Pourquoi l’engouement des néo runners au trail ?

Le trail, nouveau chouchou des néo runners

Le nombre de personnes pratiquant la course en nature, dit “le trail”, ne fait que croître depuis 10 ans. Comment peut-on expliquer cet engouement ? 4 témoignages pour comprendre .

Pour comprendre pourquoi le trail fait de plus en plus d’adeptes ces dernières années, je suis allée à la rencontre d’Olivier, co-fondateur du premier club de trail des Hauts-de-France, le “Métropole Trail Nature Villeneuve d’Ascq”. Entraîneur de trail, il enseigne également, à la faculté des sports de Lille, les mutations du sport par rapport aux changements environnementaux et sociétaux. Et ça tombe bien, le trail est bien une mutation de la course à pied…

Selon les chiffres 2022 de la fédération française d’athlétisme, sur 12,4 millions de Français qui pratiquent le running, 1,4 million sont traileurs.
La crise sanitaire n’aura pas eu raison des amoureux du dénivelé et de la gadoue, au contraire ! Elle a même peut-être été un déclencheur pour une course un peu plus verte…

Vous connaissez le trail ?

“On dit treïlle ou trAïlle ou trek ?” Vous avez déjà eu cette discussion ? C’est vrai que lorsqu’on vient du milieu du sport, et notamment de la course à pied, on a tendance à oublier le monde des “moldus”, non aguerris, pour qui ce mot est flou. Le trail n’a rien de nouveau pour vous, mais laissez Olivier et moi faire un petit retour en arrière (pas trop lointain) pour expliquer d’où vient cette discipline. “Le mot trail est arrivé dans les années 2000 en France, ça veut dire sentier. On peut aussi entendre le trail running, la course nature ou le cross”, me raconte Olivier. C’est à l’ère de Rocky, dans les années 80, que la course à pied connaît son premier mouvement de liberté. On sort le jogging et les Converses de chez soi ou encore le mini short pour arpenter les rues, une véritable révolution !  Au même moment, on voit l’émergence des grandes courses mythiques, comme le marathon de New-York.

C’est dans les années 2000 que la course à pied se réinvente : plus proche de la nature et plus proche de soi. En overdose de bitume, une partie des runners se tracent un autre chemin.

Beaucoup commencent la course à pied par le trail et maintenant certains commencent même le sport par le trail

Pourquoi cette pratique, pourquoi en France et maintenant ?

Ludique telle la course d’orientation ou la chasse au trésor, le trail a cet étrange pouvoir de faire aimer l’effort : “Le trail permet l’émerveillement et la redécouverte de sa propre région, le parcours est toujours plein de surprises”, me confie Olivier. Pourquoi ce sport qui a visiblement beaucoup de qualités séduit davantage aujourd’hui ?

Selon Olivier, la pratique du trail répond à un trop-plein de chiffres, de brouhaha, de course après le temps. À l’image des citadins qui quittent la ville pour la campagne, les coureurs sont en recherche de nature et de déconnexion.
La population en a marre du rythme incessant : métro, boulot, dodo. L’espace urbain est anxiogène, le stress des objectifs au boulot est omniprésent, alors retrouver ce stress avec des objectifs chiffrés sur la montre, c’est trop ! En trail, on quitte son chez-soi, on se reconnecte à la nature et on dit “au revoir” aux objectifs de temps.” Eh oui, en trail, fini le fameux “tu vaux combien ?” (en temps). Olivier me confirme que la grande majorité des trailers·ses est fière d’être finisher. “On veut la médaille, pas le chrono, ce n’est jamais le même parcours, ça ne sert à rien d’essayer de se comparer sur une course différente.

Aux prémices du trail en France, on dénombrait 3 trails. Aujourd’hui, avec une petite dizaine de formats de course qui répondent à différents besoins, il existe plus de 2500 épreuves ! Et pas besoin d’aller bien loin pour vivre les émotions du trail : la France est un terrain de jeu idéal pour les anti-conformistes de la course à pied : “La France a tous les paysages, une température raisonnable, ça ouvre le champ des possibles au niveau des parcours”, m’explique l'entraîneur et pratiquant de trail. “Depuis quelques années, les courses sont désormais marketées. Le trail est devenu un véritable business, dans le bon sens du terme.” Cette pratique en nature favorise également le tourisme international avec plus de 100 nationalités et environ 50 000 visiteurs participant à la célèbre course Ultra-Trail du Mont-Blanc.

Physiquement, le trail est-il différent de la course ?

Le trail est différent de la course sur route, car l’environnement de pratique est varié : “Je compare souvent la course et le trail avec la voiture de circuit et celle de rallye ou le cyclisme et le VTT.” En course sur route, on travaille toujours dans l’axe et sur du plat : en trail, la variation de terrain et de dénivelé implique une condition physique plus complète, un pied très musclé. Loin de moi l’idée de dévaloriser la course sur route, mais il suffit de tester le trail pour ressentir un travail plus important des appuis et de la ceinture scapulaire (le haut du corps). Les traileur.ses complètent souvent leur pratique avec du renforcement musculaire, du yoga, du Pilates ou des sports comme la natation ou le VTT.

Qui sont les traileurs ?

Olivier se remémore le temps où les pratiquant·es de trail étaient ceux et celles qui en avaient marre de la route ou qui ne performaient plus sur le plat : bref, le trail, c’était pour les vieux et les vieilles. (Tout est relatif, être vieux dans le sport, c’est jeune pour la population lambda.) Souvent affiliés aux clubs d’athlétisme, Olivier et son équipe se sont entendu  appeler “les randonneurs” : ils ont dû gagner beaucoup de compétitions pour prouver leur légitimité et la noblesse de leurs efforts.

Les pratiquant·es du trail se considèrent comme les anti-conformistes de la course à pied, ceux et celles qui décident de s’émanciper des lignes droites et plates. Olivier me partage : “Le trail rassemble davantage de classes socioprofessionnelles +, comme des cadres et chef·fes d’entreprise.” Il me rapporte que chez ses 180 adhérent·es, l’âge médian est d’une quarantaine d’années, le plus jeune ayant 16 ans et le plus vieux plus de 80 ans ! À l’échelle de son club florissant, Olivier observe une croissance du nombre de femmes, avec 40% de runneuses.

Courir connecté pour se déconnecter

Les traileur·ses, jamais sans leur montre… Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?  J’avoue avoir été surprise quand Olivier m’a parlé de déconnexion alors que, dans la pratique du trail, la technologie est très utilisée, et surtout cette fameuse montre connectée. “La montre, en trail, ça sert surtout à nous repérer, car on peut enregistrer notre tracé. Elle nous est aussi très utile pour l'entraînement.” Ultra connectés à la montre comme à la nature, les traileur·ses prennent donc plaisir à créer des nouveaux parcours en utilisant des nouveaux sentiers balisés. Grâce à la technologie, plus besoin de course pour se challenger : il n’y a qu’à suivre un tracé tout neuf que l’on peut partager et refaire. Rien n’empêche certains et certaines de partir de façon moins préparée et de se laisser guider par les sentiers balisés ou le paysage en veillant à toujours respecter la nature et à rester en sécurité.

On intellectualise notre effort, on utilise beaucoup le dialogue interne, on apprend à se connaître, on a souvent l’impression d’avoir vécu un bout de vie dans notre course

Plus qu’un sport, une philosophie

En écoutant Olivier, je sentais la passion dans sa voix et son envie de partage au travers de ses yeux pétillants. Le trail est un art de vie avec sa propre culture. J’ai voulu parler de communauté, mais Olivier n’était pas tout à fait aligné avec ce terme bien trop “excluant” selon lui. Il a préféré le terme utilisé dans son club, “la meute”, dont voici les grands piliers.

Pilier 1 : l’entraide

Là où, en course sur route, la personne qui court à vos côtés est un adversaire contre lequel il faut jouer des coudes, en trail, c’est un partenaire qui vous tendra la main ou vous lancera des mots d’encouragements quand vous en aurez besoin. “En trail, il y a beaucoup d’interactions entre les runners·ses et on peut voir de belles arrivées main dans la main.”

Pilier 2 : la culture de l’effort

Le trail n’a pas peur des distances et du temps qu’il faut pour les parcourir. “En trail, on sublime l’effort d’endurance. Quand un traileur demande combien de temps vous avez mis sur un parcours, il valorisera toujours le temps d’effort.”

Pilier 3 : l’introspection, car le bonheur, c’est le chemin

Si le trail et la course sur route ont un point commun, c’est celui-ci : l’introspection, être tout·e seul·e avec soi-même dans l’effort et le dépassement de soi. “Le trail est le plaisir de l’autonomie, on gère notre allure, nos ravitos.” La différence avec la course sur route tient aux adaptations d’allure et de foulée très fréquentes. “On intellectualise notre effort, on utilise beaucoup le dialogue interne, on apprend à se connaître, on a souvent l’impression d’avoir vécu un bout de vie dans notre course."

Pilier 4 : le vivant

Les traileur·ses sont généralement sensibles à l’environnement. “J’ai limité le nombre d’inscrits et je varie les espaces d'entraînement pour que l'entraînement reste familial, qu’on ne soit pas trop nombreux et pour limiter l’impact environnemental. Les différents formats de trails montrent aussi la volonté d’accessibilité."

Témoinages

Brigitte, 50 ans

Je cours depuis l'âge de 14 ans, car c'est une activité qui me permet de me dépenser, de méditer, de refaire le monde, ma journée ou de défaire les problèmes et de trouver des solutions. À 14 ans, la course était un défouloir : à 18 ans, c’est une contribution à mon bien-être mental. La nature fait partie de ma vie : je suis née dans les montagnes et la course trail est ce rappel mélangeant la nature et la liberté, les grands espaces et la plénitude. La course à pied sur route est pénible et trop axée sur le temps, on entend parler de chrono tout le temps, de 3 minutes au kilo, etc.  C’est fatiguant et lassant pour moi. Le trail = liberté.

Le trail est une pratique méditative, un recentrage sur soi et sur les valeurs humaines. Il me permet de m'éloigner de toutes ces valeurs matérialistes et d'oublier le temps.
Et avec moi, il vaut mieux, car je me perds souvent : donc les kilomètres, je les enchaîne !
Un souvenir marquant : oui, le Trail des Templiers ! Premier 65 km au milieu des  Causses magique des aigles : au 59e km, une soupe chaude tandis que la nuit tombait et j'avais pas de frontale, j'attendais que les autres coureurs descendent pour m'éclairer, une vraie touriste.

Pourquoi l’engouement des néo runners au trail ?

Clément, 35 ans

J’ai commencé le trail grâce à un ami qui a vécu en Catalogne et qui est passionné de trail. J’ai commencé par un 10 km en Belgique avec lui, puis j’en ai enchaîné quelques-uns, avec ou sans lui.

Clairement, ce qui me plaît, c'est le contact avec la nature, la déconnexion, le calme, la diversité des environnements et paysages, le côté course officielle qui te permet de te dépasser… Le challenge du « toujours plus ».

Je n’aime pas trop la course sur route, car c’est redondant, ça manque de fun, c’est plus difficile à mon sens mentalement.

Le trail m’apporte de la motivation au quotidien pour relever des challenges, me surpasser, de la dopamine ! Quand je cours, j’oublie mes problèmes ou parfois je trouve des solutions à des sujets complexes, car je lâche prise.

Faire des trails m’a permis de diversifier mon activité sportive uniquement axée sur le tennis jusqu’alors. Ça développe également mon endurance et ma résistance physique.


Trail marquant : 2022, Trail Monts de Flandres, 14 km. J’ai fini 25e sur 750 participants, je n’en revenais pas ! Et sans dopage !

Séverine, 45 ans

Je cours d’abord pour le plaisir que procure l’effort physique et aussi pour garder la forme.
C’est mon frère qui m’a initiée.
Je préfère le trail parce que c’est bien plus agréable de courir au milieu de la nature (sensations différentes sous le pied, l’odeur de la nature selon le lieu) et pour la variation de dénivelés et de terrains. Le visuel est aussi bien plus sympathique.

L’argument et le changement que ça a révélé : le bien-être.
Je ne sais pas si on peut dire que c’est une philosophie de vie: le sport en général en est une. Pour moi, le trail est une réelle source de bien-être.

Le souvenir le plus marquant : ma médaille d’or au Trail du ValJoly l’année dernière !

Pourquoi l’engouement des néo runners au trail ?

Alors, on quitte la route pour les sentiers ? En tout cas, ça m’a donné envie de tester… Qui sait, je vous raconterai peut-être dans un nouvel article !

Pourquoi l’engouement des néo runners au trail ?

Céciliane

Journaliste et coach sportive

Grande adepte des activités artistiques. Toujours présente pour supporter et admirer les grands événements sportifs

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