Plongeons dans ce sujet avec objectivité, un brin d'imagination et une grande dose de recul à la rencontre de l'athlète 2.0.
Impossible de démarrer cet article sans la fantastique vidéo We're the Superhumans représentant une centaine d'athlètes et artistes en situation de handicap sur le classique de Sammy Davis Jr.
Tout d'abord parce qu'elle donne la pêche et deuxièmement parce qu'elle réaffirme ici une première vérité : oui, les sportif•ves handicapé•es sont de véritables héro•ïnes, en raison des efforts qu'ils•elles doivent fournir pour être reconnu•es comme athlètes à part entière et des obstacles qui les forcent à être créatif•ves dans leur quotidien.
Maintenant que cette vérité est posée, je vous propose que l'on discute ici de technologie, et en particulier de celle qui transforme progressivement ces héro·ïnes en athlètes 2.0. Faisons ensemble un bon dans le futur et imaginons que les prothèses et exosquelettes n'aient plus vocation à répondre à des incapacités, mais à créer de véritables "capabilités". Verrons-nous apparaître une nouvelle forme de compétition qui mettra au placard les sportifs "lambdas" ? Quel est l'avis des transhumanistes sur la question ? Et d'ailleurs, qu'est-ce qu'un transhumaniste ?
Dans un article pour l'Humanité, Jules Ribstein prévient : « Sans lame en carbone, on ne peut pas faire de course à pied, c’est impossible. On fait de la marche rapide. ». Même constat pour Ryadh Sallem et les fauteuils adaptés à la pratique du rugby. Le problème, c'est que ces différentes technologies ont un prix : jusqu'à 12 000 euros pour des prothèses fémorales, 50 000 euros pour un exosquelette robotisé, 8200 € pour une prothèse myolécetrique de bras. Un sujet qu'on évoque également ici.
Et c'est sans compter l’ajout d’options liées à une pathologie ou à la performance recherchée qui font grimper la facture globale. Autant dire qu'à moins de disposer d'un•e mécène ou de ressources financières suffisantes, l'accès à ce type de matériel chez les personnes handicapées lambda reste compliquée. Plus encore lorsqu'on souhaite s'initier au sport depuis un pays en développement dans lesquels les clubs sont inexistants ou ne disposent pas de matériel de prêt. À noter également que le calcul du coût total engendré doit prendre en compte l'évolution du matériel en fonction de l'âge de l'athlète et/ou des changements morphologiques qui surviennent avec la maladie.
Cela ne représente pas le seul frein lié à la technologie. Une fois financées, il faut apprendre à piloter les articulations motorisées, étapes par étapes. Avant que cela ne devienne instinctif, il faut des semaines d'apprentissage, ce qui a tendance à décourager de nombreuses personnes amputées. Cela représente un véritable défi pour les chercheur•ses et scientifiques qui dépendent des volontaires pour faire évoluer l'équipement.
En 2013, Alan Oliveira, décroche le record du monde de Handisport pour le 100 mètres. Doublement amputé des membres inférieurs (tibias) il frôle d'une seconde le record d'Usain Bolt, valide, sur la même distance. La nouvelle fait aussitôt le tour des pistes d'athlétisme. Et si demain, équipés d'une prothèse ou d'un exosquelette, les sportifs en situation de handicap surpassaient les sportifs dits "valides" ?
Se pose alors la question de la limite du corps humain "naturel" et du corps humain augmenté. Je vous le dis tout de suite, cette étude creuse le sujet bien mieux que moi : Itinéraires du corps augmenté : déficiences et performances dans le sport, mais mais je vais tout de même tenter de dégrossir le trait.
Pendant longtemps on a effectué une séparation, parfois complexe, entre les sportif•ves handicapé•es et les sporti•ves valides. Au même titre que l'on a séparé les genres, on se retrouve aujourd'hui avec de nombreuses problématiques. Où met-on les athlètes qui ne rentrent pas dans les cases ? Je visualise deux options, complétement subjectives.
Amélie Le Fur dans une interview pour Le Monde s'exprimait par rapport au transhumanisme : "Les techniques ne doivent pas servir à augmenter les performances, mais à protéger le corps. [...] Le matériel ne sublime pas encore l’humain. Et en tout cas il ne supplante pas le membre manquant. Il faut s’arrêter lorsqu’on sent que l’on a retrouvé 100 % de ses capacités de base."
Au même titre que le seraient aujourd'hui des exosquelettes permettant d'alléger le poids de son corps sur des skis ou plus simplement d'une batterie électrique sur un vélo. La science n'est aujourd'hui pas capable d'apporter ce type d'informations, mais peut-être verront nous apparaître dans le futur "des modérateurs" qui analysent l'avantage artificiel procuré par telle ou telle technologie. Cela permettra de conserver une certaine égalité dans le sport et pourquoi pas de faire concourir des athlètes valides et handicapés sur une même compétition comme cela a été le cas pour Oscar Pistorius.
Imaginons de nouvelles segmentations. On pense déjà aujourd'hui au Cybathlon, une compétition lancée en 2016 qui accueille des sportif•ves augmenté•es par un système d'assistance robotisée. L'évènement regroupe aujourd'hui cinq épreuves à destination :
- des personnes ayant des avant-bras bioniques
- des personnes tétraplégiques (pilotage d'avatars par la pensée)
- des personnes paraplégiques (course cycliste)
- des personnes ayant des jambes appareillées avec prothèses motorisées (course à pied)
- des personnes paralysées des membres inférieurs, avec exosquelettes.
Et d'une épreuve pour personnes en fauteuils roulants motorisés à destination de celles et ceux amputés des deux jambes, tétraplégiques ou paraplégiques. Le Cybathlon est une solution qui vient répondre à la fois aux problématiques d'Humains augmentés surpassant les athlètes valides, mais également à la question de l'accessibilité. En effet, l'évènement récompense les athlètes et les fournisseurs en encourageant ces derniers à équiper les sportif•ves des technologies les plus avancées. L'idée de cette compétition est avant tout de faire avancer les recherches en matière d'appareillage bionique.
Comment ne pas hocher (fort) la tête en lisant l'article de Vivien Gaullier, lui-même handicapé, pour Usbek & Rica : "Les individus respecteraient la biodiversité et l’environnement car leur société, diversifiée en termes de sexualité, de handicap, de culture et de neurodiversité, comprendrait l’intérêt de ne pas standardiser la vie."
L'erreur serait de considérer le monde sportif comme homogène et éloigné des disparités sociales, culturelles et individuelles. Il faut qu'handicapé ou non, chacun•e puisse s'approprier son corps, de conserver son identité et de se l'approprier. Et ce, par-delà la performance sportive. Au même titre que les malentendants qui souhaitent ne pas s'équiper d'implants se revendiquent "différents et non handicapés" acceptons les sportif•ves dans leur diversité. J'imagine que c'est à ce moment-là que naîtra l'Athlète 2.0.
Le transhumanisme est un mouvement culturel et intellectuel. Il est représenté en France et à l'international, par des philosophes et des associations qui prônent l'usage des sciences et de la technologie pour améliorer la condition humaine. Et ce, par l'optimisation des capacités physiques et mentale des être humains.
Parmi les éléments fondateurs, on trouve trois grandes propositions de réflexion :
- l'allongement de la durée de vie humaine (et parfois l'immortalité)
- le développement de l'intelligence artificielle et des nouvelles technologies
- une nouvelle forme d'humanité, appelée aussi post-humanisme. Qui nous amènera peut-être un jour à un sujet autour du cyberpunk, qui sait.
Entre créativité et danger, ce mouvement suscite de nombreuses réactions, mais rappelons-le l'objectif de cet article n'est pas de s'interroger sur les avantages ou les inconvénients de la vie éternelle.
Les transhumanistes se basent sur une combinaison entre la biomécanique et la robotique pour créer une hybridation entre l'Humain et la machine. Pour ceux•celles qui se régalent de science-fiction, ce serait typiquement un bras bionique contrôlé par la pensée. Ou une vision à 360°, comme les caméléons. Le handicap et la technologie entretenant une relation particulière, les transhumanistes pensent donc que les handicapés seront les premiers bénéficiaires des progrès techniques et technologiques du turfu. Ils tiennent d'ailleurs pour exemple les recherches actuelles qui progressent pour proposer des prothèses permettant de remplacer un organe ou un membre amputé, apporter une vision optimale ou même zoomer sur un objet.