Oui, il est possible de jouer aux jeux vidéo à un niveau professionnel lorsque l’on souffre d’un handicap. Une ligue handi-eSport a même été créée.
Un homme blanc hétérosexuel solitaire et à l’hygiène douteuse : si l’on se réfère aux clichés, voilà le portrait du joueur de jeux vidéo. Heureusement, les mentalités changent et cette discipline est désormais vue comme un loisir bien plus grand public et même un sport à part entière.
Avec 7,3 millions de pratiquants réguliers et 14 millions d'occasionnels, l’eSport a connu un coup de boost avec la crise sanitaire. Alors qu’il assoit doucement sa crédibilité dans le monde du sport, l’eSport s’ouvre même peu à peu aux joueurs handicapés.
En 2021, l’équipe LDLC-OL a scellé un partenariat avec Handicap International pour faciliter l’inclusion des personnes en situation de handicap lors des compétitions. Un premier tournoi a eu lieu le 20 mars 2021 dans lequel les progamers de l’équipe LDLC-OL s’opposaient à des joueurs handicapés. Les joueurs valides se voyaient alors attribuer un handicap moteur ou sensoriel afin de jouer sur un pied d’égalité.
Un an plus tôt, la Fédération française handisport se lançait dans cette discipline et organisait son premier tournoi en collaboration avec l’association CapGame. Les joueurs pouvaient ainsi s’affronter sur deux jeux de sport : Trackmania Stadium 2 (course de F1) et Pro Evolution Soccer 2020 (jeu de foot concurrent de Fifa).
Pour rendre accessible l’eSport aux joueurs en situation de handicap, les studios et équipes d’eSport doivent d’abord comprendre qu’il n’existe pas qu’un handicap. Selon le Comité national Coordination Action Handicap, il existe plusieurs handicaps classés dans cinq grandes catégories :
le handicap mental : développement mental incomplet ou arrêté se caractérisant par des facultés réduites notamment au niveau des fonctions cognitives, de la motricité, du langage ou des capacités sociales :
- le handicap moteur : troubles atteignant la motricité
- le handicap visuel : perte partielle ou totale de la vue
- le handicap auditif : perte partielle ou totale de l’ouïe
- les troubles envahissants du développement : difficultés dans les interactions sociales, la communication ou comportements restreints et/ou répétitifs.
Parmi ces handicaps, seul le visuel rend l’expérience du jeu vidéo très compliquée. Les autres nécessitent simplement des adaptations. Et souvent, il n’y a rien de très difficile à mettre en place.
Contrairement à d’autres sports, l’eSport ne nécessite pas d’aménagements trop complexes ou d’équipements spécifiques. Pour jouer, il faut une manette ou un clavier/souris. On pourrait alors s’imaginer que les handicapés moteur éprouvent des difficultés à jouer. Erreur.
En réalité, tout n’est qu’apprentissage. Aussi, de nombreux joueurs handicapés moteur ont réussi à dompter les manettes aussi utilisées par les joueurs valides. Mike Begum, alias Brolylegs, en est le parfait exemple. Ce joueur souffre d’un handicap moteur avancé puisqu’il est né sans jambes et avec des membres supérieurs à la motricité très réduite. Pourtant, il se classe parmi les meilleurs joueurs de Street Fighter, un jeu de baston nécessitant de bons réflexes et l’exécution de combinaisons rapides. En quelques années à peine, Brolylegs s’est hissé au rang de joueur référence.
Si Mike Begum a réussi à dompter les manettes de consoles de jeu, d’autres joueurs handicapés éprouvent plus de difficultés. Ils peuvent alors compter sur des dispositifs spécialement adaptés. Certains peuvent ainsi jouer avec leur bouche ou leurs pieds lorsque leurs mains n’ont pas la motricité nécessaire.
Parmi les avancées majeures, la manette adaptative Xbox lancée par Microsoft est sans doute la plus significative. Le géant américain a en effet développé un poste de contrôle permettant aux joueurs atteints de handicap de jouer avec une facilité déconcertante et une phase d’apprentissage très courte.
Comme n’importe quel autre sport, l’eSport apporte de nombreux bienfaits aux joueurs, qu’ils soient en situation de handicap ou non. Jouer améliore d’abord la motricité puisque cela nécessite une synchronisation des mouvements et des gestes réflexes. L’eSport stimule également la mémoire. En effet, de nombreux jeux, notamment les jeux de baston, reposent sur une succession de combinaisons de touches à retenir pour mettre à mal son adversaire.
On soulignera également que l’eSport est une pratique sportive intense, nécessitant une grande concentration et une maîtrise de ses émotions.
Bien entendu, pas de sport sans compétition. La majorité des tournois d’eSport s’étalent sur plusieurs jours ce qui implique d’abord un bon sens de l’organisation, de la gestion de l’effort et surtout une grande endurance.
Au-delà des bienfaits physiques et mentaux, l’eSport favorise aussi l’insertion sociale. Alors que de nombreuses personnes en situation de handicap ressentent une frustration à pratiquer des sports mobilisant plusieurs parties du corps, l’eSport, lui, peut se pratiquer bien plus facilement.
L’accessibilité de l’eSport a même permis à certains joueurs handicapés de se hisser parmi les meilleurs compétiteurs du monde entier dans les tournois internationaux ouverts à tous. Sven van de Wege est un joueur reconnu pour ses talents à Street Fighter V. Pourtant, ce joueur est aveugle. Il se repère dans l’espace grâce aux sons du jeu. Il s’est hissé parmi les meilleurs joueurs dans pas mal de tournois.
Massimiliano Sechi, dit MacsHG, ne possède pas de mains. Il s’est pourtant hissé parmi les meilleurs joueurs de League of Legends entre 2012 et 2015 et a obtenu le rang Diamant, extrêmement difficile à atteindre. Pour réussir, il a adopté la philosophie “no excuses” (pas d’excuses).
Vous l’aurez compris, l’eSport figure sans doute parmi les sports ayant le plus rapidement inclus les joueurs en situation de handicap. Mieux, tous les tournois accueillent aujourd’hui des joueurs handicapés, sans aucune distinction. Seul le niveau de jeu compte.
Et même s’il reste encore des éléments à améliorer - notamment la logistique pour accueillir les joueurs handicapés dans les compétitions internationales - l’eSport reste un sport très inclusif.
D’ailleurs, les mentalités évoluent vite. En 2019, la team ReBird voyait le jour. Elle est la première équipe d’handi-eSport au monde. Elle est présente sur des titres comme Fifa, Tekken, Soul Calibur 6, Street Fighter 5, Hearthstone, Smash Bros ou Fortnite.