#ITW Thomas Bauer, président de l’association des écrivains sportifs

#ITW Thomas Bauer, président de l’association des écrivains sportifs

Sport et littérature vont bien ensemble. Pour mieux comprendre, nous avons rencontré Thomas Bauer président de l'Association des écrivains sportifs.

Du boxeur K-O au cycliste échappé en passant par l’alpiniste en souffrance et le footballeur au geste sauveur, les sportifs offrent aux écrivains une matière première en or massif. Avec au moins un grand vainqueur… : le lecteur. Ou la lectrice.

#ITW Thomas Bauer, président de l’association des écrivains sportifs

« La littérature révèle le sport dans toute sa complexité. »

On pourrait les penser antinomiques et pourtant : sport et littérature vont (très) bien ensemble. C’est même un vieux couple en pleine forme, qui a su traverser les époques avec fougue et passion. Il faut dire que le premier a tout pour plaire à la seconde, avec ses grands gagnants et ses perdants magnifiques, ses joies collectives et ses peines solitaires, ses exploits historiques et ses adversités tempétueuses…

Pour mieux comprendre ce phénomène culturel, L’Éclaircie a rencontré Thomas Bauer, docteur en littérature française et président de la bienheureuse « Association des écrivains sportifs ». Il nous livre ici un petit cours d’histoire et quelques précieux conseils de lecture sportive.

Pour commencer, depuis quand la littérature s’intéresse-t-elle au sport ? 

C’est une histoire ancienne ! La littérature sportive est en fait née avec le sport moderne, dans la seconde moitié du XIXe siècle. Son premier terrain de jeu a été la presse sportive, qui se développe à partir des années 1860, avec un âge d’or à la Belle époque. Les journaux d’alors font appel à des plumes pour raconter les grands événements, et faire vibrer les lecteurs. Le sport devient une véritable matière à feuilleton. L’un des premiers grands maîtres de ces récits sportifs est Pierre Giffard, un grand reporter qui deviendra rédacteur en chef de l’un des tout premiers quotidiens sportifs, Le Vélo.

#ITW Thomas Bauer, président de l’association des écrivains sportifs

C’est peu connu mais la France compte d’ailleurs depuis 90 ans une « association des écrivains sportifs »…

Hé oui. L’AES a été créée le 17 juillet 1931 à Paris par Tristan Bernard, qui était à la fois dramaturge et… arbitre de boxe. L’idée de cette association a germé après la Première Guerre mondiale, dans un petit cercle d’érudits et d’artistes amateurs de sport. Dès 1919, ils se retrouvaient le dimanche pour pratiquer ensemble, dans un petit stade à Paris. On y trouvait aussi bien le compositeur Igor Stravinsky que l’écrivain Paul Vialar ou le critique littéraire Dominique Braga. Puis les écrivains se sont organisés pour créer l’AES, qui existe encore aujourd’hui. Son rôle est de promouvoir le sport par l’entremise des livres, grâce notamment aux différents prix littéraires que nous décernons chaque année.

Que permet, selon vous, la littérature ?

Le sport est une matière riche et multidimensionnelle… encore faut-il pouvoir l’expliciter. C’est là toute la force de la littérature : trouver les mots justes pour chanter les exploits et célébrer l’héroïsme, mais aussi décrypter les ressorts psychologiques de telles épopées, explorer la dimension sociale des parcours individuels, dénoncer les dérives de certaines disciplines, etc. La littérature révèle le sport dans toute sa complexité.

Depuis son émergence, la littérature sportive a-t-elle connu des âges d’or en France ?

Oui, absolument. Ils correspondent en fait aux grands évènements sportifs internationaux, qui dopent la production des écrivains. On peut par exemple citer les Jeux de 1924, à Paris. Ils furent l’occasion pour l’avant-garde littéraire et artistique de l’époque de se saisir du sport comme nouveau sujet d’inspiration. On assiste ainsi à une floraison de textes dans les années qui suivent, notamment de la poésie sportive, un genre très couru dans les années 20 et 30.

Autre temps fort, plus récent : la victoire de l’équipe de France de foot en 1998. Elle a eu un effet incroyable ! Après des décennies assez calmes, les intellectuels français se sont de nouveau intéressés au sport, et la production littéraire est repartie de plus belle, décomplexée et protéiforme. Aujourd’hui encore, en 2021, elle reste très vigoureuse.

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Y a-t-il des sports qui inspirent plus que d’autres les écrivains ? 

Cela dépend en fait des époques. À l’origine, on écrit surtout sur l’hippisme, le sport automobile et le vélo.

La bicyclette, en particulier, est LE sport à grand spectacle du début du XXe siècle ; l’équivalent du football aujourd’hui. Les vélodromes font le plein et le tour de France, créé en 1903, passionne les foules et pousse donc les journaux à investir dans le récit, dans la belle plume.

La boxe, aussi, est une des stars de la littérature sportive du siècle dernier.

#ITW Thomas Bauer, président de l’association des écrivains sportifs
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Et aujourd’hui ? 

Sans surprise, le sport roi est le football. Depuis une vingtaine d’années, on trouve sur le sujet des textes formidables. De l’Éloge de l'esquive, d’Olivier Guez, à l’Éloge du mauvais geste, d'Ollivier Pourriol, en passant par La Mélancolie de Zidane, de Jean-Philippe Toussaint, nombreux sont les essais et romans passionnants sur le foot.

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En matière de littérature sportive, quels sont vos propres coups de cœur ? 

Oh il y en a beaucoup ! Je citerai d’abord Quinze rounds, de Henri Decoin, un ouvrage qui m’a beaucoup marqué. C’est une plongée fascinante dans la tête d’un boxer le temps d’un combat. Soit un long et poignant monologue intérieur, très direct et puissant.

Publié en 1930, il a été réédité en 2021 aux éditions L’arbre Vengeur. Toujours sur la boxe, je conseille aussi Scènes de boxe, d’Elie Robert-Nicoud, qui était lui-même fils de boxeur professionnel.

Côté ballon rond, j’aime beaucoup Un printemps 76, de Vincent Duluc, journaliste à L’Équipe. Ce dernier y raconte la fièvre du foot à St Etienne lors de cette année mythique pour les Verts (ils arrivèrent en finale de la Coupe d’Europe des clubs champions). Enfin, difficile de faire l’impasse sur Bernard Chambaz, et son très beau Plonger, qui raconte le destin tragique du gardien de but allemand Robert Enke. Il faut le lire !

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Cela fait beaucoup d’écrivains… et les écrivaines dans tout ça ?

C’est une bonne question. Pendant longtemps, la littérature sportive fut effectivement l’apanage des hommes. Mais depuis quelques années, ça change. De plus en plus d’écrivaines se saisissent du sujet. Citons par exemple Cécile Coulon (une grande adepte de la course à pied) et son Petit éloge du running (2018) ; ou Lola Lafon, avec La petite communiste qui ne souriait jamais (2014), un superbe roman sur la jeune gymnaste roumaine Nadia Comăneci.

Il y a aussi, plus récemment, L’Appel, le premier roman de Fanny Wallendorf, paru en 2019. Il s’inspire de l’histoire vraie du sauteur en hauteur américain Dick Fosbury, resté célèbre pour avoir popularisé le saut en rouleau dorsal à la place du ciseau. Une technique avec laquelle il a remporté le titre olympique à Mexico en 1968. Enfin, en 2021, Valentine Goby a publié Murène, un très beau texte sur un nageur privé de bras et sur l’émergence du handisport. Avec les écrivaines, le sport dans la littérature a donc un bel avenir !

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Propos recueillis par Benjamin

Badminton (en double, c'est plus rigolo) le mardi et brasse coulée le samedi, telle est ma petite routine. Entrecoupée de longues marches en ville et de vélo à la campagne.

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