Jonathan Hivernat : “Le rugby fauteuil, c’est mon mode de vie"

Jonathan Hivernat : “Le rugby fauteuil, c'est plus qu'un sport, c’est mon mode de vie"

À 32 ans, Jonathan Hivernat cumule déjà un palmarès sportif bien fourni. Son sport de prédilection ? Le rugby fauteuil !

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le capitaine de l’équipe de France de rugby fauteuil et vendeur chez Decathlon a un agenda chargé. Oui, cumuler vie professionnelle standard et vie professionnelle sportive n’est décidément pas de tout repos, mais Jonathan Hivernat y parvient avec brio. 

Qu’est-ce que le rugby fauteuil ?

Pour découvrir tout ce qu’il y a à savoir sur cette discipline, rendez-vous juste ici, dans notre article dédié au sujet !

Le palmarès de Jonathan Hivernat

2022 – Championnat d’Europe à Paris : médaille d’or
2020 – Tournoi qualificatif Jeux Paralympiques à Vancouver : Qualification pour les Jeux Paralympiques de Tokyo
2019 – Championnat d’Europe à Velje : médaille de bronze
2017 – Championnat d’Europe à Coblence : médaille de bronze

L'interview de Jonathan Hivernat

Le sport et toi, c’est une histoire d’amour depuis toujours ?

"Je suis un grand passionné de sport, depuis toujours, oui ! J’ai eu trois vies : une première sans réels soucis de santé, une deuxième en tant que mal marchant (ndlr : qui a des difficultés à marcher, peut s’aider ponctuellement de béquilles, d’un fauteuil ou d’autres dispositifs d’aide au déplacement), et une troisième en fauteuil. Le sport a donc été pour moi une véritable école de la vie, une science éducative qui m’a beaucoup appris sur mon corps, mon bien-être et ma santé. 

Le sport, c’est aussi un vecteur social et professionnel hors norme, fait de rencontres exceptionnelles qui nous ouvrent des opportunités incomparables que je n’aurais jamais pu imaginer. 

Pendant très longtemps, quand je le pouvais, je me suis tourné vers les sports individuels parce que je voulais me prouver quelque chose à moi-même, mais ça ne me ressemblait pas, je suis fait pour les sports collectifs."

Pourquoi avoir choisi le rugby fauteuil ? Pourquoi ce sport te passionne-t-il autant ?

"Déjà, le rugby fauteuil est un sport réservé aux personnes atteintes des quatre membres. Personnellement, j’ai une myopathie rare, appelée maladie de Charcot Marie Tooth, qui touche la gaine des nerfs depuis la moelle épinière jusqu’aux extrémités du corps. Je rentre donc dans le cadre légal d’éligibilité à cette discipline qu’est le rugby fauteuil. C’est un sport qui me correspond totalement au regard de mes capacités fonctionnelles, contrairement à d’autres disciplines où les joueurs peuvent avoir plus de fonctions, et où je ne me battrais donc pas avec les mêmes armes ni les mêmes moyens.

Au-delà de cet aspect fonctionnel, le rugby fauteuil est devenu à mes yeux plus qu’un sport, c’est un véritable mode de vie, ma raison de vivre, ma force mentale et ma résilience. Je n’aurais jamais pensé en arriver là !

Par la science du contact, par le jeu, la complémentarité des individus qui y participent, le rugby fauteuil a quelque chose de spécial. On a tous une lésion particulière, une histoire différente dont on tire des atouts et faiblesses. C’est ça qui crée la richesse de nos mouvements parasportifs. On est très soudés et solidaires, en dehors comme sur le terrain."

Ton handicap t’a-t-il freiné dans ta carrière sportive ?

"Une chose est sûre, si je m’étais cantonné aux recommandations médicales, je n’aurais jamais pu réaliser tout ce que j’ai entrepris. Il y a des recommandations entendables, et d’autres non, à mes yeux. Les caractéristiques de ma maladie, c’est une certaine fatigabilité à l’effort, toujours se préserver, faire attention, être accompagné… 

Je reste persuadé que le corps, si on le respecte comme il se doit tout en l’affutant, en lui demandant plus, est capable de faire bien plus que ce qu’on attendait de lui initialement !

Aujourd’hui, j’ai une force et une forme olympique et paralympique, alors même que les médecins disaient qu’à 21 ans, j’aurais dû ne plus pouvoir bouger, paralysé de tous mes membres sur un lit médicalisé. Ce n’est ni un message d’espoir, ni une source d’inspiration, je dis simplement que notre seule limite, c’est nous-mêmes. 

Il faut être acteur de sa vie, et la vie est faite pour rencontrer des échecs, pour apprendre, grandir et devenir unique par nos expériences et nos vécus. C’est en tout cas ce qui fait la force de notre équipe de rugby fauteuil !"

Tu es capitaine de l’équipe de France de rugby fauteuil et vendeur chez Decathlon, comment arrives-tu à jongler entre tes deux vies ?

"Je m'entraîne deux fois par jour, désormais, avec 14 à 20h d’entrainement par semaine. Je vais être franc, ça n’a pas toujours été de tout repos ! Mon poste est aujourd’hui aménagé et me permet de m’entrainer professionnellement tout en ayant un beau projet professionnel. Je suis persuadé qu’on peut tirer de belles choses de ces deux univers !"

Si tu devais partager ton meilleur souvenir sportif, qu'est-ce que ce serait ? Qu'est-ce qui te vient à l'esprit ?

"Il y en a tellement ! Si on fait du sport, c'est pour s'exprimer, mais aussi pour créer de l'émotion tout autour de soi. Ça crée énormément de souvenirs exceptionnels…
Je pense au premier titre que j'ai pu avoir avec l'équipe de Toulouse en tant que champion de France, mais aussi au tout premier titre de champion d'Europe à la maison, à Paris, en 2022, qu'on a remporté il y a un an de cela. Enfin, je pense aussi à notre qualification au tournoi qualificatif de Paris paralympique pour partir aux Jeux de Rio. Le match se jouait en demi-finale de ce tournoi qualificatif paralympique contre les All-Blacks, avec une salle comble, le haka et la victoire au bout, direction les Jeux Olympiques de Rio !

Le sentiment que ça procure est indescriptible, ça dépasse tout. À chaque fois que je mets mon maillot, finalement, je me dis que c’est incroyable de faire partie de cette sélection-là. Il faut savoir le vivre pleinement.

Je suis très fier de tous mes coéquipiers, parce qu'ils ont énormément grandi, par eux-mêmes et avec moi.

Mon premier rêve de gamin, c’était d’être convoqué en stage national, de faire partie de ce groupe d’élite. C’était peut-être un objectif hors normes, démesuré, mais c’est ce qui me galvanisait. Quand c’est arrivé, à force de travail, je suis passé à un autre rêve, celui de participer à des Jeux Paralympiques.

Si j’ai une chose à dire aux jeunes qui doutent de pouvoir y arriver à leur tour, c’est qu’avec votre fougue et votre insouciance, chaque année va vous bonifier. Il faut prendre le temps de savourer chaque moment qui se présente à vous, grandir et croire en ses rêves, même s’ils se révèlent inatteignables."

Un dernier mot avant de se quitter ? "Venez découvrir cette discipline qu’est le rugby fauteuil ! Elle est juste unique, spectaculaire, enrichissante, divertissante, et on en apprend toujours quelque chose, que l’on soit déjà aguerri ou complètement novice", conclut ainsi Jonathan. Alors, tenté·e ?

Jonathan Hivernat : “Le rugby fauteuil, c’est mon mode de vie"

Val

Journaliste - rédactrice web

Journaliste société, passionnée de réseaux sociaux (la Twitter fever, tu connais) et de sport. À mes heures perdues, on me retrouve sur une barre de pole dance ou sous la barre de hip thrust, ça dépend des jours.

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