Peut-on et comment faire du sport avec des courbatures ?

Oui, remettons un peu de contexte dans tout ça. Comme l'explique très précisément Martin : "Les courbatures sont un phénomène d'adaptation musculaire normal et physiologique." Il ajoute : "On entend souvent dire que les courbatures, ce sont des microlésions dans le muscle, mais ce n'est pas tout à fait exact, il s'agit plutôt des conséquences de ces microlésions."

Mais alors, par quoi sont-elles provoquées ?

"Les courbatures sont essentiellement liées à un travail musculaire excentrique de contraction des muscles”, explique le kinésithérapeute. C'est donc cette modalité de contraction particulière des muscles qui crée des microlésions. Martin ajoute tout de même : "Bien sûr, les modalités de contractions concentriques à haute intensité peuvent également être source de courbatures."

Et après, qu'est-ce qui se passe ?

Le kinésithérapeute explique : "Les microlésions vont entraîner le déclenchement d'un processus inflammatoire, notamment par la stimulation de différentes protéines. Ce phénomène inflammatoire va provoquer un gonflement musculaire, une augmentation de la chaleur et une hyperstimulation de différents capteurs (ndlr : nociceptif ou proprioceptif, mais ne vous encombrez pas trop la tête avec ces termes). Ces capteurs étant perturbés, le moindre mouvement est susceptible de provoquer une douleur lors de sa contraction." Ceci explique cette sensation fort désagréable au moment de s'asseoir ou de se relever des toilettes le lendemain ou surlendemain d'une bonne séance axée fessiers et squats. Celles et ceux qui savent, savent.

Ainsi, plus le travail excentrique est important, à savoir au-delà des habitudes de travail musculaire, plus le phénomène inflammatoire prend du temps pour se mettre en place et, en cascade, plus les courbatures sont longues à arriver et fortes. À l'inverse, généralement, plus les courbatures sont petites, plus elles sont rapides à arriver. La plupart du temps, elles apparaissent d'ailleurs 6 à 8 heures après l'effort.

Enfin, notez que les courbatures, ce n'est pas que la douleur. "Si ces sensations désagréables peuvent durer 2 à 3 jours, il y a aussi des perturbations proprioceptives, des déficits de force engendrées par ces courbatures qui peuvent, elles, durer 10 à 15 jours. Il y a donc un moment où les courbatures ne sont plus douloureuses mais toujours présentes", comme l'explique Martin Barrillon.

"Il n'y a pas une seule réponse à ce sujet", m'explique le kinésithérapeute (comme très souvent en matière de sport et de santé d'ailleurs).

En fait, en fonction de ce que chacun·e cherche à renforcer, il est possible de très bien travailler sans avoir de courbatures et inversement. Tout dépend de l'objectif de l'entraînement.

Il ajoute : "Si l'on prend l'exemple d'une séance d'endurance fondamentale dans le cadre d'une préparation marathon ou semi-marathon, celle-ci a des objectifs particuliers, comme le développement de certaines capacités d'endurance pour être capable de tenir sur la distance sans accumuler de fatigue, etc. Si vous décidez finalement de la remplacer par une grosse séance de fractionné avec beaucoup d'intensité au point d'avoir ensuite des courbatures, alors là, vous n'avez pas bien travaillé. Tout simplement parce que ce n'était pas l'objectif de votre séance."

"Si l'on est plutôt sur un travail musculaire et que l'on veut progresser, tout dépend de ce que les sportif·ves recherchent : s'il s'agit d'un gros choc musculaire, la grosse phase de travail entraîne des courbatures qui donnent l'impression d'avoir bien travaillé, d'accord.
Simplement, le problème, c'est qu'ils et elles auront du mal à refaire une séance quelques jours plus tard", précise le kiné.

En bref, "les courbatures, ce n'est pas forcément mauvais, cela signifie simplement que nous sommes sorti·es de notre zone de confort, or ce n'est pas toujours l'objectif, ni ce que l'on doit rechercher à chaque séance" et donc, pas un indicateur d'une séance réussie. Aussi, "avoir des petites courbatures, ce n'est pas gênant du tout, c'est simplement qu'on a été plus loin que nos séances habituelles et, pour ça, le corps est capable de s'adapter. Mais pour cela, il faut lui donner le temps et les capacités de le faire". Ainsi, "avoir des grosses séances inhabituelles et irrégulières qui perturbent l'organisme pendant plusieurs jours avec de grosses courbatures, ce n'est pas forcément très intéressant."

L'idéal, donc ? Une montée en charge progressive qui laisse le temps au corps de s'adapter et ainsi de progresser.

En cas de doute, n'hésitez pas à vous orienter vers un·e coach sportif ou un·e kinésithérapeute du sport pour recevoir des conseils adaptés et personnalisés à votre profil et à votre pratique.

"Oui", répond Martin. C'est d'ailleurs ce qu'il constate auprès de certain·es de ses patient·es. Il explique : "Il n'y a pas forcément d'explication à cela, mais il y a en effet une certaine sensibilité aux courbatures, comme il y a certaines personnes qui vont être plus sensibles au développement musculaire, à la perte ou prise de poids etc." Il s'agirait donc finalement d'une question de métabolisme et de physiologie.

"Courbaturé, le muscle est en état de reconstruction : refaire une séance intense par-dessus, ce n'est pas forcément une bonne idée. Par exemple, si vous avez des grosses courbatures au niveau des membres inférieurs et que vous avez un match de foot, rugby ou tout autre sport pivot, ce ne sera pas très bon à cause des perturbations proprioceptives que les courbatures entraînent, ce qui augmente le risque de blessure”, souligne le kiné.

"En revanche, sur des petites courbatures dont on évalue la douleur à environ 3/10, c'est beaucoup moins embêtant de continuer à s'entraîner !" Simplement, il vous faudra dépasser un certain inconfort.

C’est d’ailleurs une bonne idée de solliciter un autre groupe musculaire lors de votre prochaine séance.

Et côté performance alors ? "Les grosses courbatures entraînent une perte de force maximale et donc une perte de force globale, d'où le manque d'intérêt d'aller chercher et provoquer les grosses courbatures", poursuit le kiné.

À savoir également, "pendant longtemps dans la littérature, on pensait que les courbatures étaient synonymes d'un important développement musculaire, mais aujourd'hui, nous ne sommes a priori pas capables d'affirmer qu'il y a un lien entre intensité des courbatures et capacité de développement musculaire".

Courbaturé·e, vous pensez alors à faire une séance de yoga ou de stretching pour vous soulager ? C'est d'ailleurs souvent l'un de nos premiers réflexes. Pourtant, comme l'explique Martin Barrillon,  "les étirements, surtout s'ils sont inhabituels, sont aussi facteurs de courbatures, ce n'est donc pas toujours la meilleure idée". Il ajoute : "En revanche, certains sports portés comme la natation sont des sports intéressants pour apaiser les courbatures et mieux récupérer."

Et le froid alors ? "Pendant longtemps, on a dit que le froid était bon. En effet, il aide à moins ressentir les courbatures, car il diminue les afférences nerveuses, mais il freine aussi le métabolisme et la réparation musculaire. De plus, aujourd'hui, nous savons aussi que la chaleur favorise une meilleure cicatrisation musculaire avec des fibres musculaires de meilleure qualité et un volume plus important."
En voilà donc une bonne excuse pour vous faire une petite séance sauna ou prendre un bon bain chaud après votre séance...

Je vais peut-être vous décevoir, mais il n'y a pas de remède miracle.

L'idéal ? Une bonne récupération avec un bon sommeil, une bonne hydratation, une bonne nutrition et de bons apports en protéines. Les bases finalement.

Ensuite, le rouleau de massage juste après la séance est aussi une bonne astuce. "Il permet d'augmenter le seuil de tolérance à la douleur et de faire moins sentir la douleur des courbatures par la suite", explique Martin. Une question de ressenti, donc.