un homme se regarde dans le miroir

Bien dans ses muscles : que faire face à la dysmorphie musculaire ?

Ah, la salle de sport, ce petit temple du bien-être physique comme mental. Mais à chaque médaille son revers, et pour certain·es pratiquant·es, l’obsession de l'image corporelle renvoyée dans le miroir peut se transformer en véritable pathologie : la dysmorphie musculaire.

Ce trouble, bien souvent lié à la bigorexie, se caractérise par une préoccupation excessive pour la taille ou la définition des muscles, menant à des comportements compulsifs autour de l'exercice physique et de l'alimentation. Comment identifier ce trouble et quelles sont les solutions pour s'en sortir ? On en parle avec Jenny, diététicienne-nutritionniste à Atlanta (USA).

C'est quoi la dysmorphie corporelle ? Et la dysmorphie musculaire ?

Selon le DSM-5, manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux et psychiatriques de l'Association américaine de psychiatrie, la dysmorphie corporelle — ou dysmorphophobie — est caractérisée par "une préoccupation concernant des défauts perçus de l'apparence physique qui ne sont pas apparents ou apparaissent léger à d'autres personnes". Ce souci de l'image corporelle doit provoquer une détresse cliniquement significative ou un trouble du fonctionnement pour déclencher un diagnostic.

La dysmorphie musculaire est classée dans le DSM-5 dans la catégorie des dysmorphies corporelles et est semblable à l'anorexie par son caractère obsessionnel, à ceci près que la dysmorphie musculaire a pour préoccupation majeure un corps jugé trop petit, trop maigre, ou encore insuffisamment musclé. La dysmorphophobie engendre bien souvent des troubles du comportement alimentaire, les personnes concernées cherchant également à contrôler leur nutrition pour atteindre leurs objectifs de masse musculaire.

Comment savoir si on fait de la dysmorphie ?

"Les patient·es souffrant de dysmorphie musculaire effectuent également de manière répétitive et excessive des comportements répétitifs (par exemple : vérification devant le miroir) en réponse à une obsession de l'apparence", précise le manuel. "Plus encore, beaucoup se mettent à refuser des rencontres sociales au profit de leurs entrainements, quitte à éprouver leur corps tout en s'isolant socialement pour atteindre leur objectif coûte que coûte", ajoute Jenny, "On se sent incompris·e par l'entourage qui critique notre pratique excessive, donc on s'en éloigne, renforçant ainsi le cercle vicieux de l'entrainement constant".

La dysmorphie musculaire est parfois difficile à détecter puisqu'elle peut être masquée par des habitudes apparemment saines : une alimentation saine, une activité physique régulière, pas ou très peu d'alcool... 

Toutefois, certains signes peuvent vous mettre la puce à l'oreille :

  • Une préoccupation excessive quasi constante : passer plusieurs heures par jour à penser à son physique.
  • Une insatisfaction chronique : jamais satisfait·e de son image, même avec un physique très musclé.
  • Un isolement social : éviter les situations sociales pour s’entraîner plus souvent.
  • La négligence des blessures : continuer à s’entraîner malgré la douleur ou les lésions provoquées.
  • L'impact sur la vie quotidienne : lorsque la salle de sport prend le pas sur les obligations familiales, professionnelles ou sociales. En cause ici également, une hyperfocalisation sur l'objectif : un idéal corporel souvent inatteignable.

Comment soigner la dysmorphie musculaire ?

Si la thérapie (en particulier cognitive et comportementale) peut suffire, le traitement s'accompagne souvent sur des médicaments, notamment des anti-dépresseurs (des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine ou antidépresseurs, ou la clomipramine).

La thérapie comportementale cognitive (TCC) aide ainsi à modifier les pensées et comportements négatifs, quand les antidépresseurs peuvent être prescrits pour traiter les symptômes associés au trouble comme l'anxiété ou la dépression.

Participer à des groupes de soutien avec d'autres personnes qui luttent contre des troubles similaires peut également se révéler bénéfique. Eh oui, c'est à la fois l'occasion de se sentir compris·e, mais également de collecter mille et une bonnes astuces pour s'en sortir :)

Julien, 29 ans, adepte de musculation et souffrant de dysmorphie musculaire

"D'aussi loin que je me souvienne, je suis passionné de musculation. Au début, c'était un moyen de me sentir bien dans ma peau, d’acquérir une certaine confiance en moi. Mais peu à peu, cela a pris une place disproportionnée dans ma vie. J'ai commencé à aller à la salle tous les jours, parfois deux fois par jour, en délaissant mes amis et même ma famille au profit de mes entrainements. L'image que je voyais dans le miroir ne me satisfaisait jamais assez. Même si les autres me disaient que j'étais déjà très musclé, pour moi, ce n'était jamais suffisant.

Au fil du temps, j'ai développé une obsession telle que mon premier réflexe le matin était de vérifier si mes muscles étaient assez saillants, et je planifiais toute ma journée autour de ma routine sportive et de mon régime alimentaire, très strict. Cela allait jusqu'à annuler des sorties parce qu’elles interféraient avec mon programme. Je pesais chaque gramme de nourriture et je calculais chaque calorie, dominé par la peur de perdre en masse musculaire ou de gagner en masse grasse si je ne mangeais pas parfaitement bien.


Mon corps était constamment douloureux. J'ignorais les blessures, continuant à m'entraîner malgré les avertissements de mon corps. J'ai fini par avoir une blessure grave qui m'a obligé à arrêter la musculation pendant plusieurs mois, un moment dévastateur pour moi, car je me sentais perdu sans ma routine sportive. C’est à ce moment que j’ai réalisé que ma passion était devenue une pathologie.


Avec l'aide d'un psychologue spécialisé dans les troubles de l'image, j’ai commencé à travailler sur mes problèmes sous-jacents de dysmorphie musculaire. Cela n'a pas été facile. Chaque jour est un combat pour changer ma perception de mon corps et retrouver un équilibre dans ma vie. La thérapie m’aide à comprendre pourquoi j'ai développé cette obsession et comment je peux construire une relation plus saine avec mon corps et l'exercice.


Maintenant, je m'entraîne de manière plus modérée et j’essaie de me concentrer sur ma santé plutôt que sur l'apparence seule. Cela prend du temps, mais je suis sur la voie de la guérison, apprenant à vivre sans que mon estime personnelle soit dictée par la taille de mes muscles ou le sport plus en général.
»

Julien partage son histoire dans l'espoir d’aider d'autres personnes qui pourraient souffrir en silence de ce trouble complexe et souvent incompris. 

Si vous vous reconnaissez dans les symptômes évoqués ou dans le témoignage de Julien, des solutions sont à votre disposition. Allez, haut les cœurs (et les biceps) !

Bien dans ses muscles : que faire face à la dysmorphie musculaire ?

Val

Journaliste - rédactrice web

Journaliste société, passionnée de réseaux sociaux (la Twitter fever, tu connais) et de sport. À mes heures perdues, on me retrouve sur une barre de pole dance ou sous la barre de hip thrust, ça dépend des jours.

Vous aimerez aussi :

Pourquoi on ne croit pas aux régimes

Pourquoi on ne croit pas aux régimes

Promis, on y a longuement réfléchi, mais voilà, c’est dit : les régimes tels qu’on les connaît, nous, on n’y croit pas vraiment (pas du tout, même).

une femme qui sort de son lit

Il se passe quoi dans notre cerveau quand on procrastine ?

Pourquoi notre cerveau est-il aussi récalcitrant face à l’effort, et nous pousse à procrastiner ?

Qu’est-ce que la bigorexie, ce trouble mentionné par Juju Fitcats

Qu’est-ce que la bigorexie et comment s'en défaire ?

Bigorexie : quel est ce trouble qui touche les sportif.ves et comment se soigne-t-il ? Anne-Laure, diététicienne, nous explique tout.

Avec Reflect, Disney casse les préjugés de la danse classique

Avec Reflect, Disney casse les préjugés de la danse classique

Sorti en octobre 2022, Reflect, le court métrage de Disney, met en lumière les problématiques de dysmorphie dans la danse classique.