Le cécifoot qu'est-ce que c'est, comment ça se joue et quels sont ses bénéfices ? Michael Derensy, entraîneur de l'équipe de cécifoot du RC Lens nous explique.
Faire du foot quand on porte un handicap visuel, c'est possible. Le cécifoot est la discipline adaptée à la pratique du football pour les malvoyant·es et aveugles. J'ai passé les portes du Racing club de Lens à la rencontre de Michael Derensy, entraîneur de l'équipe de cécifoot du RC Lens, pour nous faire découvrir cette discipline sportive.
Des personnes ornées de sang et or attendent impatiemment la sortie de voitures de leurs idoles. Malgré un vent frais, je m'avance vers l'accueil avant d'apercevoir un immense bâtiment sur lequel on peut lire "fidélité, respect, fierté". Sur ma droite, de nombreux terrains vert, mais où suis-je ? Un homme, plutôt grand, jean et veste en cuir marron me salue puis présente son poing à un jeune homme tout de jogging vêtu jusqu'aux chaussettes- claquettes. Petit check. Je suis dans le centre de formation de football du racing club de Lens.
L'homme au jean me fait visiter rapidement les lieux. Cet homme, c'est Michaël Derensy, éducateur de football depuis ses 16 ans, entraîneur de cécifoot depuis 2014. Il m'emmène sous le dôme où s'entraînent ses joueurs pour me faire découvrir une discipline adaptée aux aveugles : le cécifoot.
Le cécifoot est une discipline sportive adaptée aux personnes malvoyantes et aveugles. Michaël me précise : "Cécifoot vient du mot "cécité", la discipline est destinée aux personnes à déficience visuelle ou non-voyantes et "foot" pour la référence au football parce que cela reste la même discipline. Même si les joueurs sont 5, le ballon est rond et le but du jeu est le même : mettre un but de plus que son adversaire pour gagner."
Ce sport collectif réservé aux personnes à handicap visuel a été développé dans les années 80 au Brésil pour s'exporter en Europe en passant d'abord par l'Espagne puis en France dans les années 90. Désormais présent lors des jeux paralympiques, c'est une discipline mixte qui tend à se féminiser avec des équipes nationales spécifiques pour les femmes.
Pour en savoir plus : rendez-vous sur le site de la fédération handisport.
Inspirées du football, les règles du cécifoot connaissent quelques adaptations :
- Le terrain et les cages de but
La taille du terrain est similaire au terrain de handball, soit 20 mètres de largeur et 40 mètres de longueur. Il est entouré de panneaux comme pour le futsal, que l'on nomme des barrières latérales. Les joueurs se servent également des barrières comme repères pour se situer sur le terrain. Les buts sont les mêmes que pour le hockey sur gazon, c'est-à-dire 120cm de hauteur sur 180cm de longueur.
- Les guides
Il y a trois guides qui ont le droit de s'exprimer pendant le match. Chaque guide possède une zone spécifique de guidage, si les joueurs ne sont pas dans cette zone, le guide n'a plus le droit d'intervenir. Le gardien a le rôle de guide dans la zone de défense, un deuxième guide est placé derrière le but adverse pour guider les joueurs et joueuses attaquant·es. Un troisième guide gère la zone du milieu, il s'agit en général du ou de la coach de l'équipe.
- Le ballon
Le ballon possède une clochette de manière à pouvoir le repérer sur le terrain. Lorsque le joueur à la balle, il n'a plus le droit de parler, on le repère grâce au son du ballon.
- Le gardien
C'est le seul qui n'est pas atteint de handicap visuel sur le terrain (avec les arbitres). Ce qui lui permet de guider sa défense et d'arrêter les ballons des adversaires.
- Les fautes
Ce sont les mêmes que pour le football, sauf que lorsque l'équipe cumule 6 fautes, il y a des pénalités qui impliquent des pénaltys à 8 mètres. Ça change un match !
- Le nombre de joueur de foot pour aveugle
L'équipe est constituée de 5 joueurs comme pour le futsal.
- La durée du match
Le match dure deux fois 20 minutes, temps effectif. Le but du jeu : mettre un but de plus que son adversaire pour gagner.
Découvrez le cécifoot avec Michaël Derensy, entraîneur du racing club de lens de cécifoot.
En terme d’équipement, en plus de la balle sonore et pour garantir l’équité, les joueur·.ses portent un masque sur les yeux. Sachez que les personnes aveugles qui ont déjà vu et celles qui n'ont jamais vu peuvent être dans la même équipe bien que le traitement de l'information soit différent car leur perception de l’espace ne s’est pas construite de la même manière.
Les handicaps visuels, comme les autres, sont classés. Les personnes malvoyantes sont classées en B2 et B3, les personnes très malvoyantes et aveugles sont appelées “B1”.
En cécifoot, il existe deux catégories qui distinguent les B1 des B3 B4 : une catégorie avec des personnes malvoyantes (B2 B3) et une catégorie avec des personnes très malvoyantes et non-voyantes (B1).
La catégorie B1, constituée de personnes très malvoyantes et non-voyantes, est la catégorie qui possède le plus d'adaptations. Avec le ballon sonore, un terrain réduit et les barrières latérales.
Est-ce qu'on est obligé·e de faire des matchs ? On peut faire du cécifoot pour le loisir car l'objectif premier de la discipline selon Michaël est de permettre à la personne déficiente visuelle de pratiquer une activité physique et sportive.
Vous vous posez peut-être la question : est-ce que les personnes voyantes peuvent jouer ? Et bien oui, vous pouvez tester l'activité par contre vous ne pourrez pas participer aux championnats et autres tournois nationaux et internationaux.
Le Cécifoot est accessible aux enfants à partir de 8 ans (tout dépend des structures). Michaël indique qu'il ne faut pas avoir peur de commencer, même si ça peut paraître tard : "Tant qu’on est en forme, on peut jouer." J'ai pu observer un entraînement de Michaël avec un groupe d'enfants, j'ai pu échanger avec les parents des joueurs novices, la pratique du cécifoot développe la perception de l'espace et la capacité de concentration. Il n'est pas toujours simple de trouver des activités adaptées aux handicaps de leurs enfants et cette pratique arrive comme une soupape, autant pour l'enfant que pour la famille.
Michaël Derensy va encore plus loin pour donner la chance à chacun·e : "À partir de la 6ème, c'est possible de les faire rentrer dans une section sportive. On propose aux enfants un projet sportif, éducatif et scolaire pour leur permettre d'avoir un cursus classique de sport étude et leur donner un maximum de chance pour aller vers une professionnalisation quelle qu'elle soit. "
C'est lors d'un entraînement des jeunes que j'ai pu découvrir qu'il y avait deux entraîneurs, l'un voyant et l'autre non-voyant, autant vous dire que de loin, je n'ai pas vu la différence tant la dextérité d'Arnaud, co entraîneur avec Michaël m'a bluffée.
Pour les joueurs plus expérimentés, Michaël donne des exercices techniques et athlétiques pour progresser en rapidité et précision, il leur fait répéter des situations qu'il peuvent retrouver en match, c'est un travail d'automatisation comme dans toutes les pratiques sportives. Il termine souvent son entraînement par un petit match.
Ce sport d'équipe possède de nombreux bienfaits, comme toutes les activités physiques, il contribue au développement des capacités cardio-vasculaires et pulmonaires, mais pas que ! En plus de stimuler les capacités auditives et kinesthésiques, Michaël nous décrit les bénéfices du cécifoot :
- Développement de l'autonomie: Même s'il y a des guides durant le match, chacun·e est libre de ses décisions dans le jeu.
- Développement des capacités physiques et athlétiques, endurance, force, agilité, vitesse et réactivité : à travers les entraînements, exercices techniques et mise en situation de match toutes les capacités physique et athlétiques sont stimulées.
- Développement de la coordination et latéralisation : grâce au cécifoot, mal voyant ou non-voyants apprennent à se repérer dans l'espace et à savoir se déplacer en utilisant les bons appuis.
- Développement de la concentration : avec tous les bruits environnants, il est important de savoir percevoir des informations, mais aussi de savoir faire le tri et de les utiliser pour prendre la meilleure décision et faire le meilleur geste.
- Développement de la lucidité : comme pour les pratiquant.es de sport collectif, ils et elles développent la capacité d'endurance en terme d'attention, c'est-à-dire savoir faire le bon geste et prendre la bonne décision au bon moment.
- Développement de la communication : Avec la pratique du cécifoot les joueurs et joueuses apprennent à écouter et se faire entendre sur le terrain pour pouvoir construire le jeu ensemble.
En plus de ses bénéfices physiques et mentaux, la pratique du cécifoot permet de gagner confiance en soi au-delà de la pratique sportive, il favorise l'intégration sociale, voire parfois même l'intégration professionnelle.
La pratique vous séduit ? Retrouvez les aventures de l’équipe de Michaël ici ! Et n’hésitez pas à aller faire un tour dans les clubs de football. Un autre Michaël se cache peut-être parmi les coachs de football, prêt·es à s’engager dans cette nouvelle aventure humaine et sportive qu’est le cécifoot.