Au-delà du handicap : savoir observer la performance de l’athlète avant tout
“Quand on est acteur.ice ou performeur.euse, notre rôle, c’est de jouer”, explique Erin, “quand on a un handicap, celui-ci semble aussi avoir son rôle sur scène, aux yeux des gens valides”. Là où l’athlète performe, le public n’observe plus que le fauteuil roulant, la cane, la prothèse, ou tout autre objet porteur d’une symbolique de handicap. Et cela, Erin en fait l’expérience lors de son déménagement en Espagne, après ses aventures new-yorkaises. “Je ne parle pas vraiment espagnol, je ne pouvais donc plus user de l’art oratoire pour détourner l’attention du public de mon fauteuil, comme je le faisais lors de mes précédentes représentations”, explique-t-elle. Tout repose désormais sur sa gestuelle, ses représentations physiques.
En pole dance aussi, la discipline s’ouvre à peine aux personnes porteuses d’un handicap moteur. Lorsqu’Erin se lance dans les compétitions, c’est aussi la douche froids. L’accessibilité des lieux où se tenaient lesdites compétitions constituait la première phase de sélection pour l’athlète, là où les athlètes valides ne se posent aucune question. “J'arrive à ce concours, et les coulisses ne me sont pas accessibles. Les toilettes ne me sont pas accessibles non plus. Il n'y a pas d'hôtel à proximité qui propose des chambres accessibles”, illustre ainsi Erin, “Je devais constamment m'adapter pour faire partie de cette expérience dans laquelle ils allaient ensuite m'utiliser pour se donner une image inclusive. Ça m’a coûté mentalement, et financièrement.”
Vient ensuite la question de la notation des figures. “Pour obtenir le maximum de point, il faut pointer les pieds, chose que je ne peux réaliser”, précise Erin, “Aucun entraînement ne pourra rendre ma colonne vertébrale droite, ou faire en sorte que mes jambes ne soient plus paralysées.” Faute d’une notation adaptée, l’athlète part donc avec un handicap majeur dans sa discipline, malgré ses performances. Au fil de son parcours sportif, Erin rencontrera également des allié.es. Sa coach sportive, notamment, qui se battra par la suite pour faire entendre les dysfonctionnements de ladite compétition. Au niveau des compétitions comme des clubs, pour faire bouger les lignes et avancer l’inclusion, l’action est encore aujourd’hui de mise !
En 2017 et 2018, Erin représente l'Espagne aux championnats nationaux et internationaux de l’IPSF (International Pole Sports Federation). Elle remporte plusieurs médailles, dont l'or dans la catégorie parapole en 2018, établissant un record du monde en matière de pole dance en fauteuil roulant.
Malgré les obstacles sur son chemin, Erin est désormais une artiste et sportive accomplie. Sur Instagram, il y a quelque chose dans ses vidéos qui crie son plaisir à performer. “J’ai une scoliose sévère et être au sol m’est inconfortable, j’aime être en inversion, dans les airs”, souffle-t-elle dans un sourire, “j’aime aussi la difficulté de ces disciplines, la façon dont mes mains piquent après un entrainement, les muscles courbaturés… J’adore ça !” La passion de la performance et du dépassement de soi dévore la jeune femme, décidée à partager celle-ci autour d’elle.