Sport et performance : “Je n’ai plus mes règles, c’est normal ?”

Sport et performance : “Je n’ai plus mes règles, c’est normal ?”

Si l’aménorrhée sportive concerne bien des athlètes de haut niveau, certaines disciplines semblent plus à risque. Quel est ce trouble et comment s’en défaire pour une pleine santé ?

Le sport a un impact sur le corps et les hormones n’y échappent pas. Certains sports requièrent même un tel niveau d’implication physique, qu’ils peuvent faire disparaitre les menstruations des personnes qui les pratiquent à haut niveau.

Le cycle menstruel, comment ça marche ?

Si comme moi, vous attendez vos règles chaque mois dans un mélange d’appréhension (rapport à la douleur des menstrues) et d’impatience (rapport à la peur face au déni de grossesse), l’aménorrhée sportive peut vous procurer une petite frayeur lorsqu’elle survient. Rassurez-vous, celle-ci ne touche pas une large population parmi les athlètes menstrué·es, mais suffisamment pour qu’on lève enfin le tabou sur la question.

Bon, déjà, revenons aux sources : comment fonctionne le cycle menstruel ? Bonne nouvelle, on a un article sur le sujet !

Sport : quel impact sur le cycle menstruel et pourquoi ?

Lorsqu'il s'agit de sport intensif, certaines personnes menstruées remarquent des changements dans leur cycle : règles plus longues et/ou espacées, voire carrément absentes. Dans le milieu sportif, plusieurs facteurs interagissent et affectent la régulation hormonale, provoquant ces perturbations. J’ai beau avoir mes règles, je ne suis pas médecin (je suis journaliste, suivez un peu). J’ai donc demandé à Adrien, médecin du sport à Amiens, de m’en dire plus sur les facteurs en cause (rien à voir avec celui qui livre votre courrier, laissez-le en dehors de ça svp).

Facteur n°1 : l’intensité de l’entrainement sportif

Que ce soit en vue d’une compétition ou tout simplement parce que vous aimez tout défoncer dans votre vie sportive, ce dévouement à l’activité physique peut avoir un impact sur vos menstruations. “Durant des exercices physiques intenses, votre corps peut choisir de réagir en réduisant la production d'hormones sexuelles, notamment les œstrogènes”, précise Adrien, “Or, les œstrogènes jouent un rôle essentiel dans le maintien d'un cycle menstruel régulier. Par conséquent, lorsque leur niveau diminue, cela peut entraîner des irrégularités dans votre cycle, voire une absence totale de règles”. Cela peut varier d’une personne à l’autre, mais globalement, en laissant votre corps récupérer pleinement 24 à 48h entre deux entrainements, tout particulièrement si ceux-ci sont intenses, vous minimisez la possibilité que votre règles ne vous disent “bye bye”.

Facteur n°2 : la production d’hormones durant l’exercice physique

La relation entre exercice physique et hormones est complexe. “Lorsque vous vous entraînez intensément, votre corps libère des endorphines, également connues sous le nom d'hormones du bonheur, qui peuvent supprimer la production d'hormones sexuelles”, souligne le médecin, “De plus, l'exercice physique intense peut augmenter le stress oxydatif et l'inflammation dans le corps, ce qui peut également influencer la régulation hormonale”.

Facteur n°3 : la composition corporelle

Les personnes qui font beaucoup de sport ont bien souvent une masse grasse plutôt faible. Bien que cela puisse sembler bénéfique en termes de performance sportive, une faible teneur en graisse peut également avoir un impact sur le cycle menstruel. Les hormones sexuelles sont en partie produites dans les tissus adipeux et une quantité insuffisante de graisse corporelle peut entraîner une perturbation hormonale. Les femmes ayant un faible pourcentage de graisse corporelle peuvent donc présenter des irrégularités menstruelles, voire une aménorrhée (absence de règles).

Facteur n°4 : le sport choisi

Tous les types d'exercices physiques n'affectent pas de la même manière le cycle menstruel. Certaines études suggèrent que les sports à impact élevé, tels que la course à pied, peuvent avoir un impact plus important sur les règles. “Cela concerne essentiellement les sports où l’on va retrouver une faible masse grasse et une tendance au déficit énergétique pour maintenir une silhouette filiforme et agir ainsi sur la composition corporelle (gymnastique, patinage artistique, sports dits esthétiques), les sports d’endurance où l’on développe la masse maigre aux dépens de la masse grasse, les sports qui débutent avant la puberté sont aussi concernés”, peut-on lire dans les résultats d’une étude menée sur 400 sportives de haut niveau par le département médical de l’INSEP en 2007, “La fréquence des aménorrhées est variable, elle est plus importante chez les danseuses (34% à 79%) et dans certains sports d’endurance - comme chez les marathoniennes (26%) - et est plus faible dans les sports dits portés comme la natation, avec 12% d’aménorrhée en moyenne”.

Facteurs annexes : l’environnement de l’athlète

Outre l'intensité de l'exercice et la composition corporelle, d'autres facteurs peuvent également influencer le cycle menstruel des femmes sportives. Les facteurs tels que le stress psychologique, le manque de sommeil, les changements de poids rapide et les troubles de l'alimentation peuvent également jouer un rôle dans les irrégularités menstruelles. Une alimentation inadéquate ou un apport calorique insuffisant peuvent perturber les niveaux d'hormones et affecter le fonctionnement normal du cycle menstruel.

L'alimentation joue un rôle crucial dans le maintien d'un cycle menstruel sain. Une alimentation équilibrée et adaptée à vos besoins individuels est essentielle pour fournir à votre corps les nutriments nécessaires au bon fonctionnement hormonal. Assurez-vous de consommer suffisamment de calories pour répondre aux exigences énergétiques de votre activité physique. Travailler avec un·e dététicien·ne-nutritionniste peut vous aider à y parvenir.

Et donc, je dois m’inquiéter, docteur ?

Bon, l'absence de règles chez les personnes sportives n'est pas nécessairement anormale. Cependant, il est essentiel de trouver un équilibre entre activité physique et santé reproductive, puisque l’absence de règles, si elle est due à un déséquilibre hormonal provoqué par une surcharge sportive, peut affecter cette dernière. “Si vous remarquez des changements significatifs dans votre cycle menstruel ou une absence prolongée de règles, il est recommandé de consulter un·e professionnel de la santé”, précise ainsi Adrien. Mieux vaut prévenir que guérir !

Prendre des mesures pour maintenir une bonne santé hormonale est toujours une bonne idée (j’adore enfoncer des portes ouvertes, c’est ma petite discipline olympique perso). Cela peut inclure l'adaptation de votre routine d'entraînement, l'augmentation de votre apport calorique, une attention plus particulière portée à votre gestion du stress et la remise en place au besoin d’une alimentation équilibrée. Chaque personne est unique et il est crucial d'écouter votre corps et de trouver l'équilibre qui fonctionne le mieux pour vous.

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Le syndrome de la triade de l'athlète féminine

Dans certains cas, l'absence de règles chez les femmes sportives peut être le signe d'un trouble appelé “syndrome de la triade de l'athlète féminine”. Ce syndrome est caractérisé par une combinaison de trois conditions interdépendantes : la disponibilité énergétique, la faible densité osseuse et l'absence de menstruations

Reconnaître et de traiter ce syndrome est capital, puisqu’à long terme, celui-ci peut avoir des conséquences graves sur la santé.

Disponibilité énergétique et troubles des conduites alimentaires

Les athlètes, en particulier celles et ceux pratiquant des sports dans lesquels la pression pour maintenir un poids bas est élevée, peuvent être plus susceptibles de développer des troubles des conduites alimentaires (TCA) tels que l'anorexie, la boulimie ou, par extension, la bigorexie.
 
Trop d'exercice intense et de pression pour maintenir un poids bas peuvent avoir des répercussions négatives sur votre santé physique comme mentale. On vous en parle notamment ici. Il est important de respecter les signaux de votre corps et de vous reposer adéquatement pour permettre une récupération optimale. Peu importe le poids affiché sur votre balance, celle-ci ne vous dit pas tout de votre santé globale. D’ailleurs, on a aussi écrit sur ce sujet

Les comportements restrictifs alimentaires ou les cycles de restriction suivis de boulimie peuvent perturber le fonctionnement hormonal normal, conduisant à l'absence de règles. Comment ? En perturbant la disponibilité énergétique de l’athlète en question. “La… quoi ?” La disponibilité énergétique de l’athlète, directement tirée de ses apports caloriques. Si ceux-ci sont trop bas, l’athlète aura plus de difficultés à garder le rythme de ses entrainements, et son corps passera en mode survie. Et il coupe quoi, le corps, quand il passe en mode survie ? BINGO, la fonction “reproduction” et donc ciao les menstrues.

Faible densité osseuse

Le deuxième aspect de la triade concerne la faible densité osseuse, également connue sous le nom d'ostéopénie ou d'ostéoporose. Lorsque les sportif·ves menstrué·es en temps normal ont une faible teneur en graisse corporelle et des niveaux d'œstrogènes bas, cela peut entraîner une diminution de la densité minérale osseuse. “Les os deviennent plus fragiles et plus susceptibles de se fracturer”, précise Adrien, “Si la triade de l'athlète féminine n'est pas traitée, cela peut entraîner des problèmes osseux à long terme, y compris l'ostéoporose précoce”. D’où l’importance d’un bon suivi médical dans votre pratique sportive, qu’elle soit de haut niveau ou non !

L’aménorrhée

Le troisième aspect de la triade concerne l'absence de menstruations ou aménorrhée de son petit nom. Lorsque les niveaux d'œstrogènes sont bas en raison de facteurs tels que troubles alimentaires et faible teneur en graisse corporelle, cela peut perturber la régulation hormonale et supprimer l'ovulation. L'absence de règles peut être un signe indiquant que le corps est en déséquilibre.

Quand faut-il consulter ?

Il est important de reconnaître les signes de la triade de l'athlète féminine et de prévenir et traiter ce syndrome. Si vous êtes une personne sportive et que vous constatez une absence de règles ou un dérèglement dans celles-ci, il est essentiel de consulter un·e professionnel·le de santé. Il ou elle pourra alors évaluer votre situation, poser un diagnostic précis et recommander un traitement approprié.

Le traitement de la triade de l'athlète féminine implique généralement une approche multidisciplinaire : consultation d'un·e diététicien·ne-nutritionniste pour rétablir un apport calorique adéquat et une alimentation équilibrée, collaboration avec un·e thérapeute pour traiter les troubles alimentaires sous-jacents et ajustement du programme d'entraînement pour réduire l'intensité et permettre une récupération adéquate”, détaille Adrien, “Dans certains cas, une thérapie hormonale peut également être envisagée pour rétablir les niveaux d'œstrogènes et stimuler le retour des règles”.

De plus, la gestion du stress est un élément important pour maintenir un certain équilibre hormonal. Le stress chronique peut perturber la régulation hormonale et avoir un impact sur votre cycle. Trouvez des stratégies qui fonctionnent pour vous afin de réduire le stress, que ce soit par le biais de la méditation, du yoga, d’une bonne vieille thérapie ou de toute autre méthode de gestion du stress. Prenez le temps de vous détendre et de vous ressourcer.

L'importance de l'équilibre et du suivi médical

Que vous soyez menstrué·e ou non, trouver un équilibre entre pratique sportive et santé est primordial. Ici, on parle de santé reproductive et les hormones en jeu au sein de celle-ci ont leur rôle à jouer dans votre forme physique globale. Bien que certains changements menstruels puissent être considérés comme normaux dans le contexte d'une activité physique intense, prêter attention à tout signe de déséquilibre et consulter un·e professionnel·le de santé en cas de préoccupations n’est jamais une mauvaise idée !

L'équilibre entre le sport et la santé reproductive est essentiel pour une vie saine et épanouissante. Pensez-y lors de vos prochaines crampes menstruelles (bon, ça ne les fera pas disparaitre, mais ça aide à mieux les tolérer) !

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Val

Journaliste - rédactrice web

Journaliste société, passionnée de réseaux sociaux (la Twitter fever, tu connais) et de sport. À mes heures perdues, on me retrouve sur une barre de pole dance ou sous la barre de hip thrust, ça dépend des jours.

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