🎶 Et j’ai crié, crié 🎶 Sur les courts de tennis ou dans les salles de sport, grognements et cris parfois gênants ponctuent les séances des sportif·ves. Ont-ils un réel impact sur notre performance ? On vous répond !
À la salle, les sons qui sortent de la bouche de certain·es sportif·ves vous plongent parfois à la limite du malaise… Pourtant, il semblerait que dans le milieu sportif, crier et performer seraient en fait intimement liés (dans la limite du raisonnable, bien sûr).
Il y a quelques semaines, lors de mon entrainement de musculation, je me suis surprise à lâcher un petit “gnnnniiiiih” un peu bruyant en soulevant une charge lourde au hip thrust. Immédiatement, j’ai lancé à mon coach “purée, je m’étais promis de pas devenir cette personne qui gueule à la salle” en riant, suivi d’une petite discussion avec lui autour du réflexe vocal pendant l’effort. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que j’en ai appris, des trucs !
Bon, déjà, prenons les bases : la plupart des sportifs et sportives se sont déjà retrouvés dans la même situation lors d’un effort particulièrement intense. Cri, râle, grognement, expulsion bruyante de l’air contenu dans vos poumons… Les vocalisations sont variées, mais pas anodines, puisqu’elles ont bel et bien leur petite utilité dans le monde sportif. Comme un auto-encouragement parfois involontaire, ce cri semble nous porter jusqu’à l’objectif, alors même que l’on n’y croyait plus vraiment.
Cependant, au-delà de la performance pure et dure, le cri peut aussi être tactique, ou même culturel. Du coup, j’ai poussé les recherches, et suis tombée sur quelques études qui ont analysé le sujet de plus près.
Si la réflexion s’applique à tout exercice qui requiert un effort physique intense, parlons un peu de la salle, de la fonte et des gros bibis, parce qu’il s’agit là de l’exemple le plus répandu en matière de cri impromptu, et le plus véhiculé sur les réseaux sociaux. Si vous êtes tenté·e de lâcher un gros “MAIS CHUT” à votre voisin·e un peu trop bruyant·e à votre goût durant ses séries à la presse (ou ailleurs), attendez un peu, parce qu’il semble bien que la vocalisation fasse partie intégrante de la performance…
Dans une étude publiée en 2015 dans le Journal of Sport and Health Science, des chercheurs chinois ont pointé les effets du cri et de l’expiration bruyante sur les performances des sportifs et sportives de l’échantillon observé. “Lorsque les participant·es se sont exercés jusqu'à l'épuisement pendant le test de cyclisme incrémental, il a été observé que le hurlement améliorait leur puissance maximale et leur délai d'épuisement respectivement de 6,0 % et de 5,8 %, par rapport aux valeurs enregistrées dans l'essai de contrôle”, peut-on lire dans les résultats de l’étude en question. En gros, en vocalisant, votre souffle se trouve décuplé, vous engagez davantage votre ventre, et votre corps maximise ses efforts, ce qui affecte positivement votre performance finale.
Au-delà de la salle, on constate également cette tendance à la vocalisation dans bien d’autres disciplines, notamment du côté des sprinteurs et des grimpeurs. Prenons l’exemple de l’escalade et de Chris Sharma, grimpeur américain : l’athlète est connu pour ses cris impressionnants en compétition.
“HEU”, “GNAH”, “MPHAA”... Sur les courts de tennis, en compétitions officielles, les spectateur·ices et téléspectateur·ices esquissent de temps en temps quelques petits sourires en coin à l’écoute des cris et autres râles d’athlètes lancés à chaque coup. Si ici s’appliquent également les conclusions de l’étude précédemment citée, le cri et le grognement au tennis revêtent une double utilité : ils permettent de maximiser l’effort fourni, mais aussi de déstabiliser l’adversaire.
Côté femmes, c’est Monica Seles, joueuse de l’ex Yougoslavie, qui a initié le mouvement, avec 93 décibels, l’équivalent du bruit d’une moto. Et si l’on prend l’exemple plus récent de Maria Sharapova et de ses vocalisations à plus de 101 décibels (ndlr : l’équivalent du bruit d’une tronçonneuse), on comprend rapidement en quoi ces cris et râles peuvent être aussi tactiques que libérateurs. Des chercheurs américains ont même observé de près ce phénomène à l’occasion d’une étude canadienne sur le sujet, publiée en 2010. celle-ci montre que le bruit blanc (ndlr : la somme de toutes les fréquences sonores visibles) provoqué par les grognements des joueurs et joueuses de tennis au moment de porter un coup aurait un impact sur la perception de celui-ci par l’adversaire. L’adversaire mettrait ainsi jusqu’à 33 millisecondes de plus à réagir.
Bien entendu, au niveau professionnel, ces effets tendent à s’estomper, tant les cris et râles semblent désormais répandus sur les terrains de tennis. Même si l’effet tactique perd aujourd’hui un peu de son effet, la vocalisation reste libératrice pour les joueurs et joueuses de tennis, et garde tout son pouvoir en matière de levier de performance pure.
Oui, le cri peut aussi avoir une histoire profonde dans certaines disciplines sportives. Prenons les sports de combat, et notamment le karaté. Dans ce sport, le cri porte une dimension culturelle toute particulière. Le “Kiaï” est ainsi le cri lancé par les adeptes de la discipline avant une action. En japonais, Kiaï peut se traduire par “union des énergies”, et illustre parfaitement l’importance à la fois symbolique et physique du cri dans le monde du karaté.
Cet ancrage culturel se ressent jusque dans les tournois officiels. En compétition de karaté, le Kiaï fait d’ailleurs partie des conditions d’attribution des points. Pas de Kiaï, pas de point pour l’athlète resté muet au moment de l’impact. Là, on ne pourra pas le nier : le cri fait effectivement la performance !
Soyons honnêtes : non, pas toujours. Certaines personnes crient pour se pousser à performer, mais pour d’autres, c’est aussi du show-off, de la frime, du pipeau. Les études mentionnées précédemment montrent certes que crier permet de tirer la performance vers le haut, mais ce qu’elles ne démontrent pas, c’est le lien supposé entre l’intensité du cri et celle de la performance qui en découle. Je m’explique : en gros, ce n’est pas parce que vous criez comme un bœuf que vous serez plus performant.e, vous augmenterez simplement le nombre de voisin·es agacé·es.
En communauté, à la salle par exemple, on raisonne donc son niveau sonore autant que faire se peut, question de respect pour les autres personnes qui s'entraînent autour de vous, et de concentration commune. Parce que oui, si le cri peut favoriser la performance, la concentration est également un levier capital dans l’atteinte de vos objectifs sportifs. Qui plus est, comme l’a montré l’étude canadienne mentionnée précédemment, les râles et autres bruits blancs peuvent perturber les personnes qui vous entourent. De fait, penser à votre propre performance, c’est bien, mais penser à celle des autres également, c’est mieux !