Le sport, allié contre le bore-out

Le sport, allié contre le bore-out

S'ennuyer au travail au point de tomber en dépression, c'est possible : c'est le bore-out. Pour s'en sortir, ils et elles se sont tournés vers le sport. Mais est-ce suffisant ? Spoiler : non, mais ça peut être le premier pas vers votre guérison.

Alexia, psychiatre, est devenue spécialisée dans le bore-out après en avoir elle-même fait l'expérience il y a quelques années. Elle nous explique les causes et les symptômes de cette maladie professionnelle.

C'est quoi, le "bore-out" ? Définition de cette maladie professionnelle méconnue

"Le bore-out, c'est une forme d'épuisement professionnel, causé par l'absence ou l'insuffisance de charge de travail ou de missions", détaille Alexia, "Faute de missions, les personnes concernées par un bore-out peuvent soit tomber en dépression et ne plus avoir la force de démissionner, soit quitter leur job pour retrouver une raison de se rendre au travail le matin".

"Roh ça va, moi aussi, j'aimerais être payé.e à ne rien faire", pensez-vous peut-être. Oui... mais non. Si sur le papier, recevoir un salaire en ne faisant strictement rien de ses journées peut paraitre fort plaisant, la réalité l'est beaucoup moins : l'ennui au travail, c'est loin d'être fun. "Ce n'est pas du temps que vous utiliserez à faire autre chose de plus constructif, puisque vous êtes amené.e la plupart du temps à subir un long, très long présentéisme", explique Alexia, "En somme, on attend de vous que vous ne fassiez rien, mais au bureau, et que vous ne donniez pas le mauvais exemple". On vous dit donc implicitement : ne faites rien, mais faites en sorte que ça ne se voit pas.

"J'en ai fait l'amère expérience, et ma spécialisation dans le domaine m'a permis de constater que ce n'était pas un phénomène isolé", poursuit la spécialiste, "Plus encore, je constate une demande croissante pour cette maladie depuis les premiers confinements, je n'ai même plus de place dans mon agenda pour de nouveaux et nouvelles patient.es".

Symptômes et causes : comment reconnaître un bore-out ?

Ennui passager au travail ou réelle souffrance professionnelle, le bore-out est parfois difficile à identifier. Alexia nous donne ses clés expertes pour comprendre les signaux d'alerte du bore-out.

Comment reconnaître les signes avant-coureurs d'un bore-out ?

"Lorsque mes patient.es me font part d'une détresse professionnelle causée par une absence de missions, qu'ils ajoutent que les heures de travail semblent interminables et que leurs journées les font souffrir, je sonne l'alerte : le bore-out est proche, si ce n'est déjà installé", explique Alexia, psychiatre spécialisée dans le bore-out.

Les symptômes du bore-out sont multiples, et ressemblent pour beaucoup à ceux de la dépression. "La différence principale, c'est la cause de cette maladie, qui se trouve être professionnelle : l'ennui profond au travail peut entrainer un bore-out et/ou une dépression sur le long terme", explique l'experte.

Quelle conséquence sur la santé ?

"Il y en a plusieurs, mais les deux principaux sont l'épuisement physique et son pendant moral : on n'a plus l’envie ni la force de faire quoi que ce soit, y compris de se lever le matin", précise Alexia, "pourtant, certain.es patient.es attestent également de troubles du sommeil : on a envie de dormir par ennui et fatigue, mais on n’y parvient pas à cause des souffrances psychologiques causées par cette situation". À terme, les salarié.es concerné.es peuvent perdre toute estime d’eux-mêmes, et douter de fait de leurs compétences ou de la confiance que leur employeur place en elles et eux. "On se dit qu'on est nul.le, et que c'est pour cela qu'on ne nous confie aucune tâche", explique Jamila, cadre de 32 ans et ancienne salariée en bore-out.

Jamila : du bullshit job au bore-out

Il y a quelques années, Jamila était cadre dans une grande boîte, leader de la tech dans le monde. Dit comme ça, on imagine facilement un agenda chargé, des réunions à gogo et des journées à rallonge. Pourtant, dans le quotidien de Jamila, c’est plutôt l’ennui qui venait rythmer, heure après heure, jour après jour, ses missions vides de sens. “Parfois, j'allais jusqu'à compter mes soupirs au fil de la journée pour passer le temps", confie la jeune femme de 32 ans, “j’avais signé pour des missions passionnantes, de la gestion de projet, l’encadrement d’une équipe, mais la réalité m’a fait déchanter : je n’avais rien de tout ça, juste du vide ponctué de PowerPoint inutiles”. Jamila fait face à ce que l’on appelle désormais un “bullshit job” : si elle était alors payée 3000 euros par mois, ce salaire mirobolant ne venait nullement compenser le vide intersidéral de ses missions.

Sans solution dans l'immédiat et épuisée par la situation, Jamila a mis quelques mois avant de se sortir de cette impasse. Le tremplin vers cette sortie ? "Le sport, et plus précisément : la boxe", sourit la jeune femme, "J'ai fait un crochet du droit à mon bore-out grâce au sport, à un accompagnement psychologique efficace et à une rupture conventionnelle faute de perspectives dans cette boite".

Le sport, allié contre le bore-out

Burn-out, bore-out, brown-out : quelles différences ?

Burn-out : vous croulez sous les missions, les projets, les deadlines, et un matin, votre corps et votre cerveau vous mettent un grand stop. Vous ne parvenez pas à vous lever, ou bien vous vous trainez péniblement jusqu'à votre bureau, sans pour autant parvenir à actionner votre mental. Vous n'y arrivez plus, l'épuisement vous a dévoré.e. Vous êtes en burn-out, et il est plus que temps de demander de l'aide auprès d'un·e professionnel·le de santé.

Bore-out : pour simplifier, le bore-out survient quand vous vous ennuyez dans votre travail, et ce, sur une période étendue. Une fois les courses de chaises à roulettes et concours de lancers de boulettes en papier dans la poubelle de votre bureau épuisés, vous voilà à court d'idées et d'espoirs envers vos horizons professionnels à ce poste. Le bore-out peut trouver sa cause dans une mise au placard, une sous-charge de travail ou une absence totale de missions. "Un sentiment de honte peut pousser le ou la salarié.e concerné.e par un bore-out à ne pas exprimer ses besoins auprès de sa hiérarchie, et à s'enfoncer de fait dans son mal-être, vers un syndrome d'épuisement professionnel", alerte Alexia.

Brown-out : c'est la maladie professionnelle la moins connue, comparée au burn-out et au bore-out. Les personnes souffrant d'un brown-out font état d'une absence de sens dans leur mission, ou d'une incompréhension de celles-ci. "Quelle différence avec le bore-out ?", demandez-vous sûrement. Un bore-out est causé principalement par l'ennui, l'absence de missions, quand un brown-out peut être causé par une succession de tâches dont le sens ou l'objectif final échappe aux salarié.es chargé.es de les effectuer, ou des tâches répétitives. "Si vous êtes mécanicien.ne, et que l'on vous demande d'organiser les rendez-vous de tou.tes vos collègues sans jamais toucher à une voiture, à un moment, vous allez vous demander ce que vous faites à ce poste", illustre Alexia.

Alexia alerte cependant sur un point. "Chacun.e réagit de manière différente à ces maladies professionnelles", explique-t-elle, "une personne peut subir d'un seul coup des symptômes violents, du jour au lendemain, quand une autre peut ne rien laisser transparaître et vivre une souffrance intérieure terrible. Dans tous les cas, il y a un point de non-retour qui intervient à un moment donné, et qui nécessite impérativement un arrêt maladie plus ou moins long pour se remettre sur pied".

Le sport, solution pour sortir du bore-out ?

Pour Jamila, le sport a été un levier vers sa guérison. “Après être devenue experte de jeux-vidéos sur mobile en tout genre, j’ai fini par me tourner vers la dépense physique”, explique la cadre (à l’époque) pas si dynamique.

C’est tout simplement après une blessure sédentaire que Jamila prend le chemin de la sacro-sainte salle de sport. “J’ai réussi à me faire une tendinite au poignet en scrollant sur mon ordinateur en télétravail sur des sites de shopping en ligne", poursuit Jamila, “Je n’avais même plus la motivation de m’asseoir à mon bureau, à la maison. À quoi bon ? Je n’avais rien à y faire, mais il fallait tout de même que je montre ma présence sur le chat de l'entreprise”. Un midi, après une énième matinée peu constructive, Jamila reçoit un SMS d'une amie. "On ne se voit plus en ce moment. Je vais à la boxe, tu veux venir et tester ?" Faute de déjeuner professionnel ou de projet urgent sur lequel travailler, Jamila accepte. En plus de retrouver son amie, la salariée se découvre une nouvelle passion. "J'ai retrouvé une raison de sortir et l'envie de bouger", explique-t-elle, "Je crois que j'avais oublié le bonheur d'aimer faire quelque chose. Mon bore-out avait des incidences sur ma vie personnelle, et c'est là que j'en ai pris conscience".

"L'absence de mouvement appelle l'absence de mouvement : en gros, moins vous bougez, moins vous aurez envie de bouger", explique Alexia, "le bore-out, c'est la porte ouverte à la démotivation totale : flemme de sortir, parce que rien à raconter à vos ami.es, flemme de chercher de nouvelles missions, puis flemme de sortir de votre lit". Les symptômes du bore-out sont donc assez proches de ceux de la dépression, et la volonté seule de s'en sortir ne suffit pas toujours. "Plus qu'un manque de motivation, c'est bien de détresse psychologique dont on parle ici", souligne la psychiatre, "De fait, la mise en mouvement peut permettre de relâcher des hormones, et donc d'amorcer un premier pas vers la sortie du bore-out en améliorant quelque peu le moral du ou de la salarié.e concernée".

Qui plus est, comme le souligne justement Alexia, le sport ne peut être l'unique vecteur d'une sortie d'un bore-out. "Dans la plupart des cas, une action auprès de votre employeur avec une demande de refonte de vos missions est nécessaire pour éradiquer la cause du bore-out, et se focaliser ensuite sur les symptômes restants avec un.e professionnel.le de santé", explique l'experte.

Que faire en cas de bore-out ? Comment ça se soigne, docteur ?

"Si l'on peut trouver des parades pour atténuer les effets du bore-out, il reste difficile de s'en sortir sans trouver de solution à sa cause première : l'absence de missions et de charge de travail", soutient Alexia. Ainsi, la psychiatre conseille d'organiser un rendez-vous avec votre employeur ou votre manager afin d'exposer votre situation et d'exprimer vos besoins en matière de missions. "On ne soigne pas un bore-out en blindant de missions vides de sens un.e employé.e, mais plutôt en lui trouvant des missions en adéquation avec ses compétences, son expertise", illustre-t-elle.

Pour Jamila, la solution a été radicale. "J'ai changé de boîte", explique la jeune femme, "je suis toujours dans la tech, mais à un poste en phase avec mes envies professionnelles. Je sais pourquoi je me lève le matin, et j'aime ce que je fais". Jamila n'a pas pour autant arrêté le sport, et en apprécie désormais les bienfaits sans objectif thérapeutique. "Je vais boxer pour me dépenser, pour décharger après une journée sur ma chaise, pour le simple plaisir de bouger", souligne-t-elle, "ce n'est plus un besoin".

Je m'ennuie au travail : comment éviter le bore-out ?

Si ces lignes vous ont quelque peu alarmé.e et que vous vous reconnaissez dans certains symptômes évoqués, alors la sonnette d'alarme est peut-être en train de retentir. Pour prévenir le bore-out, n'hésitez pas à contacter votre manager et à lui faire part de votre désir de nouveauté professionnelle : avez-vous besoin de nouvelles missions, ou qu'il augmente votre charge de travail ? Souhaitez-vous monter en compétences pour décrocher un poste à responsabilités ? À vous de définir vos besoins et vos aspirations professionnelles, pour éviter que votre carrière ne coule et vous embarque dans les tréfonds des bullshit jobs.

La prévention du bore-out fait partie également de votre droit au bien-être sur votre lieu de travail : missions en accord avec vos compétences et vos aspirations professionnelles, sens donné à vos différentes tâches, voilà la recette d'un.e salarié.e heureux.se !

En somme, si l'ennui pointe son nez à votre bureau, rien ne sert de courir, il faut se soigner à point et en parler à votre hiérarchie. En prime, les hormones libérées par une activité sportive régulière vous aideront à supporter cette petite période de creux avant le début de vos nouvelles missions, que l'on vous souhaite stimulantes. 

Le sport, allié contre le bore-out

Val LEROY

Journaliste - rédactrice web

Journaliste société, passionnée de réseaux sociaux (la Twitter fever, tu connais) et de sport. À mes heures perdues, on me retrouve sur une barre de pole dance ou sous la barre de hip thrust, ça dépend des jours.