Expression, identité, culture : tout savoir sur le voguing

Ces dernières années, le voguing gagne à nouveau en popularité. À la découverte de cette danse urbaine aux origines communautaires fortes.

Pratique encore méconnue en France, le voguing monte en puissance : zoom sur une danse qui repose sur une vraie communauté.

Aux origines de cette danse urbaine

D'où vient le voguing ? Qui l'a créé ?

Pour la petite histoire, si le voguing tel qu'on le connait nous vient tout droit de Harlem (New York, États-Unis) et des 70's, on trouve les premières traces de bals noirs dans les années 20. Cette discipline trouve ses racines dans ces premières ballrooms et prend de l'ampleur jusqu'à son succès dans les années 70 à 90, et à nouveau depuis les années 2010. 

Danse d'inspiration urbaine, la discipline a ses codes stricts, sur un fond politique indéniable qu'il doit notamment à ses origines. Impossible d'évoquer cette danse sans se plonger dans la communauté LGBT+. Nous sommes en 1969, le 29 juin, et devant le Stonewall Inn – rare bar situé à Greenwich Village accueillant les personnes gays, lesbiennes et/ou trans – se prépare un tournant capital dans l'histoire des communautés LGBT+.

Alors qu'on annonce un raid de la police, la population du bar choisit de se révolter, de revendiquer son droit à exister et à profiter des bars comme tout un chacun. Trois jours d'émeutes suivront cette soirée, et donneront naissance à la toute première marche des fiertés.

Le voguing tire ses racines de ces revendications et des souffrances encore endurées par les membres de la communauté LGBT+, mais également de leurs fiertés. On le doit aux communautés drags, gays, trans (ndlr : personnes dont l'identité de genre diffère du genre attribué à la naissance), afros et latinos qui, face aux discriminations et à la précarité subies, choisissent d'exprimer leur féminité et les émotions (positives ou négatives) qui les submergent dans un enchainement de mouvements qui rappellent les poses des mannequins du magazine de mode Vogue

Pourquoi ce magazine ? Tout simplement parce qu'à l'époque, il est érigé en véritable Bible de la féminité par la société. Qui plus est, un magazine se passe de main en main à moindre coût, et les communautés à l'origine de cet art ne croulent alors pas sous les richesses.

Hommes, femmes : le voguing, c'est genré ?

La féminité tient une part importante dans cette discipline, mais cela ne veut pas dire que cette danse se trouve réservée aux seules femmes. Chacun·e est libre d'y exprimer sa féminité. Cette danse puise son histoire dans une culture gay et trans, noire et hispanique forte, et naît en réponse aux discriminations vécues par les membres directs de cette communauté. C’est pourquoi la vaste majorité des danseur·euses sont, encore aujourd’hui, issu·es de ces communautés avant tout.

Old Way, New Way, Vogue Fem : les évolutions du voguing

On trouve trois grands mouvements dans cette danse :

  • Old way : c'est la toute première forme. Anciennement appelée "pop, dip & spin", l'Old Way, dans le voguing, se base sur la linéarité des mouvements, la précision des mouvements et la symétrie. Ce style est aujourd'hui vu comme un véritable socle de développement des versions New Way et Vogue Fem de cet art.
  • New way : dans le New Way viennent s'inclurent des notions de contorsion et de souplesse. Les mouvements sont plus poussés, la maîtrise de ceux-ci est finement travaillée.
  • Vogue Fem : la féminité tient un rôle tout particulier dans le Vogue Fem. L'apparence et les mouvements viennent exacerber l'expression de genre féminin du ou de la danseur·euse. Le Vogue Fem tire ses inspirations de nombreuses danses annexes, et connait deux styles : le style "dramatique", rapide avec des torsions impressionnantes, et le style dit "soft & cunt" qui met l'accent sur la grâce et la beauté des femmes via de lents mouvements travaillés et sensuels.

Gainage, souplesse et force : c'est du sport !

Pour qui n'a jamais posé le pied dans un cours de voguing, il peut être difficile de s'imaginer le caractère sportif de cette discipline. Pourtant, à la fin d'un cours donné, l'état des danseur·euses ne laisse que peu de doute sur la question : respiration saccadée, fronts et décolletés perlés de transpiration… Autant de preuves d'un effort important. Ce n'est pas franchement étonnant, puisque les mouvements et l'effort demandé dans cette danse font appel à un gainage presque constant, à une souplesse travaillée et à une force musculaire un minimum développée.

Identités, catégories, éléments, houses... : petit lexique

Voici quelques mots de vocabulaire fort utiles pour mieux comprendre cet univers, ainsi que ses codes et pratiques.

L'univers du voguing

  • Le voguing ou vogue dance : c'est le nom de la danse en question. Il vient tout droit du magazine de mode Vogue, perçu à l'époque comme un symbole de féminité via ses mannequins, leurs tenues et leurs poses.
  • Les ballrooms : "salles de bal" en français, c'est le lieu où prennent place les compétitions et rencontres.
  • Kiki scenes/kiki balls et major scenes/major balls : créés à destination des plus jeunes voguers et vogueuses, les kiki scenes et kiki balls sont réputés plus accessibles et moins compétitifs que les major balls, réalisées en major scene, adressés aux performeur·euses plus experimenté·es.
  • Les houses et leur mother, father et kids : comme une sorte de clan, elles sont les familles de substitution choisies par les danseur·euses qui les composent. Elles possèdent des chef·fes de maison, appelées mother et/ou father. Les kids de ce foyer reçoivent de leur mother et/ou father tout le savoir et l'accompagnement nécessaire à leur évolution dans le monde de cette discipline. Les différentes maisons s'affrontent ensuite lors des balls. Parmi les plus connues à travers le monde, vous trouverez donc la House of Icon, House of LaBeija ou encore, en France, la House of Ninja, dirigée par Mother Lasseindra Ninja.
  • Les Tens : note attribuée par le jury des balls, au moyen de leurs dix doigts.
  • Les LSS, pour “Legends, Statements and Stars” : cérémonie d'ouverture des balls, où les participant·es sont présenté·es selon leur ancienneté dans la discipline. Les Legends sont reconnu·es pour leur ancienneté dans le milieu, les Statements doivent quant à elles et eux avoir marqué leur catégorie et gagné des balls tout en étant impliqué·es dans l'environnement. Enfin, les Stars doivent avoir gagné un minimum de major balls.
  • Les 007 : ce sont les danseur·euses sans maison attitrée.

Les mouvements et poses

  • Les hands : bras, mains et poignets sont sollicités pour réaliser des mouvements spécifiques lors des performances. Les hands servent à raconter une histoire et exprimer des émotions.
  • Le floor : enchainement de mouvements réalisés au sol. Ils trouvent la même origine que le floor work en pole dance.
  • Le catwalk : les participant·es arpentent la scène à la manière des mannequins en accentuant les mouvements de hanches. Résultat : le roulement de hanches rappelle la démarche élégante des félins.
  • Le duckwalk : pas inspiré de la démarche des canards, le roulement de hanches est le même que pour le catwalk. Petit twist non négligeable : cette démarche est réalisée presque accroupi·e, rendant le déplacement plus difficile, et le gainage, nécessaire.
  • Le spin & dip : c'est le fait de réaliser une rotation avant de tomber au sol sur le dos, en relevant la poitrine, une jambe pliée, une jambe tendue et relevée. Le spin & dip marque la fin de l’histoire racontée par le ou la danseur·euse. Tous ces éléments permettent aux danseur·euses d’effectuer leur freestyle en mode “question-réponse” face à leurs adversaires : un·e danseur·euse effectue une première série de pas et poses, et un·e deuxième lui répond par un nouvel enchainement de mouvements, jusqu’à l’élimination de l’un·e d’entre eux ou elles.

Les "Réputations"

Ici, la hiérarchie tient une place importante. Pour gravir les échelons de la discipline, vous devrez vous confronter à d'autres membres de la communauté lors de ballrooms, et -peut être- marquer l'histoire de la pratique. Les différents titres accompagnent le nom de scène du ou de la danseur·euse. On parle donc de :

  • Virgin : si c'est votre toute première fois dans l'une des catégories du voguing, vous serez alors qualifié·e de "Virgin".
  • Ruler : si vous avez remporté plusieurs prix dans la même catégorie, vous êtes alors un·e "Ruler".
  • Legend : là, ça devient du sérieux. Pour gagner ce titre, il vous faudra faire preuve de patience et de persévérance dans votre pratique : seul·es les danseur·euses connu·es de toute la communauté des ballrooms et dont le talent ne fait plus un doute pourront prétendre à ce titre.
  • Icon : un cran au-dessus des Legends, les Icons ont véritablement marqué l'histoire de la discipline par leur talent et leur implication dans la culture. Ce titre se gagne par le temps et la réputation que l’on peut acquérir dans les catégories.

Val

Journaliste - rédactrice web

Journaliste société, passionnée de réseaux sociaux (la Twitter fever, tu connais) et de sport. À mes heures perdues, on me retrouve sur une barre de pole dance ou sous la barre de hip thrust, ça dépend des jours.

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