Il suffit de se plonger dans les innombrables vidéos de skate pour se rendre compte de l’importance de la musique dans l’univers créatif du skate.
Invariablement, les vidéos soulignent la virtuosité des skateur·se·s au rythme d’une musique qui s’adapte (ou inversement ?) au style et à l’intensité du ride pour renforcer l’esthétique globale. Avant l’arrivée des plateformes de musique en ligne, se laisser embarquer dans une vidéo de skate était un bon moyen d’accéder à une bonne playlist. Dinosaur Jr. dans Memory Screen, Jackson Fives, War, Black Flag ou John Coltrane dans Video Days, Nina Simone ou Franck Zappa dans Bon Appétit, tous les styles de musique sont représentés dans l’histoire du skate.
Dans les années 1970 et 1980, la scène punk et rock est particulièrement présente dans la communauté, on y écoute Black Fag, the Faction and Descendents quand ce ne sont pas les skateurs eux-mêmes qui forment leurs groupes. Les shorts courts en jean, le bandeau dans les cheveux, les genouillères et coudières aux couleurs criardes des seventies laissent alors place à des jeans moulants et des vestes en cuir. Le hip-hop, et le « big pants, small wheels » émergent dans les années 1990, les rappeurs Beastie Boys, Gang Starr, Mobb Deep, Nas font partie du paysage sonore de cette époque-là sans oublier le jazz, la soul et le funk.
En 1999, lors des X-Games, Tony Hawk rentre le premier 900 (rotation de deux tours et demi) de l’histoire dans un half-pipe, et devient une légende du sport. Le jeu vidéo Tony Hawk Pro Skater marque le début des années 2000 et pousse de très nombreux jeunes à monter sur une planche avec la bande-son de leur jeu préféré dans les oreilles. Le punk rock alterne avec le hip-hop avec notamment Anthrax, Rage Against The Machine et Public Enemy.
Tout au long des années 2000, le hip-hop perd du terrain pour laisser place au indie rock et au rock classique. Un style de ride, plus rapide et agressif se développe, le style vestimentaire change, les pantalons sont moins larges, les chaussures sont plus fines et les cheveux plus longs. Ce sont les dernières années où l’on peut faire une grossière association entre le style de ride et les goûts musicaux. La pratique du street, technique et fluide, est plutôt associée au hip-hop, quand le métal est plus lié au bowl, au half-pipe, au quarter-pipe avec plus de volume et de spectacle.
Aujourd’hui, toutes les musiques trouvent leur audience parmi les skateur·ses, la culture skate s’est enrichie de toutes parts depuis les années 1960 et chaque skateur·se, partout dans le monde, y contribue avec sa façon de rider, son style vestimentaire, ses influences et son inventivité. Le skate a le vent en poupe, (on pense à l’affiche des JO de Tokyo), une menace quant à sa créativité pensent certain·es.
Mais son identité indocile demeure et en fait une mouvance perpétuellement réinventée, qui ne se laisse pas complètement absorber par les sponsors et les règles du marché. Le skate demeure une pratique et une culture féconde. Il incite ses adeptes à s’exprimer, à s’approprier les paysages qui les entourent, à partager une passion qui les façonne.
À l’instar de son catalogue de tricks, qui, encore aujourd’hui ne cesse de s’agrandir, le skate crée sans relâche et en cela, il vit, il évolue et il résiste. Un peu comme une œuvre d’art, finalement.