Pourquoi le sport est-il bénéfique pour les personnes sourdes ? Comment pratiquer quand on est malentendant·e ? Sport et surdité : on vous dit tout.
Surdité, sports et loisirs ne sont pas incompatibles ! Découvrez pourquoi il est bon de pratiquer un sport quand on est malentendant·e. Repérez comment proposer une activité pour les personnes sourdes. Faire du sport avec une surdité, c’est possible. On fait le tour de la question avec deux spécialistes :
Arnaud Cuvellier, chef de service éducatif au Foyer d’Accueil Médicalisé de Calonne-Ricouart. Avec ses 12 années à la tête du pôle Activité Physique Adaptée (APA) auprès d’un public sourd et aveugle, Arnaud nous livre sa façon d’adapter le sport ;
Jonathan Quiquempoix, pratiquant passionné de football et atteint de surdité depuis la naissance. Son expérience dans deux associations sportives nous en dit plus sur la manière de pratiquer quand on est atteint·e de surdité.
Quelle est la différence entre une personne sourde et malentendante ?
L’Institut de Recherche du Bien-être, de la Médecine et du Sport santé (plus connu sous l'acronyme IRBMS) définit la surdité comme une déficience sensorielle de communication et d’acceptation sociale. 360 millions de personnes dans le monde sont touchées par une diminution des champs auditifs et de la parole, soit en intensité (perte de qualité), soit en fréquence (perte de quantité). Conséquence : le message est perçu plus faiblement ou de manière déformée.
Plus simplement, Arnaud Cuvellier - notre expert en activité physique adaptée - nous explique : « On parle de personnes sourdes pour décrire celles et ceux qui n’ont plus de fonction auditive. On les distingue des personnes malentendantes qui, elles, ont un reste auditif plus ou moins important, pouvant être amélioré partiellement avec un appareillage. »
On parle alors de niveau de décibels, qui se quantifie par des tests audiométriques (appelés audiogrammes) selon des fréquences conversationnelles de 500, 1 000, 2 000 et 4 000 Hertz.
Cela ne signifie pas que toutes les personnes malentendantes ont des appareils auditifs. « Pour certains, l’appareillage est difficile, car cela entraîne des maux de tête ou des problèmes d’adaptation. Il existe aussi un frein financier, puisque les dispositifs restent encore très coûteux. »
D’où vient la surdité et comment les personnes communiquent ?
La déficience peut être génétique, ou liée à une pathologie. C’est le cas de Jonathan Quiquempoix, notre sportif témoin, dont l’origine de la surdité est une maladie survenue pendant sa vie intra-utérine.
Profitons-en pour remercier sa compagne qui a traduit notre échange en langue des signes ! C’est d’ailleurs ce moyen de communication qui est privilégié par les gens sourds. Jonathan n’y a eu accès qu’à l’âge de 15 ans, au Centre Éducatif des Jeunes Sourds d’Arras. Il reconnaît l’impact positif que cet apprentissage a eu sur son autonomie.
Arnaud et Jonathan sont unanimes : la pratique d’une activité physique adaptée est bénéfique et peut même compenser les effets de la surdité. Le tout est de pallier la problématique de communication.
Les impacts positifs du sport pour les gens sourds…
D’un point de vue physique, les bienfaits de la pratique sportive sont importants en matière d’équilibre, de capacité musculaire, de condition physique et d’hygiène de vie.
Sur le plan psychologique, le sport permet le dépassement du handicap et diminue le stress, l’anxiété et l’angoisse, en améliorant la qualité de vie.
Arnaud constate aussi un développement de la capacité intuitive des personnes sourdes et malentendantes qu’il encadre, grâce à l’activité.
Jonathan témoigne : « Au football, je compense mes difficultés à communiquer par le fait d’anticiper les mouvements. Je repère plus vite et plus facilement la fuite du ballon ou des joueurs que mes coéquipiers. »
Dans le cas du sport et de la surdité, le rôle social et culturel de l’activité physique est aussi très important. Il permet aux sportif·ves de briser l’isolement et d’améliorer leur manière de communiquer avec les autres.
… À condition d’adapter l’activité au handicap
« Si l’activité n’est pas adaptée, elle risque au contraire de renforcer l’isolement du public sourd qui pourrait se décourager, ou s’agacer. »
Arnaud poursuit son explication : « Dans le projet du foyer, la pratique du sport a été voulue aussi en dehors de l’établissement. Ça a permis une ouverture des personnes vers les autres et aussi une amélioration du regard extérieur sur ce public en situation de handicap. »
En duo avec des éducateurs de judo, d’équitation ou encore de canoë-kayak, Arnaud a pu faire pratiquer des sports de combat, des activités de pleine nature et des sports collectifs… Ce qui est plus simple pour lui, car le basket est son sport de prédilection !
Là où lui avait besoin des compétences techniques d’un spécialiste de la discipline, il apportait ses connaissances de coach APA pour :
- intégrer l’impact de la déficience dans l’activité ;
- mettre en place des aménagements du milieu de pratique ;
- solutionner en adaptant l’activité aux individus.
Jonathan nous confirme : « Je n’ai jamais eu de frein pour pratiquer, dès lors qu’on tient compte du problème de communication. Il n’y a pas d’autres impacts du handicap sur ma manière de faire du sport, par rapport à quelqu’un qui n’est pas sourd. »
Il serait donc dommage de s’en priver !
Concrètement, quelles disciplines peut-on pratiquer ?
Le sport est bon pour la santé, oui, mais certaines activités sont contre-indiquées pour les sportif·ves sourd·es.
=> La plongée peut, par exemple, détériorer le reste auditif à cause des paliers de décompression.
=> L’haltérophilie est déconseillée aux personnes porteuses d’implants.
Pour pratiquer sereinement, un avis médical est donc nécessaire.
Exceptions citées, les activités sportives sont ouvertes aux personnes sourdes et malentendantes ; même la natation, à condition d’enlever son appareillage. L’essentiel est d’adapter la pratique.
Pour cela, la Fédération Française Handisport (FFH) a reçu en 2008 une délégation du ministère chargé des Sports, pour développer et structurer la pratique sportive des personnes atteintes de surdité. Elle propose un panel d’activités sur l’ensemble du territoire à différents niveaux de pratique : handball, football, pétanque et sports de boules, cyclisme, natation, ski, tennis de table, randonnée…
Plusieurs options s’offrent aux sportif·ves sourd·es et malentendant·es :
- faire du sport avec un public dit "ordinaire" (sans déficience) ;
- exercer une discipline entre pairs (avec d’autres personnes atteintes de surdité) ;
- réaliser une pratique mixte (dans un club ayant une double affiliation : de la discipline choisie + handisport).
Sachez tout de même que si vous visez les Deaflympics, il vous faudra un club affilié à la FFH, porte d’entrée à une pratique internationale.
Il faut revenir quelques décennies en arrière.
Dans les étapes de développement du sport silencieux, les jeux silencieux de Eugène Rubens-Alcais en 1924, aujourd’hui renommés Deaflympics, ont marqué l’histoire du sport sourd.
Cette première édition des Jeux Internationaux du Silence a permis à 148 sportif·ves sourd·es, issu·es de 9 pays, de se réunir à Paris. La communauté sourde doit beaucoup à Eugène Rubens-Alcais, qui a œuvré pour rendre accessible le sport aux personnes malentendantes.
Si une carrière internationale n’est pas votre objectif, sachez qu’il est possible de pratiquer plus simplement en compétition. Ça a été le cas de Jonathan, notre spécialiste du football, qui a pratiqué aux clubs de Divion et d’Arras : « Divion est la ville dans laquelle j’ai grandi et, dès l’âge de 4 ans, je jouais au club avec les autres jeunes de la ville. À 18 ans, j’ai découvert le club d’Arras qui avait un groupe de sportifs sourds. L’ambiance y est différente, plus chaleureuse, parce qu’on se comprend mieux aussi. »
Jonathan nous livre l’essentiel : « Il faut juste trouver un moyen de transformer le repère sonore de l’arbitre avec son sifflet, en un signal visuel, avec un drapeau ou un chiffon agité. La seule différence est que le jeu est plus long à s’arrêter, le temps que tout le monde capte le message. »
De son côté, Arnaud me donne des exemples de pratiques physiques menées au sein de son établissement :
- en tir à l’arc : on crée un contact spécifique pour signaler le dégagement de la zone de tir ;
- en judo : l’activité est facilement réalisable, grâce à l’importance du toucher dans la pratique, qui est un sens prioritaire chez les personnes déficientes auditives ;
- l’athlétisme : adaptable à condition de remplacer les repères sonores ;
- les sports collectifs : où l’effet groupe permet aux personnes de s’entraider, quand l’une repère le signal visuel et l’indique aux autres.
Pour lui comme pour Jonathan, le choix de pratique est large et varié !
Maintenant que vous avez lu cet article, vous comprenez que sport et surdité font bon ménage ! Comme pour tout le monde, l’activité sportive est aussi importante pour la communauté sourde. Les jeux autour de la surdité sont facilement réalisables dès lors que l’on prend en compte la problématique de communication des personnes atteintes de déficience auditive. L’accès au sport pour les sourd·es est possible et chacun doit pouvoir trouver une pratique adaptée qui lui ressemble.