Depuis 2010, la lutte contre le décrochage scolaire est au cœur des préoccupations de l’Union Européenne. Et si le sport pouvait y remédier ?
Avec la « stratégie Europe 2020 », l’UE s’est investie dans la lutte contre le décrochage scolaire. L’objectif est simple : soutenir les jeunes ayant quitté le système scolaire sans diplôme. Et devinez quoi ? Des études ont démontré que le sport réduisait les risques de décrochage et boostait la motivation et l’apprentissage !
Commençons par la définition officielle. Le ministère de l’Éducation Nationale, de la Jeunesse et des Sports le définit comme un processus qui pousse les jeunes à quitter le système scolaire sans avoir obtenu de diplôme équivalent au baccalauréat ou professionnalisant comme le CAP.
De nombreux facteurs sont à l’origine de cet abandon de l’école. On retient entre autres le milieu social, la structure familiale et l’origine migratoire. Le décrochage scolaire ne survient pas du jour au lendemain, il est la conséquence d’une chute en plusieurs temps. C’est pourquoi, plus tôt les signes seront détectés, plus grandes seront les chances de “repêcher” l’élève.
La stratégie « Europe 2020 » a fixé cinq grands objectifs dont la réduction du décrochage scolaire à moins de 10%. Les états membres semblent refuser de laisser une partie de la jeunesse sur le banc de touche. Tous affichent la volonté de permettre aux jeunes de construire une vie sociale et professionnelle épanouissantes.
Pour déterminer le taux d’abandon, le ministère de l’Éducation Nationale et ses partenaires, issus de divers milieux (agriculture, centres de formations des apprentis, pôles emploi), ont croisé leurs bases de données. Résultats des courses en 2020 : la France atteint son objectif ! Le taux d’abandon est passé à 8,2% contre 12,6% en 2010.
Une enquête menée par l’Agence pour l’Éducation et le Sport (APELS) démontre, sans appel, à quel point le sport est fondamental pour faire reculer l’échec scolaire. La pratique sportive impacte aussi bien la santé que la vie scolaire et sociale du jeune. Le rapport entre élèves et enseignants s’en trouve amélioré, les absences diminuent et un sentiment d’appartenance scolaire se développe.
Chez nos amis québécois, le comité scientifique du Kino-Québec ajoute que l’activité sportive pousse les jeunes à adopter de saines habitudes. Même si l’adolescence est marquée par une réduction du sport à l’école, la mise en avant de pratiques sportives fait reculer le tabagisme.
Grâce à ce cercle vertueux, la santé physiques de jeunes s’améliore à plusieurs niveaux :
- bonne croissance physique, meilleure densité osseuse, contrôle de la masse corporelle,
- meilleures santés vasculaire et mentale.
Vous connaissez la sérotonine ? C’est cette petite hormone que l’on nomme « l’hormone du bonheur » avec sa copine la dopamine. Figurez-vous que la pratique sportive stimule la sécrétion de sérotonine mais aussi de catécholamine qui va réguler la mémoire et améliorer les capacités d’apprentissage et de mémorisation des connaissances scolaires !
Ce n’est pas tout ! Le sport accroît les facultés de concentration, la confiance en soi et la motivation. Les élèves gagnent en structure et en assiduité, au point de retrouver le goût d’apprendre. De quoi faire le bonheur des parents ! Cerise sur le gâteau, les lycéen•nes pratiquant une activité sportive intra et/ou extra-scolaire poursuivent, en majorité, leur apprentissage sur le chemin des études supérieures.
La beauté du sport réside dans la transmission de valeurs telles que l’amitié et le respect de l’autre, qu’il soit membre d’une même équipe ou adversaire. Vecteur d’inclusion sociale, l’activité sportive en milieu scolaire développe la compétence du savoir-vivre en collectivité.
Les élèves donneront de l’importance à leur établissement, surtout quand il s’agira de le représenter lors d’une compétition ou d’un tournoi.
Image qui n’est pas sans rappeler la culture scolaire américaine où le sport prend beaucoup plus de place que chez nous et où les compétitions entre établissements sont légion. On aura beau, parfois, se moquer des clichés où les quaterback et capitaines d’équipes sont des superstars, cette réalité (un peu exagérée, on est d’accord) a démontré une baisse des échecs scolaires. Une piste intéressante à explorer, mais gare aux excès !
Avec toutes ces mesures et initiatives que nous venons d’énumérer, on penserait que l’autoroute vers le succès est tracée. Or de nombreuses questions sont encore à traiter. En 2016, l’Assemblée parlementaire avait dénoncé dans un rapport que le sport pour tous était loin d’être une réalité.
Les élèves issus de milieux aisés ont plus facilement accès à une discipline sportive extra-scolaire, contrairement à ceux issus de milieux plus modestes voire défavorisés.
C’est la raison pour laquelle une proposition de loi pour démocratiser le sport est en cours d’examen et d’adoption. Son objectif étant de rendre accessibles les matériels sportifs des établissements scolaires pour les clubs et associations, et de permettre aux villes d’élaborer des plans sportifs locaux en association avec les acteurs sportifs et les collèges et lycées.
Notons toutefois que plusieurs villes comme Paris, Auteuil ou encore Calais, ont déjà pris les devants pour utiliser le sport comme levier de remobilisation scolaire. En s’associant avec l’État et la CAF, Paris met à disposition des lieux d’accueil pour les collégiens présentant des signes de fragilité. De son côté, la fondation Apprentis d’Auteuil s’efforce d’étoffer sa palette de sports proposés aux élèves afin que chacun et chacune s’épanouisse dans le sport de son choix et découvre de nouveaux univers. Quant à Calais, la ville mise sur les créneaux extra-scolaires en sondant les jeunes et en les orientant vers des animateurs sportifs selon leurs besoins.
L’arrivée du COVID-19 a bouleversé nos existences et a morcelé l’année 2020 par des vagues successives de confinements. Le système scolaire a largement pâtit de ces nouvelles conditions. Les difficultés d’adaptation et la frustration se sont vite fait sentir tant auprès des élèves que du corps enseignant. La crise sanitaire a placé sous le feu des projecteurs la question du décrochage scolaire. Selon le ministère de l’Éducation Nationale, le phénomène a été perçu comme diffus et inégal avec une moyenne s’établissant entre 4% et 10%, même s’il aurait atteint les 50% dans certains établissements. Les établissements sportifs ne sont pas à l’abri d’une énième fermeture qui priverait de nombreux jeunes de leurs activités sportives. La solution du sport à la maison, même si elle est temporaire, n’est pas du goût de tout le monde et pas forcément la plus motivante pour des adolescents.
Aujourd’hui, les programmes sportifs d’une majorité d’établissements scolaires manquent souvent de diversité. Qui n’a pas déjà inventé une excuse pour sécher la natation ou les séances d’athlétisme ? Nombreux sont les élèves à ne pas aimer les sports conventionnels. Sans compter que l’adolescence est une période délicate où le rapport au corps évolue et les relations humaines se complexifient. Le sport peut-il enrayer le décrochage scolaire dû au cyber-harcèlement ? Sauvera-t-il les adolescent•es mal dans leurs corps ou les élèves systématiquement choisis en derniers, par dépit, lors des constitutions d’équipes ?
Comment (re)donner le goût à ces jeunes qui associent le sport à de mauvaises expériences ?
Ces problématiques n’ont pas échappé aux établissements et aux institutions qui devront faire preuve de créativité pour les non-sportifs et celles et ceux qui se sentent exclu-e-s.