S’émanciper des injonctions genrées : pourquoi et comment ?
En infériorité numérique, il peut sembler difficile de s’affirmer, tout particulièrement dans un lieu public. “Au début, j’avais peur de m’afficher, que mon refus de m’écraser fasse des vagues”, se souvient Fatima, “Et puis, je me suis rendue compte que ne rien dire et jouer le jeu de ceux qui me font comprendre que je ne suis pas à ma place me coûtait mentalement, plus que de m’affirmer et de dire haut et fort que je sais ce que je fais aux poids libres”. Trop, c’est trop, la jeune femme opère un tournant et reprend le pouvoir aux poids libres de sa salle de sport.
↪ Vous êtes forte
Un jour, la jeune femme en a assez. Après une énième perturbation dans sa série de mouvements et alors même qu’elle avait mis un casque sur les oreilles pour signifier sa volonté de travailler en paix ses cuisses à la presse, un sportif la dérange en lui tapotant l’épaule. “Il m’a dit que si je ne voulais pas me blesser, il fallait enlever du poids sur la presse”, relate Fatima, “J’ai demandé selon qui, il m’a répondu ‘selon moi’, et j’ai juste rétorqué ‘eh bah t’as tort’, et j’ai remis mon casque”. Elle entend en fond sonore l’homme grommeler avant de repartir vaquer à ses occupations. Aucune honte pour Fatima ce jour-là, seulement un sentiment de satisfaction à l’idée d’avoir affirmé sa légitimité à occuper la zone poids libres.
↪ Vous êtes légitime
Pour Éléonore, la pilule des remarques masculines n’est également jamais passée. “Je suis coach sportive et infirmière dans la vie, je sais donc m’occuper de mes muscles, bien mieux d’ailleurs que la plupart des hommes de ma salle de sport, de ce que je peux en voir”, rit l’experte, “Pourtant, ce sont bien les mêmes qui viennent me voir à chaque séance pour corriger ma posture”. Elle aussi se souvient du jour où elle s’est affirmée. Face à un homme qui lui soutient que son positionnement en soulevé de terre sumo n’est pas le bon, elle lâche sa barre et lui explique en long, en large et en travers, et à grand renfort de jargon technique qu’il a tout simplement tort, puis clôt la conversation poliment, mais froidement. “Je me suis sentie puissante et en accord avec mon savoir”, explique Éléonore, “Ça m’a fait du bien de ne pas minimiser mes compétences, et au contraire, de les assumer face à quelqu’un qui cherchait à m’imposer un mouvement potentiellement dangereux pour mes lombaires. Qui sait, j’ai peut-être même sauvé les siens, avec mon petit laïus”.
↪ Vous n’êtes pas seule
Si vous n’êtes pas du genre à oser faire entendre votre voix, ce n’est pas grave. Comme beaucoup de choses dans la vie, ça se travaille, et ça prend du temps. En attendant, être épaulée d’une sœur (ou plus) de musculation peut se révéler un atout majeur dans votre ascension vers l’empowerment musclé. Demandez à une amie de vous accompagner à la salle de sport, et travaillez ensemble vos groupes musculaires. À deux, trois ou autant que vous le voulez, il sera plus difficile de vous approcher, et à vous la tranquillité !
↪ Vous avez le droit de ne pas savoir
Cette machine ou cette barre de musculation vous fait de l’œil, mais vous ne savez pas vraiment comment l’utiliser, et vous doutez de votre capacité à reproduire ce que vous avez pu voir à travers les quelques tutoriels visionnés ? Demandez. Si les hommes peuvent le faire, vous le pouvez aussi, et ça n’entachera en rien votre légitimité à occuper la zone poids libres de votre salle de sport. Des coachs sont à votre disposition dans la plupart des salles de sport, et sauront vous aiguiller. Vous pouvez également demander à d’autres sportif·ves présent·es dans votre salle. Refuser les conseils non sollicités ne veut pas dire que vous ne pouvez plus rien demander aux autres sportif·ves de votre salle.
↪ Et surtout, vous en êtes capable
Une chose est sûre, votre corps n’a besoin de l’approbation de personne pour être capable de mille et une performances. C’est tout le propos du documentaire d’Arte, Toutes musclées : en dehors de toute considération physique, votre corps mérite d’être salué pour ses exploits. Que vous souleviez 5 ou 150 kilos, l’essentiel, c’est de donner votre maximum pour battre vos propres records, gagner en confiance en vous et aimer votre corps à sa juste valeur.