Sorti en octobre 2022, Reflect, le court métrage de Disney, met en lumière les problématiques de représentation des corps dans la danse classique, et la dysmorphie subie par les danseur.euses qui ne rentrent pas dans les normes de la discipline.
Si c’est une première en matière de représentation inclusive virtuelle de la danse classique, c’en est aussi une pour Disney : en 85 ans d’histoire, Bianca, l’héroïne de Reflect, est le premier personnage principal en surpoids de la marque.
C’est le thème principal du court métrage signé Disney, sorti en octobre 2022. L’héroïne, Bianca, une jeune ballerine, est en surpoids et faute de représentation à son image, se trouve en proie à la dysmorphie.
La dysmorphie, qu’est-ce que c’est ? C’est une perception erronée de notre corps, qui nous pousse à nous voir plus gros·se qu’on ne l’est, et à y appliquer un jugement négatif en associant la minceur ou la maigreur à la beauté. Dans le court métrage Reflect, cette dysmorphie est illustrée habilement, et permet de comprendre la souffrance derrière ce trouble. Lorsque que Bianca croise son reflet dans le miroir du studio de danse, celui-ci se fissure sous la pression du jugement que la petite danseuse porte sur son corps.
Dans le milieu de la danse classique, l’importance d’une représentation plus variée des corps, féminins comme masculins, se fait sentir et son absence peut favoriser le développement de troubles du comportement alimentaire pour “rentrer dans les normes”, ou de dysmorphie, comme illustré par Bianca. Faute de petit·es camarades à son image, Bianca se retrouve seule face à elle-même et à son reflet, qui se brise dans le miroir.
Alors que Bianca fait face à ses multiples reflets dans les brisures du miroir qui l’entourent désormais, elle prend une seconde pour se recentrer. Elle ouvre les yeux, et se lance dans la chorégraphie d’un cygne blanc revisité, tout en grâce et en élégance, et bien loin des codes corporels entretenus au cœur des ballets internationaux. Cette confiance retrouvée en les capacités de son corps lui permet de revenir dans la réalité de son cours de danse. À la barre, Bianca pose désormais un regard profondément empli de douceur sur son corps.
Sur les réseaux sociaux, le court métrage est salué par des danseuses et parents du monde entier. “Mon enfant a pleuré devant Reflect”, peut-on notamment lire sur Twitter. Pour Leila, danseuse classique de 27 ans, ce court métrage se fait le reflet d’une dure réalité, et d’un long cheminement vers l’amour de soi dans ce sport.
Dans le placard de Leila, les mètres de tulle se mêlent aux justaucorps et autres rubans, dans un arc-en-ciel de nuances nudes. La jeune femme a repris il y a trois ans la danse classique après dix ans d’arrêt. La raison à cette longue pause ? Des remarques grossophobes à répétition durant toute sa puberté, par ses camarades de danse et sa professeure de l’époque. Dans le court métrage de Disney, on entend la professeure de danse dire à Bianca, un coup d’œil au ventre de celle-ci, “on rentre le ventre, et on étire le cou”. Dans le même esprit, pour Leila, les remarques allaient plus loin encore. “Ma prof me disait régulièrement ‘attention Leila, on voit ton repas de ce midi’, pour me signifier que mes formes la dérangeaient”, soupire la jeune femme, “Petit à petit, c’est devenu une véritable obsession pour moi, je ne supportais plus de ne pas ressembler aux autres danseuses, filiformes au teint porcelaine”.
Seulement voilà, Leila ayant gardé ses pleines compétences en danse classique, et toute sa souplesse, la jeune femme a choisi de dépoussiérer le tutu, et d’envoyer au placard les clichés de la danse classique. “Je suis grosse, je danse gracieusement sur mes pointes et personne ne pourra plus m’en empêcher”, sourit Leila.
Si ce court métrage et le mouvement body positive font effectivement avancer bien des choses en matière de représentation des corps, tout particulièrement féminins, en danse classique, les avancées inclusives se font encore sur la pointe des pieds. Pointes foncées adaptées à la carnation des danseuses racisées, nuances variées de nudes… Le chemin est encore long, mais vaut d’être parcouru fièrement.
… Ou plutôt “invisibilisées”, puisqu’elles sont passées sous silence, derrière les critiques lancées à la volée à l’encontre des corps des danseuses en surpoids. “Ça me demande deux fois plus de rigueur et de discipline pour parvenir à un tel résultat, j’aimerais que ce soit ça que l’on souligne, et non mon poids”, déplore Leila.
Fort heureusement, le brouhaha grossophobe tend à s’estomper peu à peu, pour mettre en avant la diversité des corps, et leur capacité à relever bien des défis, indépendamment du poids de chacun.e. “C’est en regardant l’Eurovision en 2019 que j’ai eu envie de reprendre la danse classique”, raconte Leila. À l’écran lors de cette édition, derrière Bilal Hassani, le public a ainsi pu découvrir les prouesses réalisées par Lizzy Howell, danseuse classique en surpoids. Malgré ses fouettés réalisés à la perfection, les internautes s’acharnent, et ne relèvent que le poids de la danseuse. Pourtant, la même performance réalisée par une danseuse mince aurait plutôt tendance à susciter applaudissements et commentaires positifs envers le travail musculaire que ce mouvement réclame. “Malgré les critiques, Lizzy Howell persévère dans sa pratique, et je veux en faire de même”, explique Leila, “et plus on sera nombreuses à le faire, plus notre voix couvrira le vacarme grossophobe jusqu’à, je l’espère, le rendre inaudible”.
Derrière le travail de Leila, la rigueur de Lizzy, et la passion de toutes les danseuses qui ne rentrent pas dans les normes imposées, c’est tout un mouvement qui s’active pour tendre enfin vers plus d’inclusivité dans la danse classique, et on ne peut que l’encourager.