Concilier cardio et précision, c’est possible ? En tout cas, les athlètes de biathlon y arrivent. On décortique comment avec une ancienne athlète.
Vous aussi, il vous arrive de confondre duathlon et biathlon ? Moi aussi. Et à ce sujet, Suzon Fabre, m’a rapidement rassurée : nous ne sommes pas seul·es. Duathlon et Martin Fourcade, c’est souvent (et non sans mal) ce que les gens associent à cette discipline.
Alors pour l’expliquer brièvement, comme sait le faire l’ancienne sportive de la discipline Suzon Fabre, nous dirons que le biathlon, “c’est un mix entre ski de fond et tir”. Deux sports à première vue très éloignés et qui demandent des compétences physiques et mentales bien différentes.
Pour comprendre comment ça fonctionne dans le corps et dans la tête des athlètes, mais aussi pour savoir comment les champion·nes s’entraînent, je suis partie à la rencontre de Suzon Fabre, ancienne athlète de biathlon.
Mais avant toute chose, j’ai voulu savoir…
“Cardio !” répond Suzon. Elle ajoute : “Avec de l’entraînement, tout le monde peut tirer, c’est accessible. C’est l’effort qui complique le tir”.
Tout le monde ? J’ose à peine m’imaginer avec une carabine dans les mains.
Suzon précise, pour les pratiquant·es de biathlon, "le tir devient automatique avec l’entrainement”. Le cardio, lui, demande davantage de rigueur et d’entretien.
En biathlon, “on ne peut pas se permettre de faire monter trop haut le cœur” explique l’ancienne athlète. Il faut apprendre à “gérer un entraînement avec beaucoup de coupures pour que le cœur s’habitue à redescendre rapidement”. Me reviennent alors les souvenirs d’entraînement fractionné en course à pied…
Mais à la différence d’un sport d’endurance, tel que le ski de fond dans lequel les sportif·ves doivent apprendre à maintenir l’effort sur la longueur, le biathlon exige une certaine capacité à s’adapter pour enchaîner des niveaux d’efforts différents.
Au biathlon, “on apprend à se concentrer, à gérer notre respiration, notre schéma de tir classique, mais il n’y a pas de technique spécifique à connaître pour que notre corps s’adapte aux changements de rythme”, si ce n’est, de l’entraînement et de la pratique.
“Ça dépend beaucoup des personnes et des personnalités” confie Suzon. “En vérité, il n’y a pas de technique absolue”. Selon elle, il est à chacun·e de trouver sa méthode. C’est un peu comme à l’école, chacun sa technique pour réviser les cours !
Suzon est confrontée à des difficultés concernant le tir pendant sa carrière. Elle comprend, avec le temps, qu’elle doit davantage appréhender cette épreuve au niveau psychologique. Et c’est ce qu’elle fait ! Elle met en place des exercices pour booster son mental et utilise par exemple la visualisation : “J’imaginais mon arrivée au pas de tir, la manière dont j’allais souffler et respirer”. On s’y croirait non ?
“Certains font aussi beaucoup de positionnement chez eux avec leur carabine” : afin de mieux automatiser le tir pour ne pas avoir besoin d’y réfléchir lors de la compétition. Cette technique permet aux sportif·ves de focaliser leur attention sur leur respiration et récupération lors de l’épreuve, sans devoir penser à leur technique de tir. Ça évite de faire diversion en somme.
D’autres ont des techniques plus créatives : “Certain·es athlètes s’imaginent un mot, une musique qui leur rappelle un moment où ils ou elles ont été particulièrement fort·es”. Une technique qui peut d’ailleurs nous servir dans tout autres situations, sportives ou non !
Là aussi, c’est chacun sa technique.
Suzon m’emmène : “Quand tu arrives à 100 mètres de ta cible, tu coupes ton effort à ski, et tu souffles fort”.
C’est cette respiration que vous avez peut-être déjà, vous aussi, entendue lorsque vous regardiez les épreuves de biathlon à la télé.
Le but, de ce souffle, “c'est de bien oxygéner le corps et l’esprit, pour ensuite être capable de redescendre en pression et de prendre les informations sur la situation”.
Ensuite, au moment de tirer, “certains coupent leur respiration poumon plein, d’autres vide ou encore mi-plein”. Idem, pour le nombre de respirations entre chaque balle tirée : il reste propre à chacun·e : “On ne l’apprend pas, c'est une question de feeling, de comment on ressort notre corps”.
Écouter son corps, c'est quand même souvent le secret !
Je comprends alors l’importance de la préparation mentale et psychologique dans la pratique de ce sport. Mais quand je lui en parle Suzon, m’explique que de son côté, elle constate que dans la gestion du biathlon français actuel, “l’accent est davantage mis sur l’entraînement physique plutôt que sur le mental”. Ce point a d’ailleurs été déjà soulevé plusieurs fois par les athlètes. Ils et elles demandent un suivi plus important et poussé.
À 2 ans, “avant même de savoir marcher correctement”, Suzon Fabre découvre le ski de fond. Elle grandit, progresse et concourt à ses premières compétitions dans la discipline.
Elle attend patiemment ses 10 ans pour faire ses premières courses de biathlon : “On peut commencer le tir à la carabine à plomb, (un peu comme à la fête foraine) seulement à partir de 8 ans” explique-t-elle.
En parallèle, elle continue, comme les jeunes athlètes de ce sport, à évoluer dans son club de ski de fond. C’est à 15 ans qu’on lui demande de choisir entre ski de fond et biathlon. Débutent alors plusieurs années de compétitions.
En 2017, âgée de 19 ans, la sportive arrête les championnats de France. Elle continue de participer à certaines courses de biathlon jusqu'en 2019. Sa dernière compétition en ski de fond date de 2021.
“Physiologiquement, le biathlon serait le sport le plus dur” déclare Suzon. Rien que ça ! Mais pour l’ancienne compétitrice, “le plus difficile, c’est de gérer son mental et d’arriver au tir confiant, pour pouvoir appréhender ce qui se passe autour”.
Et parmi cela, il y a entre autres, l’adversaire. Je constate d’ailleurs que c’est un sujet très important au biathlon et cela s’explique puisque comme me l’a expliqué Suzon, ce sport se pratique uniquement en compétition.
L’esprit et la mentalité de l’activité y sont donc très associés : “ce n’est pas un sport loisir, donc tout le travail que l’on fait depuis l’entraînement se pense en mode compet’ : d’où l’importance de muscler son mental.”
Elle ajoute : ”Le tir se passe tellement dans la tête que la moindre perturbation autour, peut nous faire gagner ou perdre” alors que pour le ski, avec un entraînement et sauf exceptions, “tout le monde a plus au moins le même niveau arrivé en compétition”.
“Tous les autres sports servent le biathlon” répond Suzon. "En club, on faisait beaucoup de course à pied, de musculation, de vélo, et de ski roue aussi : un mix entre ski et roller pour garder une technique et un bon entrainement toute l’année”.
En biathlon, les athlètes font aussi des compétitions de course à pied et de ski roue tout au long de l’année.
L’entraînement cardio ayant une place bien plus importante dans la routine des athlètes, il est sûr que cela aide au maintien d’une bonne condition physique.
Mais au-delà de l’aspect physique, c’est l’organisation et la concentration que cite spontanément l’ancienne compétitrice. Le fait de mixer sport et ski, “ça nous fait passer très vite d’un état d’excitation à un état de concentration intense et c’est quelque chose qui m’aide encore dans ma vie de tous les jours”. Pratique au quotidien pour se concentrer et se mobiliser en un claquement de doigts !
Enfin, elle ajoute : “Le sport de haut niveau quel qu’il soit sert de toute façon au niveau de la discipline”.
Au biathlon, la récupération s’apparente à celle d'autres sports. “On reskie un petit coup” mais par contre, “on ne retire pas entre deux entrainements ni courses, le but est de se décharger physiquement”.
Autre particularité du biathlon : prendre soin de sa carabine. “Certain·es sportif·ves ont des rituels de nettoyage après chaque course, ça fait aussi partie de la préparation mentale”. Suzon explique : “ Au biathlon, on ne considère pas notre carabine comme une arme à feu, c’est vraiment un outil de travail au même titre que notre corps”.
Suzon n’a jamais souffert de sa place de femme au biathlon, mais elle avoue qu’avec le recul, elle réalise qu’une évolution est nécessaire : “Le biathlon est un sport mixte depuis longtemps, mais en matière de suivi et de compréhension du corps et de la psychologie de la femme, il y a encore du travail. ”
Une meilleure compréhension du corps de la femme permettrait pourtant de proposer des entraînements plus adaptés et potentiellement de nouvelles performances en compétition.
Elle me partage, à ce sujet, le cas de son amie et ancienne coéquipière Lou Jeanmonnot qui déclarait, il y a quelque temps à la télévision, avoir été moins performante sur une course à cause de ses règles. Face à la surprise que cela a pu susciter, Suzon s’exclame : “ Bien sûr que ça a une influence ! Positive comme négative en fonction des femmes, mais oui, c'est à prendre en compte !” pour les impacts physiques que psychologiques possibles.
Selon elle, le cycle menstruel est un sujet encore “trop négligé au niveau des compétences sportives et notamment, lors des sélections”.
Dans la tête autant que dans le corps, le biathlon est un sport exigeant. Écouter son corps et muscler son mental autant que son corps, c’est peut-être ça le secret du sport.