Oui, ce fut dur de choisir. Les bandes dessinées et romans graphiques qui parlent de sport se bousculent en effet au portillon… Des générations et des générations d’auteurs (et de lecteurs) se sont passionnés pour le sport, sur tous les tons et dans tous les styles.
Il y a d’abord, bien sûr, les vétérans : ce bon vieux Michel Vaillant, le pilote fort et sexy qui fit rêver les lecteurs du magazine Tintin à partir de 1957 ; ou les Gaulois dopés à la potion magique du Astérix aux Jeux olympiques de 1968. Il y a ensuite ces sportifs « vintage », comme les mythiques Olive et
Tom, footeux stars des années 80, dans un manga devenu série TV à succès. Mais aussi les héros des années 2000, tels que les courageux alpinistes du Sommet des dieux (du Japonais Jirō Taniguchi). Il y a enfin les p’tits nouveaux, à l’instar du tennisman sensible Max Winson (Jérémie Moreau), ou de la jeune danseuse Polina (Bastien Vivès). Bref, il y avait l’embarras du choix. Mais parce qu’il faut bien choisir, voici cinq œuvres que L’Eclaircie a particulièrement aimées.
Amsterdam, le 5 août 1928. La 9e édition des Jeux olympiques bat son plein, et l’heure de l’une des épreuves reine a sonné : le marathon. Parmi les dizaines de concurrents qui se massent sur la ligne de départ, il y a le dossard 71. Totalement inconnu au bataillon, il arbore pourtant les couleurs bleu blanc rouge… Oui mais : il s’appelle Ahmed Boughéra El Ouafi, et il est en né en Algérie, cette terre colonisée et mise au pas par les Français.
A 15h14, le départ est lancé. Ahmed s’élance. Notre petit ouvrier de chez Renault ne pèse pas lourd à côté des grands favoris que sont l'Américain Joie Ray, les Finlandais Martellin et Laaksonen, ou le Canadien Bricker. Sauf que 2 heures, 32 minutes et 57 secondes plus tard, coup de tonnerre : la médaille d’or est pour lui. Ce sera même la seule d’un athlète français lors de ces J.O.
Paru en 2021, l’album du dessinateur Nicolas Debon raconte cette course, et l’histoire (vraie) d’Ahmed Boughéra El Ouafi, sportif émérite violemment balayé par l’histoire parce que perçu comme Français de seconde zone.
Attention, préparez-vous à découvrir le foot comme vous ne l’avez jamais vu. Dans cet album devenu un classique de la BD française, le dessinateur roi de la science-fiction Enki Bilal et le scénariste Patrick Cauvin anticipent le terrible destin du ballon rond...
Nous sommes en l’an 075 et Stan Skavelicz, un commentateur sportif retraité depuis belle lurette revient sur un épisode de l’histoire dont il fut le témoin : la mort d’un jeu appelé « football ». Ou comment, rongé par la violence, l’argent et la technologie, le foot a sombré pour finalement disparaître.
Stades climatisés, mondialisation du foot, technologies omnipotentes et même invention des paris sportifs en cours de partie : l’album, pourtant écrit il y a… 34 ans, est aussi visionnaire que puissant. Lauréat du Grand Prix du Festival d'Angoulême à sa sortie en 1987, Hors-Jeu est a été réédité en 2018. Immanquable !
Allez hop, autre ambiance : tous à l’eau. Direction ce lieu si typique qui a baigné nos enfances, et baigne encore le quotidien de beaucoup d’entre nous, avec ses carrelages ébréchés, ses douches tièdes et son eau qui goûte le chlore : notre bonne vieille piscine municipale.
Pour composer cet album, Bastien Vivès, figure de la nouvelle BD française, s’est inspiré de la piscine Pontoise, dans le 5e arrondissement de Paris, où il a lui-même aimé barboter. Il nous y raconte les liens sensibles qui se nouent entre un jeune homme venu soigner sa scoliose à coup de laborieuses longueurs, et une nageuse très douée, dont il tombera sous le charme.
Le dessin est épuré, le récit poétique, et le tout risque bien de vous donner une furieuse envie d’enfiler votre maillot et d’aller vous jeter dans le grand bassin pour tomber amoureux•se.
C’est une histoire d’Amérique, d’hommes et de boxe. Celle d’Emile Griffith, un jeune Caribéen émigré aux Etats-Unis au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Repéré pour sa carrure et sa force, il est enrôlé comme boxeur. Avec succès : sur le ring, Griffith fait des merveilles. Au point de devenir champion du monde en 1961, puis à nouveau en 1962, en 1963, etc.
Derrière l’exploit sportif, pourtant, il y a une vie survolée par les ombres : le racisme (il est noir), l’homophobie (il aime autant les hommes que les femmes), et la culpabilité qui ronge, après qu’un de ses combats, en 1962, a entraîné la mort de son adversaire...
Le scénariste et dessinateur allemand Reinhard Kleist relate ici cette histoire vraie belle et brutale, faisant dialoguer le sport et l’intime dans un noir et blanc puissant.
Dans ce roman graphique, le jeune surfeur et dessinateur californien AJ Dungo entremêle deux récits distincts. Le premier est historique : c’est celui de l’amitié qui se noue, au début du XXe siècle, entre Duke Kahanamoku et Tom Blake, deux pionniers du surf à qui la discipline doit beaucoup de sa popularité contemporaine.
Le second récit est autrement plus personnel, et poignant : l’auteur y dit la perte de sa jeune compagne Kristen (elle-même surfeuse), vaincue par le cancer, et le long deuil qui a suivi. Un deuil qu’AJ Dungo a décidé de traverser en écrivant, en dessinant, et en surfant, lui aussi, les vagues du Pacifique.
Traduit en français en 2019, In Waves livre un témoignage à la fois intime et documentaire, où le surf relie les êtres, aide à vivre et adoucit les peines.