Rachid Zerrouki : le sport, outil pédagogique face au décrochage scola

Rachid Zerrouki : le sport, outil pédagogique face au décrochage scolaire ?

Et si le sport aidait les élèves décrocheur·euses à retrouver le chemin du système scolaire ? Aucune évaluation, juste du plaisir, voilà la recette gagnante du sport volontaire, selon Rachid Zerrouki ! 

Rachid, 30 ans et professeur en micro-collège, nous raconte la mise en place de la demi-heure de sport hebdomadaire auprès de ses élèves et les bienfaits qui en découlent. 

Rachid Zerrouki : le sport, outil pédagogique face au décrochage
Rachid Zerrouki : le sport, outil pédagogique face au décrochage

C'est quoi, un·e "élève décrocheur·euse" ?

Selon le site du Ministère de l'Éducation Nationale, le décrochage scolaire se définit comme suit : "C'est un processus qui conduit chaque année des jeunes à quitter le système de formation initiale sans avoir obtenu une qualification équivalente au baccalauréat ou un diplôme à finalité professionnelle, de type certificat d'aptitude professionnelle (CAP) (...)
Ce processus est la conséquence d'un désintérêt progressif de l'élève pour l'école
."

Rachid Zerrouki : “Faire revenir les élèves décrocheurs, sans contraintes”

Sur Twitter, vous ne trouverez pas que des malotrus, promis. Vous tomberez aussi sur Rachid Zerrouki, professeur aux tweets aussi drôles qu’inspirants. Au détour d’une pause, je plonge mon nez dans le réseau de l’oiseau bleu et découvre une publication du professeur : “Les vertus pédagogiques de la demi-heure de foot que je fais avec les élèves le vendredi sont vraiment incroyables. Faire une passe décisive à un élève que j’ai engueulé toute la semaine apaise la tension comme aucun discours ne saurait le faire”.

À l’école, je n’ai jamais été décrocheuse, mais les cours d’EPS ne m’inspirant pas la plus grande des confiances, ce tweet m’interpelle. Quelques mois passent, et en comité éditorial, le sujet du sport pédagogique est remis sur la table. Directement, je lance “ah mais j’ai vu un tweet passer sur le sujet !” Une publication que je ne suis pas la seule à avoir remarqué, puisque Justine, collègue également présente, me dit “mais moi aussi, c’est un instit’ qui l’a posté, non ?” Ni une ni deux, j’envoie un message à Rachid Zerrouki, auteur du fameux post : “Tu serais ok pour une interview ?” C’est un oui, et c’est parti pour un échange riche en bienveillance et en pédagogie !

Rachid Zerrouki, professeur et auteur des livres Les incasables et Les décrochés, est professeur en micro-collège. Non, il ne s’agit pas là d’un collègue minuscule, mais bien d’un modèle pédagogique d’expérimentation en faveur des élèves décrocheur·euses. “Notre but est de faire revenir les élèves décrocheur·euses dans le système scolaire, sans passer par la contrainte ou par tout ce qui n’a pas fonctionné avant”, explique le professeur, “Ce sont des élèves en rupture partielle ou totale avec l’institution, qui présentaient donc des taux d’absentéisme de l’ordre de plusieurs mois avant d’arriver dans notre structure”. En 2019, la France présentait encore un taux d'abandon scolaire de 8.2%, selon le site du Ministère de l’Éducation Nationale.

Pour atteindre l’objectif ambitieux du micro-collège, Rachid Zerrouki a donc choisi d’opter pour… Le sport ! 

Une demi-heure de sport pour les unir tou·tes

Mais l’EPS existe déjà, non ?” Alors, oui, mais le professeur choisit volontairement de sortir de ce cadre, pour offrir à ses élèves un regard neuf sur le sport. “Dans ce contexte, l’EPS tel qu’on la connait ne fonctionne pas, puisqu’il s’agit d’une discipline pas vraiment tendre envers ces élèves, fâchés avec l’école”, explique-t-il, “Ça génère du stress, une angoisse spécifique à la matière et on se retrouve souvent avec un refus total de la part des élèves face aux activités demandées”. Durant ce moment sportif, Rachid ne met en place aucune évaluation. “Je cherche à les faire revenir, à dissiper leurs angoisses”, Souligne le professeur, “Je n’appelle donc pas ça de l’EPS, juste du sport, pour recréer et forger un groupe”.

Au début, Rachid présente à ses élèves le HIIT, le temps d’une demi-heure. “Je leur ai dit que j’allais faire avec eux ce que je fais quand je vais à la salle”, complète-t-il, “Je mets la vidéo, et on se lance tou·tes ensemble”. L’initiative fonctionne, puisque bientôt, les élèves de Rachid lui proposent de tenter l’expérience du football ! “Et puis c’est devenu un véritable rituel entre eux et moi”, souligne le professeur.

Et si vous vous demandez à quoi peut bien servir cette demi-heure sportive, en voici quelques bienfaits.

Une demi-heure de sport pour les unir tou·tes

Les vertus pédagogiques et bienfaits du sport 

1. La création d’un lien prof-élèves 

Ça crée une complicité qui me mâche le travail après, il faut créer du lien avec ces élèves, c’est ça qui les fait revenir”, précise Rachid, “La posture d’enseignant, avec ce que ça suppose en termes de hiérarchie, ne facilite pas cette création de lien”. Alors, lorsque les cartes sont rebattues et que Rachid se retrouve sportif au même titre que ses élèves, le rapport hiérarchique s’efface au profit de l’esprit d’équipe : “Les rôles sont redéfinis, je joue avec eux et les capitaines d’équipe me choisissent… ou pas ! Ce contexte n’a rien à voir avec celui de la classe”.

2. L'apaisement des tensions 

Tout milieu scolaire a ses tensions, et la structure dans laquelle enseigne Rachid n’y échappe pas. Que ce soit entre le professeur et ses élèves, ou tout simplement entre élèves, les conflits existent, et le sport peut aider à résoudre ceux-ci. “Partager ces moments de plaisir autour d’objectifs sportifs permet d’apaiser les tensions”, illustre l’enseignant, “C’est assez irrationnel : on passe des pires ennemis au câlin de la victoire, parce qu’on vient de marquer un but. C’est une véritable complicité qui nait du partage d’un même objectif durant un temps donné.”

Cette demi-heure permet de tourner la page des conflits, parfois même sans jamais rouvrir celle-ci par la suite. “Je vois des jeunes qui vont jusqu’à se bagarrer et ça peut être tendu en classe”, explique Rachid, “Je fais alors exprès de les mettre dans la même équipe, parce que je sais que ça peut résoudre pas mal de choses”.

3. La sensibilisation à l’entraide et la solidarité

Si l’esprit d’équipe est souvent mis en avant parmi les bienfaits du sport, l’esprit de compétition peut aussi perturber la pédagogie de cette expérimentation sportive. “Il y a un climat général de classe à prendre en compte : cette année, je n’ai pas eu à dissiper l’esprit de compétition de mes élèves, puisqu’il n’y en avait tout simplement pas”, relate Rachid, “Les années d’avant, cet esprit un peu revanchard était présent, et je trouve cela utile de l’attaquer par le biais du sport pour le délégitimer et valoriser à l’inverse l’entraide et la solidarité”.

4. L'apprentissage du droit à l’erreur

Pour les enseignant·es comme pour les élèves impliqué·es, l’expérimentation sportive est toujours une belle leçon. “Il faut juste essayer”, souligne Rachid, “On a souvent peur de se tromper, de mal faire, mais on répète aux élèves que l’erreur est une étape de l’apprentissage et je pense qu’on doit en être nous-mêmes convaincus”. Pour que, vous aussi, vous puissiez vous lancer, le professeur a un conseil à partager : “Essayez avec un sport qui vous fait plaisir. Ça peut paraitre égoïste, mais c’est en fait la meilleure façon de montrer aux élèves que le sport peut procurer un certain plaisir”.

Pour faire revenir les élèves décrocheur.euses, la solution miracle n’existe peut-être pas, mais certains leviers peuvent être d’une grande aide. Pour Rachid, le sport en est définitivement un ! “J’aime beaucoup ces moments, ils m’apportent du plaisir, et c’est contagieux”, conclut l’enseignant, “Les élèves cherchent donc à leur tour à se faire plaisir. On ne fait pas toujours carton plein, certain·es sont arbitres, commentent ou observent de plus loin, mais je ne baisse pas les bras !” 

Rachid Zerrouki : le sport, outil pédagogique face au décrochage

Val

Journaliste - rédactrice web

Journaliste société, passionnée de réseaux sociaux (la Twitter fever, tu connais) et de sport. À mes heures perdues, on me retrouve sur une barre de pole dance ou sous la barre de hip thrust, ça dépend des jours.

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