Témoignage : Aurélien Sanchez, finisher 2023 des Marathons de Barkley

Témoignage : Aurélien Sanchez, finisher 2023 des Marathons de Barkley

À 32 ans, le Toulousain et ingénieur en électronique Aurélien Sanchez fait désormais partie des 15 finishers de la mythique Barkley. Il a terminé cet ultra-trail à la difficulté phénoménale en 58h et 23 minutes.

Six années de préparation auront été nécessaires pour qu’Aurélien Sanchez inscrive son nom dans l’histoire de la Barkley. Familier des exploits sportifs, le Français a une fois de plus mis l’hexagone à l’honneur en mars 2023.

Les Marathons de Barkley, qu’est-ce que c’est ?

Certaines personnes (comme moi, par exemple) crachent leurs poumons en montant les escaliers (j’y travaille, on ne juge pas). D’autres (comme Aurélien) se lancent des challenges qui relèvent pratiquement de l’impossible pour le commun des mortels. “Chacun sa morning routine”, me direz-vous, et je vous répondrai que la mienne ne risque pas de changer de sitôt. Parlons plutôt de celle d’Aurélien, finisher 2023 des Marathons de Barkley, et seul Français en date à être venu à bout de l’ultra-trail le plus difficile au monde ! Accrochez-vous, ça va secouer.

La Barkley, c’est une course de 200 km composée de cinq boucles de 40 km chacune, avec 20 000 mètres de dénivelé positif (donc plus de deux fois le mont Everest, histoire de vous donner un peu le vertige), à faire en moins de 60 heures (rien que de l’écrire, je suis déjà au bout de ma vie, alors imaginez courir ledit ultra-trail). Elle a lieu dans le parc de Frozen Head (Tennessee).

Pour l’histoire, la Barkley a été pensée par Gary « Lazarus Lake » Cantrell, aidé de son ami Karl « Raw Dog » Henn. Elle s’inspire de la cavale de James Earl Ray, l’assassin de Martin Luther King Jr. Alors que celui-ci parvient à arpenter 13 km en 55 heures, le créateur de la Barkley se serait dit - selon la légende- : « Moi, franchement, j’aurais fait 160 km ». En 1986, la première édition de la Barkley voit ainsi le jour, avec 13 participants sur la ligne de départ.

Autant vous dire que cet ultra-trail a un petit goût d’impossible, en témoigne également son faible taux de réussite : 1% des participant·es parviennent à en voir le bout dans les temps impartis. En 36 ans d’existence, seules 15 personnes ont réussi cet exploit, et le Français Aurélien Sanchez en fait désormais partie.

La Barkley : un petit goût de Kamoulox… Et d’enfer !

Pour comprendre le principe de la Barkley, on vous conseille de :
• Poser un RTT
• Poser votre cerveau
• Poser votre instinct de survie

Pour ce qui est du nom, il est directement tiré d’un fermier, voisin de Gary « Lazarus Lake » Cantrell et partenaire de course du créateur.

Côté frais d’inscription, attention à la ruine : ils s’élèvent à… 1,60 dollar. « Au cas où vous n’auriez pas encore compris, on fait ça pour l’argent », peut-on lire sur le site web de la Barkley. On souffre, à la Barkley, mais on rit aussi, visiblement. Si votre candidature est retenue, trois cas de figure s’imposent alors :
• c’est votre première fois sur le parcours : vous devrez offrir une plaque d’immatriculation de votre lieu de résidence (pourquoi ? Aucune idée et de rien pour l’info)
• vous avez déjà concouru, sans finir la course : vous devrez alors céder une paire de chaussettes bleues ou noires, au choix (idem)
• vous avez déjà concouru et faites partie des finishers : vous devrez alors amener un paquet de cigarettes d’une marque bien précise (idem)

… Rassurez-vous, moi non plus, j’ai pas tout compris.

Sur le parcours, pas de centre de secours, ni de balisage. Pas d’horaire de départ précis non plus, puisque celui-ci peut être annoncé à tout moment, entre minuit et midi le premier jour de la course. Quant aux boucles, certaines s’effectuent dans un sens, puis les suivantes dans l’autre, histoire de rajouter encore un poil de difficulté (juste pour le plaisir… de souffrir).

S’il faut finir les cinq boucles en moins de 60 heures, le challenge ne s’arrête pas vraiment là. Chaque boucle doit être terminée en un temps bien précis : moins de 12h pour la première, 24h pour deux, 36h pour trois, 48h pour quatre, etc. Si vous parvenez à finir les trois premières boucles en moins de 40h, mais plus de 36h, vous serez alors considéré·e comme finisher de la « Fun Run » (pour info, on cherche toujours le fun, ici), à condition d’obtenir une moyenne de moins de 13 h 20 min par boucle. Franchement, vu mon niveau en math, rien que ça, c’est un no-go pour moi.

Si le mystère autour de la Barkley, ses mises en scène et ses difficultés continuent de fasciner les sportif·ves aux quatre coins du globe, voilà de quoi assouvir votre curiosité : on a posé quelques questions à Aurélien Sanchez, finisher 2023 de cette course mythique, et voici ses réponses !

Témoignage : Aurélien Sanchez, finisher 2023 des Marathons de Barkley
Témoignage : Aurélien Sanchez, finisher 2023 des Marathons de Barkley

Candidater à la Barkley

Pour participer aux Marathons de Barkley, encore faut-il être sélectionné·e. Eh oui, pour fouler le parcours de cette course aussi mythique que mystique, il vous faudra envoyer une lettre de motivation à Gary « Lazarus Lake » Cantrell, son fondateur.

Entretien avec Aurélien Sanchez, finisher 2023 des Marathons de Barkley

Visualisation, dépassement de soi et concentration optimale sont les mots-clefs d’Aurélien Sanchez. Tout au long de sa préparation et durant la Barkley, le Français, à présent finisher de cet ultra-trail mythique, n’aura eu qu’un seul objectif : atteindre la barrière jaune sous la barre imposée des 60 heures.

↪ À quoi ressemblent les Marathons de Barkley ? En quoi cette course diffère-t-elle de tes précédents trails ?

C’est une course hors sentier principalement, non balisée. Le balisage, ce sont juste des checkpoints, des livres (une dizaine à chaque boucle) dont on doit arracher les pages qui correspondent à notre numéro de dossard, que l’on change à chaque boucle.

Le sentier étant non balisé, on est en autosuffisance tout au long du parcours : on gère sa nourriture, son sommeil, l’orientation. Le seul ravitaillement disponible se situe entre chaque boucle, et les barrières horaires sont telles qu’on a assez peu le temps de dormir.

Toutes ces variables en font une aventure sportive compliquée. Ça faisait six ans qu'il n'y avait pas eu de finisher, et quand il y en a, ça rend la chose d'autant plus belle. Quand on réussit malgré tout à tenir, c'est un accomplissement dont on est assez fier. On vit beaucoup d'émotions avec les autres coureur·euses sur la course, parce que c'est un événement très atypique, avec une petite communauté qui est véritablement magique.

“On vit beaucoup d'émotions avec les autres coureur·euses sur la course, parce que c'est un événement très atypique, avec une petite communauté qui est véritablement magique”

↪ Comment en vient-on à se dire « ok, je me lance, je candidate à la Barkley » ?

Pour moi, La Barkley représente le défi ultime. Je savais que j'allais vraiment me remettre en question et être challengé, sortir de ma zone de confort et en apprendre plus sur moi-même. 

J'ai commencé par la randonnée aux États-Unis, et à force de faire de longues randos, j'ai voulu me donner un objectif particulier : la Barkley. Je voulais déterminer à quel moment je pouvais échouer, quelles étaient mes limites, et jusqu’où je pouvais aller sur les plans physique, orientation, nutrition, gestion du sommeil… Bref, à tous les niveaux !

↪ Comment as-tu tourné ta lettre à Gary Cantrell, pour passer cette phase de sélection ?

J’ai surtout mis en avant l’aspect résilience, la persistance, le fait que je voulais faire ça depuis six ans. J’ai voulu montrer que j'attendais mon tour, que j'étais patient et passionné de sport et reconnaissant… Plein de mots comme ceux-là, pour lui montrer à quel point c'était un projet qui me tenait à cœur.

↪ Comment se prépare une telle aventure ? Entrainement, nutrition… À quoi doit-on être vigilant·e ?

Oui, je me suis focalisé sur le volume, en termes de préparation physique. Niveau entraînement, c’est beaucoup de volume de kilomètres et de dénivelés sur deux mois non-stop. Je me suis notamment entraîné avec Guillaume Calmettes, un autre Français candidat à la Barkley.

Côté préparation logistique, il faut penser à bien acheter le matériel dont on a besoin, pas plus, pas moins. Il faut également prévoir une préparation sur la carte, s'approprier le parc, connaître chaque rivière, chaque sentier, où on se trouve, etc. Il faut aussi connaître l’histoire de la course, les rapports de course des coureur·euses (ndlr : les notes, retours d'expérience des ancien·nes coureur·euses), des finishers, des non-finishers… Et tout ça, par cœur ! Et ça, ce sont aussi des heures de travail.

↪ Je suppose que le mental joue également pour beaucoup dans cette course. As-tu travaillé cette facette dans ton entrainement avant les Marathons de Barkley ?

Oui, j’ai travaillé cet aspect directement et assez naturellement, sans trop me forcer. Après, je fais beaucoup de visualisation de mes objectifs, de tous les scénarios qui sont envisageables : mauvaise météo, je me perds sur la course, il faut que je retrouve un chemin, etc. Je visualise tout ça pour être sûr que le jour J, je n'aurai pas trop de surprises malgré tout, même si on sait qu’il y en aura toujours.

Après, j'étais prêt dans tous les cas à me lancer dans cette aventure, donc c’est venu assez naturellement, cette préparation mentale.

↪ Justement, côté mauvaises surprises, en as-tu rencontrées sur le chemin de la Barkley ?

Des mauvaises surprises, il y en a eu deux. D’abord, le fait de ne pas pouvoir terminer avec Guillaume. Ensuite, le fait de se perdre. Après, ça, c’était prévu, et à chaque fois, on a fait des erreurs de 15-20 minutes maximum.

Pour le reste, en vrai, ça s'est plutôt bien passé, voire même : ça s’est très, très bien passé.

↪ S’il ne fallait en retenir qu’un, quel serait l’aspect le plus difficile de cette course ?

C'est compliqué ! Moi, je dirais l'orientation sur cette année-là. Il faut vraiment s'approprier le parcours, éviter de perdre sa lucidité lorsqu'on fait des erreurs parce que ce n'est pas balisé, parce que c'est du hors sentier… Ce n’est vraiment pas gagné, et il faut être concentré non-stop.

On reçoit le parcours la veille. Il évolue un petit peu tous les ans, mais il reste sensiblement le même. On bénéficie donc énormément de l’expérience des vétérans de la Barkley (ndlr : celles et ceux qui ont déjà arpenté le parcours de la Barkley par le passé). Donc, on s'appuie sur eux, on étudie le parcours, et on apprend sur le terrain, quand on est dans la course.

↪ Quand on a fini la Barkley, à quelle course rêve-t-on encore ?

La Chartreuse Terminorum, version française de la Barkley (ndlr : 300 kilomètres pour 25 000 mètres de dénivelé positif) ! Personne ne l’a finie depuis six ans, et je trouve que c’est un sacré défi. On se demande s’il est possible de la terminer ou non… Donc c’est ce que je vais faire en juin prochain ! 

Ce seront mes deux seules courses cette année. Le reste du temps, je compte le consacrer à mes proches.

Témoignage : Aurélien Sanchez, finisher 2023 des Marathons de Barkley
Témoignage : Aurélien Sanchez, finisher 2023 des Marathons de Barkley

La Barkley en anecdotes

Pour annoncer le grand départ de la Barkley, pas de coup de feu ni de grands gestes, mais… une cigarette ! Le départ est effectif lorsque Gary « Lazarus Lake » Cantrell allume sa cigarette, une heure environ après un signal sonore effectué à la conque, sans annonce d’horaire de départ précis au préalable. 

C’est aussi ça, la Barkley : des mises en scène, du mystère, un flou constant qui plonge les participant·es dans une atmosphère tout à fait particulière. L’abandon de participant·es est annoncé à la trompette par la sonnerie aux morts.

Si vous aussi, l’ultra-trail vous fait de l’œil, on vous propose de consulter nos conseils dédiés en amont, histoire de tâter le terrain avant, peut-être, de vous lancer dans l’aventure de la Barkley. 

autrice de l'article

Val

Journaliste - rédactrice web

Journaliste société, passionnée de réseaux sociaux (la Twitter fever, tu connais) et de sport. À mes heures perdues, on me retrouve sur une barre de pole dance ou sous la barre de hip thrust, ça dépend des jours.

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