Pourquoi j'ai tout le temps faim ?

"La faim est une sensation qui modifie nos comportements. Elle nous rend plus sensibles à la nourriture et nous incite à nous mettre en recherche de celle-ci pour ingérer des aliments qui vont nous apporter de l'énergie. C'est donc une sensation physiologique tout à fait normale", explique l'endocrinologue et physiologiste Martine Duclos.

Elle ajoute : "C'est une sensation qui peut être agréable comme désagréable. La faim commence par des gargouillements, mais peut conduire à des sensations de faiblesse."

Martine Duclos nous explique que, théoriquement, la faim est une réaction physiologique : "La glycémie (soit le taux de sucre dans notre sang) se met à baisser, tout comme notre taux d'insuline. En conséquence, cette baisse du taux de glucose incite le corps à utiliser nos graisses pour se fournir en énergie. Notre taux d'acides gras va alors augmenter."

L'endocrinologue explique qu'ensuite, "certains capteurs présents dans notre sang sont stimulés par ces changements et communiquent par voie nerveuse et sanguine avec notre cerveau. Celui-ci reçoit donc ces informations et déclenche la sensation de faim que l'on ressent".

Quand nous avons faim, notre tube digestif est vide et notre volume gastrique bas. Martine Duclos précise : "L'intestin grêle en quête d'aliments à digérer secrète des hormones. Celles-ci passent soit par notre sang ou activent le système nerveux avant de venir stimuler notre cerveau."

En bref, "le cerveau comprend que nos réserves énergétiques sont basses (en tout cas, à court terme) et qu'il faut les augmenter. Des neuromédiateurs sont alors produits et influencent nos comportements vers la quête de nourriture pour calmer ses signaux".

"Un manque d'activité physique peut donner faim", répond Martine Duclos. Pour comprendre, elle propose une mise en situation : "Comparez une matinée que vous avez passé·e assis·e au bureau versus une matinée pendant laquelle vous avez marché ou fait du vélo pendant plusieurs heures. Dans le deuxième cas, vous n'avez pas vraiment faim dans la matinée. Par contre, dans le premier cas, vous avez souvent extrêmement faim en milieu ou avant la fin de la matinée. Pourtant, votre dépense énergétique est faible comparée à une matinée active."

Alors, elle est où la logique ?

"Quand on reste assis·e toute une matinée, notre alimentation n'est pas consommée par nos muscles qui sont au repos. Pour éviter d'être en hyperglycémie, notre corps sécrète donc beaucoup d'insuline qui va permettre de stocker le glucose apporté par l’alimentation dans les tissus (muscles, fois, graisse). Or, la sécrétion d'insuline augmente aussi nos sensations de faim. À l'inverse, quand on fait de l'exercice, notre niveau d'insuline baisse, car le glucose est consommé par les muscles qui se contractent. L'exercice musculaire augmente aussi notre satiété, d'autant plus s'il est intense", répond la professionnelle de santé.

Elle ajoute : "Aujourd'hui, il a été démontré que la régulation des apports énergétiques dépend aussi de notre niveau d'activité physique. Le seuil de régulation optimal entre les stimulations hédoniques (le plaisir) et la prise alimentaire se fait quand les niveaux d'activité physique correspondent aux recommandations générales de santé."

"Si vous avez mis en place des restrictions alimentaires qui ne correspondent pas à vos besoins, ou des régimes à répétition, cela aura des conséquences sur votre manière actuelle de vous alimenter. Ce sentiment d'insatisfaction ou de contrôle permanent de ce que l'on mange trouble la satiété, et donc les sensations de faim."

"Plus on est stressé·e, plus on peut avoir envie de manger pour compenser et s'apaiser", explique Martine Duclos. En effet, "la carence de sommeil chronique induit une résistance à l'insuline (qui augmente nos sensations de faim, souvenez-vous). Ainsi, nous sommes beaucoup plus sensibles à la nourriture lorsque nous avons moins dormi."

Si vous avez l'impression de ressentir la faim de manière "anormale", vous pouvez aussi vous pencher sur le contenu de vos assiettes. Par exemple, "si vous avez eu une alimentation avec uniquement des sucres rapides, vous pouvez être sûr·es que vous aurez faim 2 heures après. C'est une réponse au pic d'insuline que vous aurez créé", explique Martine Duclos.

Enfin, "à l'inverse, si vous avez un repas équilibré avec des glucides lents, des protéines et des lipides, vous tiendrez plusieurs heures. On dit qu'il faut en général 6 heures pour absorber et assimiler un repas équilibré".

"Si généralement les sportif·ves mangent plus, ils et elles ont aussi généralement une meilleure satiété", constate Martine Duclos.

Ainsi, cela signifie que si votre faim augmente en période de compétition ou d'entraînements intenses, vos apports nutritionnels et énergétiques sont peut-être insuffisants ou déséquilibrés.

Jusqu'ici, nous parlions bien sûr de faim physiologique. Pourtant, il existe un autre type de faim que l'on appelle la faim émotionnelle. Explications avec la spécialiste : "On parle de faim émotionnelle ou psychologique lorsque l'on répond à une émotion positive ou négative, ou encore, à un stress important par une prise alimentaire." Elle poursuit : "Cette envie de manger peut arriver après un repas qui a déjà été riche, voire important. C'est davantage un besoin de se remplir et de combler un vide et/ou d’avoir des sensations de plaisir..."

En cas de faim émotionnelle, "nous n'avons physiologiquement pas le ventre creux. Au contraire, il est possible de sentir que le ventre est plein. On a alors perdu la sensation de satiété".

Aussi, notez que dans cette situation, "on se tourne rarement vers des haricots verts ou de la salade, mais plutôt vers des choses très sucrées et riches en graisses qui vont nous apporter du plaisir instantanément dans le but de diminuer le stress". C'est en tout cas ce que constate Martine Duclos.

L'endocrinologue et physiologiste précise d'ailleurs qu'il a aujourd'hui été démontré que "la prise alimentaire riche en substrats hédoniques (en quête de plaisir) réduit les marqueurs de stress".

"Trop manger" ou manger "pour le plaisir" ce sont des choses qui arrivent, et heureusement ! Par exemple, lors de certaines fêtes ou repas de famille, explique la professionnelle : "On a beau avoir beaucoup mangé et ne plus avoir faim, la vue d'un gâteau au chocolat, par exemple, peut nous redonner envie de manger ou de goûter malgré la satiété."

De manière occasionnelle, on est donc toutes et tous concerné·es par la faim émotionnelle. Mais il est important d'y prêter attention si cela se produit de manière extrême et répétée.

En effet, de manière régulière, celle-ci va "à moyen et à long terme être mauvaise pour notre santé. Pour éviter ces comportements, il est donc important d'identifier ce qui les déclenche".

Si vous vous questionnez quant à votre rapport à l'alimentation et à l'aspect émotionnel de certaines prises alimentaires, nous vous invitons à consulter des professionnel·les de la santé et de la nutrition.

Ici, il est plutôt question d'individualisation. Chacun·e a son propre rythme en fonction de ses habitudes alimentaires, de ses niveaux d'activité physique, etc. Mais le rythme idéal est un rythme de repas régulier, avec trois repas par jour, le dernier n’étant pas absorbé trop tard (idéalement au moins 2h avant d’aller se coucher).

Retenez que non, il n'est pas normal d'avoir tout le temps faim.

Alors, quand faut-il s'inquiéter ?

Il est important de s'intéresser à ces symptômes si ces sensations de faim constantes perdurent même après avoir modifié vos habitudes comme : votre activité physique, votre sommeil et votre manière d'équilibrer votre alimentation et vos apports nutritionnels.

Aussi, si vous observez des comportements qui s'apparentent à l'apparition de troubles des  conduites alimentaires, "si l'alimentation devient une source d'anxiété, de dépression, de restrictions, ou que vous êtes incapable de vous arrêter...", il est essentiel de consulter un·e professionnel·le de santé.

Peut-être l'avez-vous remarqué, la faim varie en fonction du cycle menstruel.

"Le moment où les femmes sont les plus sujettes à observer des changements sur leur faim est pendant la période du SPM : le syndrôme pré-menstruel, juste avant les règles", explique Martine Duclos.

Il s'agit en fait d'une réaction physiologique : " Un trouble de la balance entre les niveaux d'œstrogène et de progestérone se crée, le niveau d'anxiété peut être un peu plus important... Tout ça pourra engendrer une sensation de faim plus grande."

Pour autant, "à l'inverse, au niveau du pic ovulatoire, la satiété est souvent mieux régulée".

"Au moment de la grossesse, la faim a tendance à augmenter. En plus d'une hyperinsulinémie, le corps a besoin de prendre du poids et de la masse grasse pour répondre aux besoins de deux organismes." Avoir davantage faim pendant une grossesse, c'est donc tout à fait normal !

L'hyperthyroïdie, la prise de corticoïdes, ainsi que toutes les maladies qui engendrent une hypersécrétion de cortisol, mais aussi les maladies comme les tumeurs hypophysaires qui impactent les zones du cerveau régulant notre métabolisme, peuvent perturber notre faim.

Demandez toujours un avis médical.

La perte de poids reste un changement global d'habitudes. Soigner son alimentation est essentiel, mais tout autant que l’hydratation, le niveau d'activité physique, la qualité du sommeil, ou encore la réduction des niveaux de stress.

Optimisés, tous ces facteurs vous permettront de retrouver un rapport plus apaisé avec vos sensations alimentaires. Bien sûr, les pathologies existent aussi, il est donc important de solliciter l'avis médical et d’envisager un accompagnement.