"Une bonne fois pour toutes, on dit bien billes et pas boules"
Avant, quand je jouais au billard, c’était plutôt en mode touriste. Je me disais qu’en tirant un bon coup dans les boules, il y en a bien une qui finirait pas rentrer (en réalité, j’avais un peu plus de discernement, mais c’était presque ça). Et puis finalement, quand j’ai commencé à jouer avec mes collègues, qui eux, ne prennent pas une partie à la légère, j’ai vite compris que les grands coups de queue dans le tas de billes ne faisaient pas gagner, et que j’avais intérêt à revoir ma stratégie. Bon, et qu’on se le dise une bonne fois pour toutes d’ailleurs : on ne dit pas « boules » mais bien « billes ».
Dans lequel on vient placer les 15 billes. Et j’ai bien dit placer. Heureusement, qu’il y a au bureau un dessin qui explique comment les positionner car au début, ça parait être une science. Bon, au final, ça n’est pas si compliqué.
C’est ce que l’on m’a fait comprendre un jour. Il y eut cette fameuse après-midi, où on a froidement fait taire ma grande joie en guise d’explication. J’explique. J’avais fini. J’avais mis la bille noire, la numéro 8 (la dernière qu’il faut rentrer) dans la poche, et quelle ne fût pas ma joie quand mon tir loupé a quand même donné un résultat ! Contre toute attente, j'avais quand même réussi à rentrer la noire, dans la poche opposée ! Sauf que non, ça ne marchait pas comme ça. Vu que ça n’était pas la bonne poche, celle qui était implicitement désignée par mon regard, et bien j’avais perdu. Mes sauts de lapin pour célébrer ma joie se sont alors avérés ridicules. C’est là que j’ai compris qu’au billard, fallait pas rigoler : il y a une tripotée de règles bien établies, qu’il ne faut pas ignorer. Je ne m’en plains pas, bien au contraire. Ces règles me font mieux apprécier le billard, parce que les appliquer enrichie le jeu. Finalement, ce jeu de billes dispersées sur un tapis vert s’est transformé en bataille navale améliorée : il fallait faire preuve de réflexion, de stratégie, de précision, il ne fallait pas juste taper dans le tas. Les choses commençaient à devenir plus qu’intéressantes.
Eh non ! A ne pas si méprendre : au billard, ça n’est pas au petit bonheur la chance !
« Tiens une bille là, bon ben je vais tirer dedans et je vais voir où est-ce que ça rentre », vous l’aurez compris, ce n’est pas comme ça qu’il faut faire.
« La 6, au fond à gauche », voilà qui sonne le glas, rien ne va plus, les jeux sont faits. Et si par malheur la 6 rentre bien, mais à droite plutôt qu’à gauche, l’annonce est fausse. Là où on aurait dû rejouer car la bille était rentrée dans la poche, et bien on passe gentiment le flambeau à son adversaire.
On joue donc dans l’objectif de rentrer une bille dans une poche donnée (ou pour faire un coup défensif / offensif), mais on ne joue pas juste pour voir ce que cela donne. Annoncer une action permet donc d’être sûr que le joueur a une stratégie, un objectif en tête.
Anticiper est une très bonne chose, mais jouer avec précision en est une autre, et pas des moindres. La plupart du temps, je joue trop fort. Je dois aimer la sonorité du choc des billes entres-elles ou entendre retentir dans la poche du billard mon coup gagnant, car j’y vais souvent avec beaucoup trop d’enthousiasme. Jouer avec enthousiasme, c’est bien dans plein de sports où l’on doit jouer fort, mais dans le cadre du billard, il faut parfois savoir le tempérer. Pour être précis, il vaut mieux jouer avec finesse, cela nous permet d’être plus exacts.
Il y a en fait plusieurs façons d’être précis. Et il ne faut pas choisir une façon plus qu’une autre, il faut être bon dans chacune de ces façons. Le b.a.-ba, c’est de savoir viser, pour au moins être sûr de toucher sa bille (sinon c’est faute !). Il faut aussi savoir doser les coups, appliquer sa visée, pour rentrer la bille et faire en sorte que la blanche ne rentre pas avec. L’idée aussi, c’est de faire un coup qui permet de bien replacer la bille blanche pour le tour d’après. Bien sûr, il faut aussi savoir tenir sa queue correctement, bien maîtriser le geste.
La manière de placer la main (appelé aussi le chevalet) sur le tapis doit également être efficace, pour permettre à la queue d’être stable.
Quand on commence à bien pratiquer, on peut vouloir se perfectionner, et mettre (ou tenter de mettre, pour ma part), de l’effet sur la bille blanche. Mettre de "l’effet latéral" (à droite ou à gauche du centre de la bille blanche) permet qu’après l’impact sur la bande, la bille blanche accentue ou change de direction. Cela dans le but d’atteindre une autre bille ou bien qu’elle se replace à l’endroit voulu. On m’a appris aussi 3 autres types d’effets : on peut, par exemple, faire un « carreau », c'est-à-dire tirer dans la bille blanche d’une certaine façon pour qu’elle s’immobilise après avoir toucher l’autre bille. On peut jouer avec un effet « rétro », ce qui permet que la bille blanche recule après l’impact. L’effet dit « coulé » permet à la bille blanche de continuer son chemin après avoir impacté une autre bille.
Pour moi le billard, c’est aussi un moment de partage. J’apprécie beaucoup plus jouer dans le but de progresser et d’échanger avec mon adversaire sur les coups à mener, que pour gagner une partie à tout prix. C’est aussi ça qui est plaisant au billard : on se retrouve souvent à plusieurs autour de la table, et on s’interroge sur le meilleur coup à faire. On dirait un genre de communauté secrète, en train de monter un plan machiavélique.
Ces échanges permettent d’approfondir sa propre logique et d’appréhender une partie autrement, de manière plus technique. Certains de mes collègues ont cette fibre pédagogique, et les parties avec eux sont celles que je préfère.
Donc oui, lorsque l’on joue, il faut être concentré, maîtriser sa respiration, son geste, viser, être précis, mais on peut aussi débattre autour de la table et selon avec qui on joue, progresser !
En fait, quand on joue au billard, il faut réfléchir, et j’avais pour ma part un peu sous-estimé cet aspect. Je prenais le jeu comme un loisir sympathique uniquement, pas comme un divertissement intellectuel. Alors qu’il faut bien le dire : si on ne réfléchit pas lorsque l’on joue au billard, on a peu de chances de gagner !