Si vous souhaitez savoir quand prendre de la créatine, vous êtes au bon endroit. Un médecin expert répond à toutes vos questions, sans tabou, sur le sujet.
Pour savoir quand prendre de la créatine sans risquer sa santé, nous avons interrogé un expert. Xavier Bigard, médecin du sport et spécialiste de la nutrition pour les personnes sportives, suit depuis 30 ans les effets de la créatine dans le champ de la performance sportive.
Le sujet de la créatine est sensible en France, mais pas spécialement dans le reste du monde. Alors, Xavier Bigard, médecin du sport et spécialiste en nutrition, met les pieds dans le plat. « La créatine n’est pas un produit interdit, en France comme ailleurs, et ça n’est pas non plus une substance dopante. »
Voilà qui est dit. Mais alors, qu’est-ce que c’est, et pourquoi prendre de la créatine ?
« La créatine est un composé naturel de l’organisme. Précisément, il s’agit d’un acide aminé que l’on trouve à 95 % du temps dans les muscles. Elle se présente sous forme de phosphocréatine dans le corps et constitue l’une des trois voies métaboliques utilisées par les muscles. »
Des trois… quoi ?
Avant d’aller plus loin, détaillons ce qu’est une voie métabolique. C’est un ensemble de réactions chimiques se déroulant à l’échelle d’une cellule.
Dans le cas des cellules musculaires, les réactions chimiques produisent de l’ATP (pour Adénosine Triphosphate). L’ATP représente l’énergie du muscle. Grâce à elle, la contraction musculaire est possible.
Allons un peu plus loin dans l’explication pour comprendre l'intérêt de la créatine. Il y a trois manières de produire de l’ATP. Chacune des trois voies métaboliques se caractérise sous la forme de puissance et d’endurance. Imaginez trois robinets d’eau pour les représenter, avec un débit et un réservoir différents :
● La première filière d’énergie est l’anaérobie alactique. Le robinet a un petit réservoir et un très gros débit. Il fournit donc de l’énergie pour des exercices de puissance sur des temps très courts, d’une dizaine de secondes, comme un départ de sprint ou un mouvement d’haltérophilie.
La phosphocréatine intervient à ce moment-là pour synthétiser l’ATP et donner de l’énergie aux muscles rapidement et intensivement.
● La seconde filière est l’anaérobie lactique. Après 10 secondes d'exercice, ce robinet se met en route pour fournir de l’ATP de manière plus diffuse, jusqu’à 5-6 minutes. Exemple d’activités physiques concernées : les sprints longs (400 mètres), la natation.
● La troisième filière s’appelle l’aérobie. À l’inverse, le débit est faible, mais la capacité du réservoir est importante. Tous les efforts physiques de plus de 6 minutes sont concernés par cette filière énergétique qui produit moins d’énergie, mais plus longtemps.
Maintenant que vous êtes incollables sur les filières, revenons à notre sujet. « Quand on prend de la créatine, on augmente les réserves en phosphocréatine, ce qui améliore notre capacité de contraction musculaire. Autrement dit, la créatine va servir à optimiser les aptitudes à réaliser un exercice de courte durée et de manière répétée, comme les répétitions de sprint. »
En gros, vous rechargez les batteries plus vite en ayant un apport supplémentaire de créatine. Donc vous renouvelez mieux l’effort.
La créatine est intéressante pour certains sports, mais pas tous. « Il est scientifiquement prouvé que la créatine améliore les performances de manière reproductible pour des exercices de moins de 30 secondes. Sur des exercices compris entre 30 secondes et 2 minutes, les résultats sont moins reproductibles et au-delà de 2 minutes 30 secondes, il n’y a aucun effet constaté. »
Pour les sports collectifs
Pour autant, la créatine est plébiscitée aussi en sports collectifs, dont les efforts dépassent largement les 10 secondes. L’explication réside dans la notion de répétition de l’effort « La dégradation de la phosphocréatine comme source d’énergie est intéressante pour toutes activités qui demandent des reprises de sprint. Dans un match de football, rugby, ou handball, les accélérations sont nombreuses et sont renouvelées un grand nombre de fois pendant le temps du match. »
Pour la musculation
Du côté des pratiquants de musculation, les effets de la créatine sur la prise de masse musculaire existent de manière indirecte. « C’est bien le travail de musculation qui va augmenter la masse musculaire. Mais comme vous avez plus de capacité à resynthétiser de l’ATP avec un apport en créatine, vous améliorez la puissance développée et le maintien de cette puissance. Et vous encaissez des charges de travail plus élevées en maintenant des répétitions à un niveau important plus longtemps. »
En résumé, la créatine ne développe pas la masse musculaire. Le muscle bénéficie d’une augmentation des charges à l’entraînement. On parle de réponse adaptative du muscle à l’entraînement, qui est plus complète avec une prise de créatine.
Le corps a un stock naturel de créatine. « C’est ce qui lui permet d’alimenter la voie de la phosphocréatine. Sans elle, nous aurions une contraction musculaire de très faible niveau. On pourrait à peine se déplacer dans la vie de tous les jours. »
Pour renouveler ce stock de créatine quotidiennement, notre expert en nutrition du sportif nous indique : « En moyenne, un adulte a besoin d’environ 2 grammes par jour de créatine. Le corps synthétise lui-même un gramme chaque jour, grâce à 3 acides aminés non essentiels qui se regroupent. Le deuxième gramme est apporté par l’alimentation. »
La majorité des réserves en créatine se trouve dans les muscles. Donc naturellement, on la trouve aussi dans les muscles au niveau alimentaire. « Les aliments riches en créatine sont la viande rouge, la viande blanche et les poissons. Il y en a un peu dans le lait et dans les œufs. Pas du tout dans les laits végétaux. Ce qui fait que les personnes végétariennes ont assez peu de réserves en créatine et peuvent avoir des difficultés à couvrir leurs besoins. Donc pour les sportifs·ves qui ont un régime alimentaire végétarien, il y a un vrai intérêt à les complémenter en créatine. »
Retenez l’importance d’avoir une alimentation saine, sans privilégier un régime alimentaire spécifique. « L’auto-synthèse de la créatine se fait par des acides aminés non essentiels que l’on trouve dans toutes les protéines alimentaires (pas spécifiquement dans les protéines animales). Les règles nutritionnelles de diversification des aliments (comme l’importance des légumes, des fruits, etc.) sont la base de la pyramide alimentaire. Elle est valable pour tout le monde et n’est pas spécifique ou essentielle à la couverture des besoins en créatine. »
Xavier Bigard nous explique qu’à partir de cette base, des compléments peuvent être identifiés et constituer une aide à la performance. Mais qu’il est inutile de commencer à doser tel ou tel complément sans une base alimentaire saine qui reste primordiale.
Si une supplémentation en créatine est identifiée chez un sportif ou une sportive à des fins de performance, l’apport se fait toujours par cure et il est suivi par une personne qualifiée. « On évite la prise de manière continue pour deux raisons : par précaution pour les fonctions rénales et par souci de performance. Pour avoir des résultats durables avec une substance, il est préférable de travailler par intermittence. »
Cela s’explique par la capacité du corps à s’adapter. Si la prise est continue, le corps s’habitue progressivement à avoir plus de créatine et au fur et à mesure du temps, les performances ont tendance à diminuer. Donc il n’y a pas d’intérêt pour la performance sportive.
Ces cures se réalisent en fonction de l’objectif sportif, par exemple, pour une phase de demi-finale et finale de coupe du Monde (ou de championnat de France). Les cures durent 3 à 4 semaines, voire 5.
La prise est quotidienne pendant les cures, jours de repos inclus. Peu importe que la créatine soit ingérée avant l'entraînement ou après la séance. « L’objectif est d’avoir des réserves au maximum le jour J, ou dans la période ciblée. », explique Xavier.
En cure, le dosage est de 20 grammes de créatine par jour pendant une semaine. S'ensuit une dose d'entretien de 3 à 5 grammes de créatine par jour le reste du temps. Ces dosages sont des moyennes pour un adulte, mais nécessitent l’aval d’un nutritionniste spécialiste du sport pour être adaptés individuellement.
Notre spécialiste précise : « Il est recommandé de prendre les 20 grammes / jour en 4 ou 5 fois. On évite la prise en une seule fois d’une grosse quantité. »
Cette dose de créatine est valable pour toute personne sportive qui souhaite améliorer sa performance dans un contexte précis. « Même si ces recommandations sont valables pour un sportif de haut niveau comme pour un compétiteur amateur, l’effet bénéfique de la créatine va surtout dépendre du sport pratiqué. Elle n’a aucun intérêt pour quelqu’un qui court un marathon, par exemple. »
Une prise de complément alimentaire doit être encadrée par un ou une professionnel·le qualifié·e, car elle n’est jamais sans risque.
« Les effets sur la performance physique sont visibles au bout de 10 jours. Ils durent le temps des doses d’entretien, pendant le reste de la cure. Une fois les doses de créatine arrêtées, les effets diminuent progressivement. »
Les impacts d’une prise de créatine se mesurent surtout à l’entraînement. « Par exemple, les performances se voient lorsque l’on chronomètre différentes séries de sprint lors de l’entraînement. »
D’ailleurs, les effets se voient plus rapidement chez un compétiteur classique que chez un·e athlète de haut niveau. Pour une personne qui démarre la compétition, sa réponse à l’entraînement va être beaucoup plus grande et son niveau de performance va augmenter plus rapidement qu’une personne très entraînée.
Physiquement, on ne voit pas les effets de la créatine sur la musculation « sauf si son utilisation est faite en-dehors du contexte décrit. » D’ailleurs, notre médecin expert différencie les incidences en matière de performance sportive et de volume musculaire.
Il explique que la sensation d’avoir des muscles plus gros est liée à un phénomène osmotique temporaire. « La créatine retient l’eau dans le muscle. Ce que l’on voit, c’est un sub-odème musculaire, pas une augmentation de la masse. »
Xavier Bigard connaît la créatine sous forme de poudre. « Elle est commercialisée sous le nom de créatine monohydrate. »
Voici ses recommandations pour sécuriser l’emploi de la créatine :
1. Proscrire l'achat de créatine sur internet.
2. Acheter le produit dans des magasins spécialisés « qui ont pignon sur rue, car ils ont des autorisations d’importation et de vente de produits en France qui limitent les risques. ».
3. Préférer des produits labellisés (type Sport Protect) ou répondant à la norme européenne NF EN 17444 de lutte contre le dopage. Cette norme vise à limiter la présence de substances dopantes, sans toutefois en garantir l’absence totale.
Les conseils donnés visent à éviter toute contamination des produits par des substances dopantes ET nocives pour la santé, comme les stéroïdes anabolisants. « Des études passées ont déjà révélé des contaminations croisées sur les chaînes de fabrication. Tout·e sportif·ve prend un risque en utilisant des compléments alimentaires. Il peut devenir minimal, en respectant les recommandations décrites, mais ne devient jamais nul. »
Dans tous les cas : « Je vous recommande de faire appel à un nutritionniste, spécialiste du sport pour être accompagné·e dans toute prise de complément alimentaire. »
Pour le reste, à l’heure actuelle, la communauté scientifique indique qu’il n’existe pas d’effet secondaire. « On peut craindre qu’une prise au long court de créatine puisse abîmer les reins. Aujourd’hui, des études sur 5 ans ont été menées, sans détecter d’anomalie rénale, suite à des prises raisonnables et raisonnées de créatine. »
Un grand MERCI au Docteur Xavier Bigard, médecin du sport et spécialiste de la nutrition des sportifs·ves, pour ses réponses à nos questions sur la supplémentation en créatine. Nous savons maintenant quand prendre de la créatine, mais surtout pourquoi et comment.
Retenez qu'une prise de complément alimentaire n’est jamais anodine. Si les études ne montrent pas d'effets secondaires, le danger de contamination des produits est réel. Il est donc fortement recommandé de faire appel à un nutritionniste, spécialisé dans le champ sportif, pour vous guider dans votre démarche.