Les règles empêchent de faire du sport ? Et si justement se mettre en mouvement était la clé pour amoindrir certaines douleurs ? Et si votre coach personnel, c’était votre cycle menstruel ? Il n’y a pas de règle en matière de règles… Redécouvrez votre corps, votre cycle menstruel et adaptez vos séances de sport selon les périodes du mois !
Quand on a la chance d’avoir un cycle menstruel (et oui c’est une chance, vous allez comprendre pourquoi), tous les mois, tout fluctue !
Le niveau d’énergie, la forme physique, les émotions, l’humeur et la motivation. C’est la fête des hormones et vous pourrez bientôt être de la partie et tirer avantage de ces « saisons » ! Car quand on apprend à connaître le fonctionnement de son cycle menstruel (CM), alors il devient un allié, un coéquipier et même un coach sportif et bien-être !
Qu’on se le dise, le CM c’est un sujet qui reste tabou, mais qui tend à être plus connu… Grâce notamment à des femmes qui nous aident à explorer les liens entre le sport et lui comme :
- Gaëlle Baldassari, coach et auteure de Kiffe ton cycle. Elle aide les femmes à mieux connaître et comprendre leur cycle pour développer tout leur potentiel. Car « lorsqu’il est bien utilisé, le cycle menstruel est un coach interne puissant qui nous accompagne dans la réalisation de nos projets ». Projets de vie ou projet sportif !
- Juliana Antero, est chercheure à l’INSEP (Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance), pépinière des sportif.ves français de haut niveau régulièrement présenté.es aux JO. Elle a créé le projet EMPOW’HER pour suivre des athlètes féminines et comprendre l’influence des cycles sur leurs performances !
- Charline, est sage-femme et créatrice de contenu sur la grossesse et la gynécologie via « Charline.sagefemme » sur Instagram, pour vous redonner du pouvoir sur votre santé.
Le CM, c’est le processus physiologique naturel qui prépare l’organisme féminin à accueillir une éventuelle grossesse.
Il débute le premier jour des règles et se termine au début des règles suivantes. Un cycle dure en moyenne 28 jours, mais ce n’est pas une vérité générale !
Car souvenez-vous : en matière de règles, il n’y a pas de règle ! Chaque personne est unique et ces données varient selon les individus, pouvant aller de 21 à 35 jours. D’autres ont aussi des cycles irréguliers.
Pour simplifier, nous parlerons ici du CM moyen de 28 jours, phénomène qui se produit environ 500 fois dans une vie !
Mais attention, le cycle menstruel ce n’est pas seulement les règles ! Car si l’on parle de processus c’est bien qu’il existe plusieurs phases, 4 en l’occurrence comme les 4 saisons :
1. Les règles ou les menstruations : elles durent entre 2 et 8 jours, en moyenne 5 jours
2. La phase folliculaire : croissance de l’ovule, elle débute avec les règles, se termine au moment de l’ovulation et dure en moyenne 14 jours.
3. L’ovulation : elle a lieu environ 14 jours avant la fin du cycle
4. La phase lutéale : attente de fécondation, elle débute à la fin de l’ovulation, se termine au premier jour des règles suivantes et dure en moyenne 14 jours.
À noter : pour les personnes qui prennent une contraception hormonale, et en particulier une pilule œstro-progestative, le cycle menstruel est mis en « sommeil ». Mais comme le rappelle Juliana : « il y a une cyclicité selon le type de pilule. D’autres fluctuations existent aussi pour celles qui prennent la pilule. Tout cela peut avoir une influence sur la pratique sportive, mais c’est un chemin individuel ! Ce qui est important, c’est d’identifier ce qu’il se passe dans chaque phase du cycle. »
Le cycle menstruel c’est globalement un défilé de différentes hormones, régulées par le cerveau.
Pour simplifier, deux seront principalement citées : l’œstrogène et la progestérone. La première agit en début de cycle (pré-ovulatoire) et la seconde en fin de cycle (post ovulatoire).
Et pour nous aider à mieux comprendre, Gaëlle Baldassari a développé une métaphore très intéressante : « le cycle menstruel fonctionne comme une session de surf ! », en 4 étapes.
Phase 1 : Les règles = se poser sur la planche
« À l’arrivée des règles, la surfeuse, comme ses hormones, est posée sur la planche » explique Gaëlle. Les hormones sont au plus bas car ce sont elles qui ont provoqué les règles. Une sensation de fatigue ou d’apaisement peut être ressentie ». L’occasion de se replier et prendre soin de soi, posée sur la planche. Physiologiquement, la muqueuse utérine se desquame et l’utérus fait le ménage avant de faire peau neuve.
Phase 2 : La phase folliculaire = prendre de l’élan
« Puis vient la remontée d’énergie, c’est la prise d’élan. » Les œstrogènes entrent en piste ! « Cette phase commence 2-3 jours après le premier jour des règles. C’est la phase la plus variable d’une personne et d’un cycle à l’autre. À ce moment-là, vous pouvez ressentir une remontée d’énergie. L’œstradiol que Gaëlle compare à « une pédale d’accélération » va redonner du dynamisme et générer une nouvelle vitalité dans votre corps et votre esprit. Vous voyez la vague et êtes prête à la prendre !
Phase 3 : L’ovulation = se mettre debout sur la planche
« Au pic des hormones, la surfeuse se sent portée et se met debout sur sa planche. Le cocktail hormonal encourage à la reproduction.» C’est la période fertile ! Vos sens sont en éveil. Vous êtes potentiellement plus sociable, plus ouvert.e au monde, à l’écoute des autres et mues par l’envie d’aider. Votre beauté est elle aussi mieux perçue, puisqu’une étude de 1994 montre que pendant l’ovulation, le visage des femmes est plus symétrique, et pour la plupart, « plus agréable à regarder ». Vous êtes en top forme, prêt.e à accueillir une éventuelle grossesse.
Phase 4 : La phase lutéale = entrer dans le tube de la vague
« Vient ensuite le tube de la vague. Ballottée entre les différentes hormones, la surfeuse vit des passages plus ambivalents. Cette phase commence 3 jours environ après l’ovulation et se termine 2 jours avant les règles. Le tube de la vague est dominé par la production de progestérone (pédale de frein), puis la remontée progressive des oestrogènes. Frein et accélérateur fonctionnent donc en même temps, ce qui explique les turbulences ressenties dans cette zone appelée aussi « prémenstruelle ». Selon les personnes, les symptômes prémenstruels (SP) varient : fatigue, ballonnements, migraines, gonflements, sueurs, douleurs à la poitrine, rétention d’eau, irritabilité etc.
Mais enfin, cette phase ne dure pas et « tout s’apaise, les hormones (re)chutent et la surfeuse se (re)pose sur sa planche, avec l’arrivée de nouvelles règles, avant de repartir pour une nouvelle session. »
Ainsi va la vie de votre CM qui peut devenir votre nouveau coach sportif, de vie et de bien-être en l’écoutant.
La réponse est oui* !
Renoncez aux clichés
« On est sous-performant.e en période de règles »
« J’ai mes règles donc je ne vais pas faire de sport »
« Si on a des douleurs il ne faut pas bouger »
Toutes ces phrases font partie des clichés que Gaëlle a repérés.
Certaines grandes sportives réalisent même des performances pendant leurs règles ! L’exemple le plus connu est celui de Paula Radcliffe qui a établi un record mondial le premier jour de ses règles au marathon de Chicago en 2002…
Bougez pour diminuer les douleurs menstruelles
À vous donc de choisir ce qui vous fera du bien. Il ne s’agit ni de performer coûte que coûte pendant les règles, ni de se priver d’activité physique si vous en avez la possibilité et l’envie.
Alors, que vous dit votre corps ?
Car ce doux mouvement peut justement diminuer les douleurs de règles. S’il l’aggrave n’insistez pas.
Créez du mouvement pour retrouver de l’énergie
Comme le dit si bien Charline : « c’est quand on en a le moins envie qu’on en a le plus besoin. Quand on manque d’énergie, on préconise du mouvement. Et d’ailleurs en médecine chinoise, le mot « chi » désigne à la fois le mouvement mais aussi l’énergie. »
Écoutez vos envies
À vous de doser et d’écouter ce qui est le plus ajusté à votre état. La marche, le yoga (sans torsion et inversion), le Pilates sont des activités douces envisageables pendant cette période de règles. Et pour les personnes qui ne sont pas affecté.es par des douleurs, continuez de courir si vous en avez l’envie !
Variez selon les phases
Comme l’explique Juliana : « l’efficacité des différents types d'entraînement (force, explosivité, endurance) peut varier en fonction de chaque phase de votre cycle menstruel. Par exemple, des études (voir référence en bas d’article) montrent que le début de la phase folliculaire serait plus propice aux entraînements de force (comme le fitness, la musculation, le badminton, le volley, la danse, la boxe ou la corde à sauter), tandis que les entraînements d’endurance (comme la course à pied, la natation, la randonnée ou le roller), seraient plus efficaces pendant la phase lutéale. »
Encore une fois, tout cela est théorique et à adapter selon les envies de la personne. N’en faites pas une vérité absolue. Écoutez-vous !
*Pour rappel : si vos règles sont très très douloureuses (sans même faire de l’exercice physique), vous pourriez avoir besoin d’un rendez-vous gynécologique.
Une activité physique modérée reste une priorité dans votre quotidien et ce à toute étape de votre CM ! Parce que comme le rappelle Gaëlle : « la sédentarité augmente les déséquilibres hormonaux, autant que le sport à outrance ! »
Voici quelques-uns des bienfaits :
- apaiser les douleurs de règles grâce à l’endorphine (anti-douleur) sécrétée pendant le sport
- lutter contre les coups de fatigue grâce à la dopamine
- gagner en énergie grâce à l’adrénaline et la noradrénaline
- rebooster la motivation et l’humeur
- penser à autre chose qu’à la douleur
Les bienfaits d’une activité physique pendant les règles varient d’une personne à l’autre ! Chaque personne est unique, donc le résultat le sera aussi.
Charline rappelle : « on ne force pas, on fait ce qui nous fait du bien et si le bien c’est de se reposer, on le fait. Parfois juste prendre un bol d’air, aller marcher suffit. C’est déjà faire une activité sportive que de marcher ! »
Oui, la pratique sportive à haute intensité peut modifier le cycle menstruel et provoquer une aménorrhée (absence de règles). Et qu’on se le dise, ce n’est pas normal de ne pas avoir de règles quand on ne prend pas de contraception hormonale.
Les fausses croyances de performance
Juliana raconte que « dans le sport, il y a une certaine croyance que de ne pas avoir de règles est un gage de performance car on s’entraîne beaucoup ! Ou les filles se réjouissent de ne plus avoir leurs règles car cela prouve que leur masse graisseuse est faible, donc qu’elles sont minces. »
Bien nourrir votre corps
Un surentrainement peut donc modifier le cycle menstruel. Il peut aussi parfois être lié à un apport nutritionnel trop faible par rapport aux efforts fournis.
Ce dysfonctionnement est connu chez les athlètes de haut niveau qui cherchent la performance sportive ou corporelle, sous le nom de « Triade de l’athlète féminine » (aménorrhée, dérèglement alimentaire et ostéoporose). Il peut engendrer des risques à long terme qui touchent l’ensemble de l’organisme et la fertilité.
Equilibrer sa pratique et son assiette
C’est une vigilance à avoir car sans être athlète de haut niveau, la quête du corps parfait encouragée par les médias, peut amener à vivre des dysfonctionnements.
À tout moment
« On peut s’entraîner dans toutes les phases du cycle. Il n’y a pas forcément d’aménagement. Le cycle menstruel ne doit pas être un frein à l’activité physique » explique Juliana. D’abord parce que l’activité physique est bénéfique pour la santé, et ensuite parce qu’elle peut avoir des effets bénéfiques sur certaines douleurs physiques ou états d’esprit liés aux changements hormonaux.
Adaptez selon votre ressenti
Tout cela reste théorique et au conditionnel. Car chaque personne est unique ! Les besoins diffèrent d’une personne à l’autre.
Le conseil de Juliana : « Moi, je dirais de privilégier les activités que la personne aime ! Par contre, si vos seins sont gonflés, évitez la boxe et faites du yoga par exemple. Mais si vous n’aimez pas le yoga mais le skate, eh bien faites-en non pas 2h mais 30 min. »
Plusieurs études notent un risque plus important de blessure des ligaments à la fin de la phase folliculaire, juste avant l’ovulation, au moment où le taux d’œstrogènes augmente. Juliana conseille alors : « d’éviter de prendre des risques au milieu du cycle en testant de nouvelles activités, même si c’est là où on a plus d’énergie ! »
Cette citation tirée du livre de Gaëlle est un bon résumé pour adapter ses projets de vie et sa pratique sportive au CM.
1. Prendre conscience de son cycle menstruel
La première chose pour adapter sa pratique sportive à son CM, c’est d’en prendre conscience !
« C’est important de se rendre compte qu’il y a des fluctuations, mais il faut apprendre nous-même à les observer, puis à les communiquer ainsi que nos besoins aux personnes qui vivent et travaillent avec nous. »
2. Observer et noter
Vous pouvez ici sortir un carnet et un stylo, car vous allez reprendre le concept du journal intime. Dans son programme Empow’HER, Juliana préconise aux athlètes de s’observer pendant plusieurs CM. Vous pouvez aussi créer un tableau Excel si vous préférez, et chaque jour, donner une note entre 0 et 10 aux critères suivants : sommeil, forme, humeur, activité physique, ressenti, alimentation etc. « C’est là que vous allez voir les premiers signes de fluctuation de votre cycle ! »
Le but étant à long terme d’anticiper vos coups de mou ou grandes formes. Mais attention, rien n’est figé ! Il y a différents facteurs de variation qui oscillent selon les saisons, l’environnement, la vie quoi. C’est un moyen d’apprendre à vous connaître. « Ce qui ne veut pas dire de ne pas s’entraîner quand on est moins en forme, mais juste de réaliser que c’est plus difficile et donc d’anticiper et modifier ses objectifs » explique Juliana.
3. Faire confiance à son corps :
« De quoi ai-je besoin aujourd’hui ? »
Voici la bonne question à vous poser pour adapter votre activité physique à votre cycle menstruel.
« Qu’est-ce qui est le mieux pour moi aujourd’hui ? » : un jogging ? de la marche ? du yoga ? du Pilates ? du repos ? du cardio ? Ecoutez votre corps ! Il vous envoie les bons signaux pour prendre soin de vous.
Et Gaëlle ajoute : « Faites vous confiance pour interagir avec votre corps et le respecter ! »
4. Adapter votre pratique
« Nous sommes cycliques mais il n’y a pas que le cycle menstruel qui change tous les jours. Le contexte, l’environnement aussi » rappelle Charline.
Adapter est donc le mot d’ordre ! Fiez-vous à votre ressenti.
« Cela ne sert à rien de dépenser de l’énergie quand on a besoin d’en recevoir. Est-ce que le sport va me donner de l’énergie ou me coûter en énergie ? Qu’est-ce qui va me donner de la force ? C’est quoi ma priorité ? »
Car le but est de « faire les choses en accord avec soi-même et pas contre soi même. » rappelle Gaëlle. De là vient l’adaptation de la pratique sportive au CM. Par contre « si je crois que je suis moins bonne pendant mes règles, si je me mets à croire que mon cycle menstruel m’amène à moins de performance sportive à tel moment alors c’est terrible, car vous pouvez perdre une compétition ou un projet juste sur le mental ! » explique Gaëlle.
5. Communiquer
Avec vous-même, mais aussi avec votre coach, préparateur physique ou toute personne qui vous aide à progresser dans votre pratique sportive. Communiquer sur les phases de votre cycle et vos capacités, « non pas pour trouver une excuse mais pour changer l’entraînement et l’adapter » rappelle Gaëlle.
REMERCIEMENTS
Merci à Juliana Antero (compte Instagram : empower_sportives, Linkedin : www.linkedin.com/company/empow-her et www.insep.fr), Gaëlle Baldassari (site : www.kiffetoncycle.fr), Charline (compte instagram : charline.sagefemme) et Pauline Rossignol (athlète de haut niveau) pour leur disponibilité, partage d’expérience et témoignage. Merci également à Thibault Dufoix, ostéopathe pour sa relecture pointilleuse et assidue.
SOURCES
- Kiffe ton cycle, Gaëlle Baldassari, Larousse 2019
- M.Ridley, The Red Queen: Sex and the Evolution of Human Nature, 1994
- Étude Ifop pour iNTIMINA réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 17 au 28 avril 2021 auprès d’un échantillon de 1 010 femmes, représentatif de la population féminine française âgée de 15 à 49 ans résidant en France métropolitaine.
- Bruinvels G, et al. Br J Sports Med 2020;0:1–7. doi:10.1136/bjsports-2020-102792 - Chidi-Ogbolu N and Baar K (2019) Effect of Estrogen on Musculoskeletal Performance and Injury Risk. Front. Physiol. 9:1834. doi: 10.3389/fphys.2018.01834
- Martin D, Timmins K, Cowie C, Alty J, Mehta R, Tang A and Varley I (2021) Injury Incidence Across the Menstrual Cycle in International Footballers. Front. Sports Act. Living 3:616999. doi: 10.3389/fspor.2021.616999
C’est ainsi que commence une nouvelle histoire avec votre cycle menstruel ! Car pour bien adapter sa pratique sportive à son CM, il faut d’abord le connaître ! Il peut devenir votre meilleur coach pour vous aider à aller plus loin dans une activité physique, pour vous éviter une blessure et surtout pour prendre plaisir à bouger.
Car vous commencez à le savoir : le mouvement, c’est la santé !