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Vitesse, endurance, performance : jusqu’où peuvent aller les records ?

Quel que soit le sport, les records ne cessent d'être battus. Mais jusqu'où peut aller cette course ? Le corps humain a-t-il des limites ?

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Que ce soit sur les réseaux sociaux ou encore dans les médias, de plus en plus de sportifs et sportives font la Une grâce à leurs exploits, notamment sur des épreuves d'ultra-endurance. Quant aux records de vitesse par exemple, même si ceux-ci semblent parfois plafonner, ils continuent d’être battus. Alors y a-t-il une limite à tout ça ?

On en parle dans cet article avec deux spécialistes : Michaël Attali, enseignant en éducation physique, maître de conférences à l'Université et directeur d'un laboratoire de recherche dans le domaine des sciences humaines et sociales sur le sport, et Geoffroy Berthelot, chercheur à l'INSEP au pôle performance.

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Les origines de la performance

"La performance existe depuis le début de l'histoire moderne du sport même s'il est vrai qu'elle s'est transformée", constate Michaël Attali. Celle-ci peut à la fois être synonyme de vitesse, de force, de puissance... Oui, mais alors, dans quel sport ? Eh bien, figurez-vous que les premiers sports concernés par cet attrait pour la performance sont l'athlétisme et les sports collectifs.

C'est également ce que constate Geoffroy Berthelot que l'on interroge souvent au sujet des épreuves du 100 mètres masculin ou encore des fameuses 2 heures au marathon. Pour lui, la performance est davantage associée à la notion de rapidité. C'est en tout cas principalement sur ces sujets que le chercheur est sollicité.

Ensuite, comme l'explique Michaël Attali, la notion de performance a évolué au fil du temps : "La performance était avant synonyme de confrontation, on considérait qu'une personne était performante si elle était vainqueuse par rapport à une autre personne." Performance et comparaison : la compétition était née.

"La confrontation aux autres s'est peu à peu complétée d'une certaine confrontation à soi", explique l'enseignant-chercheur. Pourquoi ? "Tout simplement parce que le sport a connu une mutation significative caractérisée par une importante institutionnalisation et organisation. Pendant longtemps, on a pratiqué le sport dans des clubs, avec des entraîneur·ses...", explique le maître de conférences. Or, après les années 70, on constate davantage un phénomène d'individualisation du sport. Si l'on prend l'exemple de l'athlétisme, avant les années 70, les adeptes de ce sport ne pratiquaient qu'en structure ou club. Or, comme le relève Michaël Attali, après ces années, la course deviendra plutôt "le jogging, la course entre copains, collègues…, plus uniquement des 400 mètres."

Finalement, "on observe une mutation des rapports au sport qui sont aussi le produit d'une mutation du rapport à son corps, aux autres...", rapporte l'historien.

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L'évolution de la performance

A-t-on tendance à se détacher ou à s'attacher de plus en plus à la performance ?

Selon les deux spécialistes, le rapport à la performance serait en train de changer. Aujourd'hui, la performance est en effet davantage liée au soi, à la recherche d'une amélioration régulière : on essaye toujours d'être meilleur·es, quel que soit le sport pratiqué. Aussi, en tant que sportif·ves, nous aurions moins tendance à, par exemple, vouloir sauter plus loin ou plus haut, mais plutôt à améliorer notre confort pendant la pratique, ressentir moins d'inconfort, être capable de nous attaquer à des épreuves que nous n’étions pas capables de surmonter avant, sans pour autant le faire le plus vite possible.

À ce sujet, M. Attali ajoute que si aujourd'hui "aucun record n'est imbattable, les pratiquant·es de sport ne se projettent plus vraiment sur du haut niveau qui est davantage devenu un spectacle". Il explique : "Depuis les années 80, on constate qu'un fossé se creuse entre l'élite sportive et la masse des pratiquant·es qui ne s'identifient aux grand·es champion·nes. C'est aussi pour cela que le grand public sportif essaye d'inventer et de s'adapter avec des alternatives que sont par exemple les épreuves d'ultra-endurance".

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Trail, décathlon, déca-triathlon... Une quête sans fin de record et de distance ?

"Contrairement à ce que l'on peut penser, les courses d'ultra distance existent depuis très longtemps, ce n'est pas si récent que ça", informe l'historien Michaël Attali. Il ajoute : "On note par exemple l'existence de course de 200 kilomètres pendant l'entre-deux-guerres, ou encore de course sur route de 500 kilomètres dans les années 70." Simplement, c'est l'intérêt et la médiatisation à l'égard des longues distances ou de manière générale de l'endurance (course à pied, natation en eau libre, ultra-cyclisme) qui sont de plus en plus importants, tout comme l'accessibilité de ce type de sport.

Une quête du défi sans limites qui soulève d'autres questions, comme celle de la santé publique. C'est en tout cas ce qu'explique l'enseignant-chercheur : "Dans les années 2000, on considérait que courir plus de trois marathons par an, c'était mettre sa santé en péril. Or aujourd'hui, quand on voit que certain·es sportif·ves font plusieurs trails de par exemple 70 kilomètres par an, dans des conditions difficiles (froid, dénivelé, manque de sommeil, de nutrition...), on se questionne sur les effets à long terme sur les années à venir, surtout sur des personnes pas toujours très bien préparées." Sur ce point, il ajoute : "Aujourd'hui, le sport paraît accessible au plus grand nombre, détaché des institutions. Les gens font du sport seuls, ce qui est une bonne chose, mais ce qui signifie aussi qu'ils et elles manquent d'encadrement, ce qui peut avoir des conséquences sur la physiologie des sportif·ves et donc les mettre en danger." 

Alors bien sûr, cela ne veut pas dire que vous devez absolument vous faire coacher ou suivre par un·e professionnel·le du sport, mais que pour la quête de performance, comme pour certains objectifs importants, il sera mieux pour votre santé et votre épanouissement sportif de le faire.

Vitesse, endurance, performance : jusqu’où peuvent aller les records ?
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Musculation, crosstraining...

Et pour les sports qui ne relèvent pas de l'endurance ?

Pour Michaël Attali, il s'agit "d'un autre type de performance, c'est là encore une performance par rapport à soi-même : de progresser, s'améliorer, puis il y a aussi la dimension esthétique, les gens cherchent un corps équilibré, mais contrairement à avant, ce n'est plus la recherche de soulever le plus de fonte ou de poids possible qui intéresse le plus". En fait, les sportif·ves, dont vous faites peut-être partie, cherchent avant toute chose à se sentir bien, harmonieux·ses, et ce, aussi bien physiquement que mentalement.

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Performance et prédispositions

Comment expliquer qu'avec un même entraînement deux athlètes n'auront pas le même résultat ?

Maintenant que l'on en sait davantage sur la définition et les pratiques de la performance, on peut s'interroger sur son accessibilité. Sommes-nous tous et toutes  égaux et égales face à la performance ? Certaines personnes sont-elles prédisposées à performer ?

"Oui", répond Geoffroy Bertholot. Il explique : "Génétiquement, on commence à le prouver, oui, par des gènes qui sont identifiés pour la performance." Il précise que ces travaux ne sont pas encore assez aboutis pour en tirer des conclusions exploitables. 

Alors, l'avenir nous le dira...

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Et entre les hommes et les femmes alors ?

"Si l'on constate un écart entre les hommes et les femmes aujourd'hui sur le plan de la performance, il est encore médicalement et physiologiquement difficile de l'expliquer", explique Geoffroy Berthelot.

À ce sujet, il s'agirait davantage d'un écart causé et creusé par des différences ancrées sur le plan sociologique. C'est en tout cas ce qu'explique l'historien Michaël Attali. "La socialisation et l'éducation que vivent un homme et une femme ne sont pas les mêmes : rapport au corps, aux autres, à soi... Un garçon sera souvent encouragé à être le meilleur, à développer un esprit de compétition etc., tandis qu'une fille sera plutôt orientée vers des sports qui la rendront "plus gracieuse" comme la danse, la gymnastique... Tout cela crée un rapport différent à la performance."

Il poursuit : "S'ajoute à cela les différences physiologiques qui se font à l'adolescence, et ce, notamment dans les sports de force ou une différence se perçoit." En revanche, comme le souligne Michaël Attali, "les écarts sont en train de diminuer dans les sports d'endurance, par exemple sur le marathon ou les trails". Si ce phénomène est assez récent, c'est aussi parce que pendant longtemps, les femmes n'avaient pas les mêmes accès que les hommes à certains de ces sports : "À cause du milieu sportif, un retard a été pris en ce qui concerne l'entraînement et donc la quête de performance."

Et alors, ça change ? Oui les choses bougent ! Comme le constate l'historien : "Depuis quelques années, le développement des épreuves mixtes dans de plus en plus de sports contribue à réduire les écarts entre les hommes et les femmes."

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Futur et performance

Hommes, femmes, qu'importe le sport, ils et elles continuent de performer. Mais alors jusqu'à quand ?

Pour comprendre, il faut revenir quelques années plus tôt. Geoffroy Berthelot, chercheur à l'INSEP explique : "Avec la mondialisation et la tombée de certaines frontières dans le sport, on a commencé à mettre un cadre et à professionnaliser le sport. En conséquence, on a davantage sanctionné les tricheries et les abus et on a optimisé le sport, les techniques d'entraînement et la performance sportive." C'est pourquoi, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l'aspect mental, médical, physique, nutritionnel, l'hygiène de vie et la récupération ont davantage été pris en compte comme des facteurs de performance. Grâce à cela, "tout un ensemble de protocoles ont été mis en place pour minimiser les blessures et maximiser le potentiel et les capacités de chacun·e", souligne le chercheur. Il s'agit de l'essor de la performance.

Aujourd'hui, "il nous reste encore des marges à gratter dans certains de ces domaines, mais petit à petit, on arrive à exprimer le maximum du potentiel humain", constate le chercheur. Il ajoute : "Sur l'ensemble des performances et des records à travers le monde entier, il n'y a pas d'évolution linéaire dans le temps, mais par paliers et marquée par l'actualité géopolitique : les guerres, la mondialisation..." Il ajoute : "Depuis les années 1990, une forme de plateau s'installe en ce qui concerne les sports olympiques. Les records sont de moins en moins fréquents et surtout, les différences avec les précédents résultats, de plus en plus petites."

Pourquoi ? "Sur le plan humain, je pense qu'il y a toujours un peu de progression à atteindre, on tend vers la limite, mais il y a toujours une petite marge de progression, même si elle rétrécit", répond Geoffroy Berthelot. Et sur le plan technologique ? On observe aussi un ralentissement. Il explique : "On converge vers une forme de limite qui est dépendante des régulations et des règlements des instances sportives." Celles-ci interdisent en effet l'utilisation de certains types d'équipement qui viendraient probablement modifier les niveaux de performance actuels.

Pour M. Attali,  "ce qui se dessine, ce n'est pas la disparition de la performance, mais c'est une évolution de la performance mesurée par de nouveaux indicateurs comme la santé des sportif·ves, un sujet qui intéresse de plus en plus".

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Présente depuis toujours dans le sport, la question de la performance évolue avec nos sociétés. A-t-elle une limite ? Peut-être, mais une chose est sûre : pour que celle-ci perdure, le sport doit rester l'équation parfaite entre plaisirs, challenges et objectifs.

Enfin, n'oubliez pas qu'en dehors du haut niveau et de la compet', se sentir bien dans ses baskets, c'est aussi une performance en soi !

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Manon

Journaliste & rédactrice sport

Runneuse de coeur, je suis toujours partante pour tester avec vous de nouveaux sports !
Mon objectif ? Vous transmettre mes tips et ma passion pour le sport à travers mes contenus.

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