illustration d'une femme qui se regarde dans le miroir

Les 4 conseils de Baptiste Beaulieu pour aimer son corps

Lundi matin, mon ordinateur fait ce petit son agaçant : *ding*, un nouveau mail, alors que je n’ai pas encore trié ceux de vendredi dernier. J’ouvre ma boîte mail de mon meilleur clic mélodramatique et là, là… Mon lundi matin prend une nouvelle tournure : cet après-midi, j’interviewe Baptiste Beaulieu ! 

S’il existait un doctorat en bienveillance, Baptiste Beaulieu pourrait aisément l’obtenir et l’afficher dans son cabinet de médecine généraliste (je fangirl un peu, laissez-moi tranquille). L’heure arrive, je file dans un recoin de l’open space, prends une bonne bouffée d’air, et lance la visio. Il est là, tout en sourire et en bienveillance. Après une heure d’entretien avec le médecin, je n’ai plus qu’une envie : apprendre à aimer ce petit corps que j’ai tant fait souffrir des mots durs assénés depuis mon adolescence.

une femme qui lit un livre
une femme qui lit un livre

Les gens sont beaux, le livre de Baptiste Beaulieu 

Par ses mots et les illustrations de Qin Leng, Baptiste Beaulieu trace le récit de Papou, médecin à la retraite. « Je vais te confier un secret : un être humain, c’est une histoire. Et quand tu connais cette histoire, ça change tout », lance le grand-père à son petit-fils, comme un secret que l’on aurait caché à tout un chacun au fil du temps et des injonctions sociales. Il y a de la douceur dans les mots de ce papy, des paroles aussi rassurantes que nécessaires, avant que tout ce qui nous entoure nous crie de rentrer dans une norme inatteignable.

“Chaque corps a son histoire”

Moi dans l’open space, lui à une table de café, une question me brûle l’esprit dès le début de l’interview : a-t-on vraiment besoin d’un livre pour savoir que tout le monde est beau, ou suis-je simplement d’une naïveté presque candide ? Pour y répondre, Baptiste Beaulieu me raconte la genèse de ce livre, les raisons pour lesquelles il a choisi de l’écrire.

On a tou·tes un livre ou un album jeunesse qui nous a marqué·e durablement. Ce sont des petites graines, des manières de voir le monde qui restent à vie par la suite”, explique Baptiste, “J’avais envie d’écrire un album qui laisserait cette empreinte : tous les corps sont différents, parce qu’ils ont chacun leur histoire”. Et si apprendre à respecter cette histoire était le premier pas vers l’amour de soi ?

Facile à dire ? Peut-être, mais vous pouvez vous appuyer sur ce postulat pour commencer à travailler votre rapport au corps, apprendre à vous aimer davantage et à respecter également l’apparence d’autrui. “Quand tu connais l’histoire de quelqu’un, ça devient beaucoup plus difficile de se moquer de son corps”, précise avec justesse Baptiste Beaulieu. Même sans connaître cette histoire, le simple fait d’envisager qu’elle existe et que les critiques proférées peuvent atteindre la personne qui les reçoit, permet de changer de regard sur autrui et de travailler son empathie. Derrière l’écran, dans la rue ou ailleurs, on peut parfois l’oublier.

Revenons-en à nous : concrètement, par quel bout je le prends, cet amour-propre, pour le faire prospérer ? “Posez-vous la question : si vous étiez en terrasse d’un café, et que vous entendiez les critiques que vous vous imposez face au miroir, mais dans la bouche de quelqu’un à la table d’à côté, adressées à la personne en face : que feriez-vous ?”, questionne Baptiste Beaulieu. Sincèrement, de mon côté, vu ce que j’inflige à mon reflet chaque matin, je crois que j’enverrais le GIGN chez cette personne un dimanche matin à 5h, et je lui souhaiterais des infections urinaires à répétition.

D’un coup, en plein cœur de l’open space, les mots de Baptiste Beaulieu me font prendre conscience de l’ampleur des critiques que je m’adresse pourtant à moi-même. Et il en est probablement de même pour vous. Alors pourquoi une telle violence envers soi-même, quand on se sait au fond capable d’indulgence et d’empathie envers le corps d’autrui ? Voilà peut-être, selon le médecin, la première étape à travailler vers un rapport plus apaisé à notre corps.

Apprendre à aimer son corps, avec Baptiste Beaulieu

Diversité des corps : l’importance de la représentation et de la libération de la parole

L’auteur et médecin vient remettre un peu de vrai dans notre perception du monde, en plaçant sous notre regard le discours infiniment doux d’un grand-père à son petit-fils, sur la réalité des corps et leur diversité. C’est tout le propos de son album Les gens sont beaux, écrit initialement pour sa nièce de 16 ans. “Elle a évoqué le souhait d’avoir un compte Instagram et ça m’a effrayé, parce que les corps sont passés à la moulinette des filtres, d’une présélection de photos à notre avantage sur ce réseau social”, se souvient Baptiste, “Des études scientifiques montrent que l’arrivée sur un tel réseau social génère dans l’année qui suit de la dysmorphophobie chez la plupart des utilisateur·ices adolescent·es”.

Je me suis demandé ce que j’aurais aimé que ma nièce lise un peu avant pour être armée intellectuellement à son arrivée sur ce réseau social”, explique Baptiste. L’expert voit dans les livres un moyen de préparer le cerveau des enfants, pré-adolescent·es et adolescent·es aux images lissées des corps sur les réseaux sociaux. De fait, cela les protégerait davantage des représentations modifiées et erronées présentes sur les réseaux, et réduirait les risques de glissement vers la dysmorphophobie, la tentation des régimes et/ou les troubles des conduites alimentaires ou TCA (ndlr : l’anorexie, la bigorexie, l’hyperphagie, la boulimie…).

Baptiste Beaulieu présente un propos apaisé et réaliste, où la diversité trouve sa place pour que chacun·e s’y retrouve. Franchement, ça fait du bien.

une femme à l'esprit embrouillé
une femme à l'esprit embrouillé

Qu’est-ce que la dysmorphophobie ? 

La dysmorphophobie ou dysmorphie, c’est quand ce que vous voyez dans le reflet du miroir n’est pas tout à fait la réalité de votre corps. Vous vous percevez plus gros.se que vous ne l’êtes vraiment, vous croyez que ce que vous estimez être des défauts sautent aux yeux de tout le monde… Une pensée obsédante qui peut rapidement vous pourrir la vie, et dégrader votre santé mentale. On vous en dit plus sur ce trouble dans l’article ci-dessous !

Identifier le fond du problème pour apprendre à s’aimer 

On parlait d’histoire, et celle-ci tient un rôle fondamental dans l’apprentissage du respect et de l’amour de soi, selon Baptiste Beaulieu.

Apprendre à creuser cette histoire, à en tirer le meilleur et à la travailler auprès d’un·e professionnel·le de la santé mentale au besoin peut vous aider à avancer, et à vous observer dans le miroir sous un regard plus bienveillant. “Commencez par écrire l’histoire de votre corps, les hauts, les bas, ce qui vous a touché·e, blessé·e…”, conseille le médecin, “Il n’y a pas besoin de justification pour qu’on nous lâche la grappe concernant notre corps, mais comprendre sa propre histoire permet aussi d’apprendre à s’aimer pour ce que l’on est plus que pour ce qu’on laisse transparaître par notre enveloppe charnelle”.

Également, le fait de partager cette histoire auprès d’une oreille attentive et bienveillante peut vous aider à mieux comprendre ses ressorts, et comment les travailler. “Quand on prend le métro, il n’y a pas une personne dans la rame qui n’a pas une histoire compliquée à raconter avec son corps, et pourtant, elle la tait”, souligne Baptiste Beaulieu, “On se sentirait beaucoup moins seul·e si on arrivait à sortir de ce carcan de silence autour du corps et de la difficulté à l’aimer”.

En somme, libérer la parole, partager nos histoires de corps et prôner la bienveillance envers autrui peut aider à s’aimer davantage, et à apprécier la diversité des corps. Ici, la bienveillance, ce n’est pas apporter aveuglément du soutien à toutes et tous, c’est surtout apprendre à ne pas commenter le corps d’autrui.

“Il n’y a pas besoin de justification pour qu’on nous lâche la grappe concernant notre corps, mais comprendre sa propre histoire permet aussi d’apprendre à s’aimer pour ce que l’on est plus que pour ce qu’on laisse transparaître par notre enveloppe charnelle”

Former les soignant·es à l’accueil des patient·es 

Une seconde dans ses pensées, le médecin se questionne. “Je me demande si je n’ai pas aussi écrit ce livre pour moi, autant que pour les autres”, souffle Baptiste Beaulieu. Concerné par les fluctuations de poids et les critiques envers son corps, le médecin ne connaît que trop bien les mécanismes menant à l’aversion envers son enveloppe charnelle. Je me disais bien qu’il y avait un sentiment de “on se sait” depuis le début de l’interview…

En tant que professionnel de santé et concerné par le sujet, sa parole et la publication de son livre revêtent une symbolique capitale pour les patient·es qui franchissent chaque jour la porte des cabinets médicaux. “Quand je vais dans les salles de cours de médecine, que je lis le témoignage d’une patiente grosse et qu’à la fin, quand je lève la tête, je constate que la moitié de l’amphi est en larmes, je sais que j’ai réussi à toucher quelque chose en elles et eux qui ne relève pas de la morale, mais bien de l’empathie”, raconte le médecin.

Pour Baptiste Beaulieu, les professionnel·les de santé aussi ont leur rôle à jouer dans l’apaisement des critiques aux corps. “Est-ce qu’on se rend bien compte, en tant que médecins, du pouvoir que l’on a ? Il faut que l’on soit digne de celui-ci”, souligne l’expert. Par cela, le médecin entend faire du cabinet médical un “lieu sanctuarisé pour les patient·es, chose que l’on ne crée pas quand, pour une angine, on pointe du doigt le poids”.

Baptiste Beaulieu sait de quoi il parle, puisque des patient·es, il en reçoit chaque jour dans son cabinet et peut constater de fait les ravages de la diet culture et des représentations corporelles erronées. “C’est terrible de voir des adolescentes qui se font du mal, sont dans le contrôle alimentaire permanent parce qu’elles croient que leur corps ne rentre pas dans les normes alors que ce sont ELLES, la norme”, explique ainsi l’expert. Et si l’amour de soi était en fait un travail collectif ?

plusieurs personnes qui se tapent dans la main
plusieurs personnes qui se tapent dans la main

C’est quoi, être beau/belle ? 

Déjà, c’est subjectif. Et comme tout ce qui est subjectif, notre perception de la beauté peut être grandement influencée par les images véhiculées dans les magazines, à la télévision, ou encore sur les réseaux sociaux. On nous dit que tel corps est beau, donc notre œil et notre cerveau analysent les corps sous ce prisme, et en classent certains dans la catégorie “moches” sans même se rendre compte du biais initial. Pas de bol, bien souvent, notre corps se retrouve injustement classé dans cette catégorie.

Non, un corps en surpoids n’est pas moche, tout comme l’acné, les vergetures, les décolorations cutanées ou autres spécificités corporelles ne le sont pas non plus. Votre œil n’est juste pas encore habitué à en voir régulièrement.

Aimer son corps : pourquoi c’est si difficile ? 

On peut toutes et tous être sujet à une perception erronée de notre corps et à une hyperfocalisation sur des détails de celui-ci. Ces complexes qui nous pourrissent l’esprit ces fois où, dans la cabine d’essayage, l’éclairage au néon met en relief ces petites choses sur votre corps qui vous dérangent, et font parfois même monter quelques larmes à vos yeux. Ou cette fois, dans votre salle de bain, où votre reflet dans le miroir remplit votre crâne de mots violents envers un corps qui n’a rien demandé de tout ça.

Au fond, on le sait, chacun·e revêt un corps différent, pour qu’une ribambelle de morphologies peuplent notre planète. Pourtant, sous l’influence des représentations lisses véhiculées sur les réseaux sociaux, dans les magazines, à la télévision, au cinéma ou encore dans les publicités, on a tendance à tout simplement oublier ce fait, et à juger notre propre corps au prisme de cette image érigée au rang de “norme: il faut avoir un ventre plat, faire un 36 tout en ayant de jolies formes (ou pas, en témoigne la période “heroin chic” des 90s), perdre du poids sans jamais avoir de vergetures ni de cellulite pour les femmes, avoir des abdos pour les hommes… Comme un parent bien trop exigeant, la société nous demande d’atteindre un modèle inatteignable, voire de le dépasser, quitte à mettre en péril notre santé. Une pointe de grossophobie, une pincée de sexisme, un soupçon de racisme et de validisme (ndlr : discrimination au handicap), et une bonne lampée de virilité toxique semblent former la recette d’injonctions sociales parfaites en matière de beauté. Quoi que vous fassiez, vous atteindrez difficilement l’idéal de beauté en vogue ou, le temps que vous y parveniez, la mode en la matière aura encore changé. Entre injonctions fluctuantes et violentes autocritiques, tout ceci rend difficile l’amour de soi.

Pas de panique cependant, puisque face à ce phénomène, des mouvements se créent. Qu’il s’agisse des féminismes ou encore du mouvement body positive, d’autres voix s’élèvent, et prônent l’amour de soi et le respect de tous les corps. Des comptes Instagram (quelques comptes à suivre sont à déceler dans cet article), Twitter, des livres et des associations mènent le combat de front contre la diet culture et les injonctions, pour montrer les corps dans toute leur diversité, et ça, ça fait un bien fou.

Dans cette même logique, il existe donc des méthodes pour prendre le chemin du self-love et en finir avec la haine de ce corps qui nous porte chaque jour dans nos aventures. Baptiste Beaulieu en présente quelques-unes dans son album, intitulé “Les gens sont beaux”.

En bref, apprendre à s’aimer, c’est aussi, collectivement, réapprendre à voir la société telle qu’elle est vraiment : un mélange de corps différents, avec chacun leur histoire. Et si la vôtre a son importance, celle d’autrui compte tout autant. “Si on s'échangeait nos histoires comme des cartes Pokémon, on se sentirait tout de même bien moins seul·es”, conclut Baptiste Beaulieu.

Apprendre à aimer son corps, avec Baptiste Beaulieu

Val

Journaliste - rédactrice web

Journaliste société, passionnée de réseaux sociaux (la Twitter fever, tu connais) et de sport. À mes heures perdues, on me retrouve sur une barre de pole dance ou sous la barre de hip thrust, ça dépend des jours.

De la même autrice :

Aux poids libres, les femmes prennent le pouvoir

Aux poids libres, les femmes prennent le pouvoir

Vous questionnez votre légitimité à vous trouver en ce sacro-saint lieu du biceps développé et du dos dessiné ? Et si vous repreniez le pouvoir ?
Une femme en planche sur son tapis

Perdre du poids rapidement : c'est possible ?

Les régimes express et hypocaloriques : véritables solutions ou bombes à retardement ?
une femme qui sort de son lit

Il se passe quoi dans notre cerveau quand on procrastine ?

Pourquoi notre cerveau est-il aussi récalcitrant face à l’effort, et nous pousse à procrastiner ?
La pole dance, c'est pour tout le monde ?

La pole dance, c'est pour tout le monde ?

Surprise ! La pole dance ne connaît pas ni genre ni poids, et se veut très inclusive.