plus de personnes souffrant d’allergies ou d’intolérances au gluten ?
“Si, et il y a aussi plus de personnes qui souffrent de troubles digestifs de manière générale liés à une consommation grandissante de produits transformés avec des additifs alimentaires contenant du gluten, mais pas seulement". En effet, ces produits sont aussi très riches en additifs, eux-mêmes très "agressifs pour les muqueuses intestinales”. S'ajoute à cela un appauvrissement de la qualité de certains aliments : "Pour répondre à la demande de l’industrie agroalimentaire, des modifications génétiques ont été faites sur les aliments que nous consommons et qui appauvrissent, entre autres, la qualité du blé et des céréales" constate le spécialiste de la nutrition.
“Non, il n’y a pas de restrictions alimentaires qui se justifient sans diagnostic. Il ne faut pas arrêter d’en consommer si on n'a pas de problème” répète Stanislas Trolonge. Il ajoute : “Certes, les outils de diagnostic ne sont pas encore efficaces ni bien reconnus par les sociétés, mais si on arrête le gluten sans raison médicale, on prend le risque de déshabituer son corps au gluten, et il aura ensuite plus de difficulté à l’assimiler, car il n’aura pas développé les outils pour bien le digérer”. C'est ce que je vous expliquais un peu plus haut quand je vous parlais du risque de se créer seul·e une intolérance alimentaire.
S’ajoute à cela : “les conséquences sociales” : en effet, “les céréales sont, en France, la base d’une grande partie de notre alimentation, et en cherchant à strictement les supprimer, nous pourrions nous isoler, nous frustrer et aller jusqu’à développer des troubles de la conduite alimentaire”.
Très simplement : “il y a du sens à mettre de côté les aliments qui nous sont agressifs (comme le gluten par exemple) le temps de réparer notre intestin, mais seulement si l'on a des troubles digestifs" explique le diététicien du sport.
En ce sens, soyez vigilant·es quant aux tendances et régimes alimentaires en vogue. L’alimentation, c'est finalement quelque chose de très personnel et c’est important que ça le reste. Suivre une “mode” ou une façon de s’alimenter particulière alors qu’elles ne nous conviennent pas, pourra entraîner des effets délétères aussi bien sur notre santé physique que mentale.
Si certain·es sportif·ves font le choix de limiter leur consommation de gluten, c'est probablement parce qu'ils et elles souffrent de certaines sensibilités intestinales. Et pour cause : “Le sport à haute intensité, de longue durée, fragilise l’intestin" explique Stanislas Trolonge. Il ajoute : "Pendant l’effort, le sang est orienté majoritairement vers nos muscles au détriment de l’intestin et des reins”. Ce phénomène s'appelle l’ischémie intestinale.
Après l’effort, les intestins sont à nouveau alimentés normalement, mais avec un sang riche en lactate et en protéines inflammatoires : "un sang de mauvaise qualité qui fragilise la muqueuse intestinale et favorise le développement de troubles digestifs”.
Lorsque la muqueuse intestinale est très abimée par ce processus, on parle d’hyperméabilité intestinale, et c'est ce dont souffrent beaucoup de sportif·ves.
Après l'arrêt du gluten, certains sportif·ves constateront également chez eux une amélioration plus globale de leur état de forme, mais encore une fois, le lien de cause à effet n'a pas encore été scientifiquement prouvé. Enfin, pensez toujours que ce qui marche chez l'un·e, ne marche pas forcément chez l'autre et que tout dépend aussi des sensibilités alimentaires de chacun·e.
Détrompez-vous ! “Les troubles digestifs ne concernent pas uniquement les sportif·ves professionnel·les” constate le diététicien du sport. Il ajoute : “Beaucoup de sportif·ves amateur·ices ont des charges d’entraînement très fortes, sans période de récupération et souffrent de troubles digestifs”. De son côté, il a pu observer que beaucoup de “ sportif·ves amateur·ices sont en surentraînement, et ce qui trinque en premier chez elles et eux, ce sont toujours les intestins”.
À ce sujet, sachez que lors du célèbre l’Ultra Trail du Mont Blanc, l'UTMB, la première cause d’abandon, sont les troubles digestifs...
Alors sportif·ves professionnel·les ou non, tout dépend finalement de la charge d'entraînement de chacun·e, mais aussi de ses habitudes de vie, alimentaires et plus globalement de son hygiène de vie.
Avant des séances d'entraînement de longue durée ou avant des compétitions assez importantes, les diététicien·nes recommandent généralement aux sportif·ves ce que l'on appelle une "alimentation d’épargne digestive”.
Il s’agit d’une alimentation avec des “aliments qui sollicitent peu les intestins en termes de digestion” explique Stanislas Trolonge. Il ajoute : “Juste avant un marathon, un trail ou une grosse compétition à vélo, on recommande, avec les diéteticien·nes une alimentation très simple : on supprime les aliments riches en gluten et on privilégie plutôt le riz, les pommes de terre, le quinoa…”. "C'est fini les pasta party avant une course !” ajoute en souriant le diététicien.
En cas de sensibilité, il est également conseillé de supprimer temporairement les aliments à base de lait, car le lactose qu’il contient peut lui aussi déclencher des troubles digestifs. Encore une fois, ces conseils sont à adapter en fonction des sensibilités de chacun·e.
Bien sûr, après l’effort, les sportif·ves doivent procéder à une réintroduction des aliments.
Ces symptômes déclenchés par l'effort peuvent aussi être accentués par le stress, ici, celui de la compétition par exemple : “les gens très stressés ont de toute façon des intestins très fragilisés parce que le stress crée chez elles et eux une inflammation au niveau intestinal” précise le spécialiste.
“Si l’on a des doutes et des troubles digestifs avérés, il faut absolument aller voir un gastro-entérologue” insiste Stanislas Trolonge. Son suivi, couplé à celui d’un·e diététicien·e spécialisé·e permettra alors d’éliminer la possibilité de maladie grave comme la maladie cœliaque et surtout, d’apaiser les symptômes.
Sans grande surprise : “Avant d’arrêter le gluten, il est important de connaître la raison de ses troubles digestifs, car leur cause est peut-être ailleurs”, d'où l'importance de se tourner vers un·e professionnel·le de santé qui pourra vous accompagner pour faire un travail de fond sur vos habitudes alimentaires et éviter certaines incohérences alimentaires. À l’issue de cette première étape, si les symptômes persistent, il vous sera proposé de faire une exclusion temporaire puis une réintroduction de certaines familles d'aliment pour voir si l’on observe ou non une amélioration.
Enfin, retenez que les troubles digestifs ne sont pas normaux, et que même si cela peut prendre du temps, il est toujours important d'explorer la cause de vos symptômes.
Pour suivre un régime sans gluten, il faut supprimer bien évidemment le blé, mais aussi le seigle, l'épeautre, l'avoine, et l'orge.
Vous pouvez plutôt vous tourner vers des céréales comme le riz, la pomme de terre, le quinoa ou encore les légumes secs.
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Même si toutes les marques et les produits ne se valent pas, gardez en tête que ces produits restent des aliments transformés contenant généralement beaucoup d’additifs qui viennent pallier le manque de liant qu’offre le gluten.
Ainsi, privilégiez toujours les aliments naturellement sans gluten. En plus, cela vous permettra également de faire des économies, car les produits transformés sans gluten restent encore aujourd’hui plus chers que les produits à base de blé par exemple.
Sportif·ve ou non, ne vous diagnostiquez pas tout·e seul·e ! Vous lancer dans un régime sans gluten sans nécessité pourrait avoir des conséquences importantes sur votre santé digestive et morale. Alors soyez à l'écoute de votre corps et de vos symptômes et n'hésitez pas à vous tourner vers des professionnel·es de santé : diététicien·nes et gastroentérologues pour vous faire suivre.