« A L’Équipe, nous voyons l'eSport comme une discipline sportive ». Ou comment un journal fait évoluer la perception d'une discipline.
Journaliste à L’Équipe, Paul Arrivé couvre l'eSport pour le quotidien sportif de référence qui a décidé de faire une place, dans ses pages, au sport virtuel qu'elle traite au jour le jour, comme n'importe quel autre sport. Un choix encore parfois mal compris par certains lecteurs, mais qui a fait évoluer le journal et accompagne aussi la croissance de la discipline.
Je suis arrivé dans la rédaction courant 2016, après la publication par le journal d'un webdocumentaire, « Génération eSport ».
Il a été produit par le quotidien au cours du deuxième semestre 2015. À ce moment-là, L’Équipe a trouvé intéressant de se plonger dans cet univers qui commençait à prendre de la place. Et cela a été un succès monstre en termes d'audience. Il s'est même retrouvé traduit en anglais sur Reddit par des fans d'eSport qui trouvaient incroyable qu'un média traditionnel s'intéresse aussi longuement à la discipline, plus confidentielle qu'elle ne l'est encore aujourd'hui.
À la suite de ça, la rédaction en chef a décidé de créer une rubrique sur le site du journal, pour suivre au quotidien l'actualité de l'eSport. Je n'avais pas réalisé ce webdoc, mais j'y avais participé. Quand la rubrique s'est créée, on a donné mon nom.
La discipline s'est installée naturellement, mais elle est en réalité encore assez confidentielle. Je suis tout seul en CDI sur l'eSport, qui reste une toute petite partie des sujets traités. Quelques journalistes ont des doutes, ont du mal à comparer les performances de la discipline aux marathoniens ou aux sports collectifs qui occupent une place importante dans nos pages. En effet, ce n'est pas la même chose.
Mais globalement, la réception est assez bonne. J'ai le soutien de ma rédaction en chef et autour de moi, on a plutôt un regard assez curieux, d'autant qu'avec la pratique de l'eSport, vient aussi l'évolution des modes de diffusion, Twitch, le streaming... et des événements comme le Z Event.
Il s'est agi dès le départ, de présenter les compétitions, raconter comment elles se déroulent, présenter les principaux acteurs, parler aussi des questions de fond que pose la discipline... Exactement comme nous le faisons dans le foot, le rugby ou le tennis.
Avec la nuance, qu'au démarrage, c'était plus compliqué de développer une couverture totale sur l'eSport, j'étais un peu tout seul, et ce n'est pas une discipline unique ! A L’Équipe, nous voyons l'eSport comme une discipline sportive, parce que c'est un sport, dans sa structure compétitive. Couvrir la Coupe du Monde de League of Legends, c'est comme couvrir la Coupe du Monde de Foot, en réalité. Elle est faite de compétition, d'équipes, avec des coachs, un staff. L'approche que nous avons est une approche de résultats, nous revenons sur les aspects psychologiques d'un match, les performances individuelles ou collectives de joueurs, de choix tactiques de coachs... Ce sont les mêmes questions que l'on pourrait poser à des joueurs de foot.
C'est dur à analyser. Il y a pas mal de gens qui ne venaient pas avant et qui vont nous lire puisqu'on fait de l'eSport et qu'eux s'intéressent à la discipline.
Des fans de sport qui se sont intéressés à l'eSport ? On le voit dans quelques commentaires parce qu'on en parle de plus en plus, et parce que des français s'illustrent par leurs performances... Évidemment, on a aussi des réactions du lectorat plus endémique de L'Équipe, qui sont assez agressifs. Je pense, je crois, qu'on a affaire à une minorité.
On a même eu des retours de jeunes qui ont discuté eSport avec leurs parents après qu'ils aient vu qu'on en parlait dans le journal ! Cela crée comme des passerelles générationnelles.
On arrive, modestement, à crédibiliser la discipline auprès de parents. C'est assez gratifiant.
Nous essayons d'insister beaucoup sur le fait que ce n'est pas une discipline ouverte à tous (et à toutes), qu'elle demande beaucoup de travail, que ce n'est pas un substitut au sport. On ne rabâche pas tous les jours la même chose, mais on essaie de faire comprendre une discipline qui a encore beaucoup de travail pour se perfectionner.
On manque d'accompagnement des jeunes, d'eSport études, d'accompagnement dans la reconversion des joueurs. On essaie d'aider sur ces sujets, de pointer du doigt des lacunes, d'expliquer le fonctionnement du milieu tout en suivant l'actu au quotidien.
En marge des compétitions d'eSport, des fédérations sportives utilisent des jeux de simulation à des fins d'entraînement.
C'est le cas, par exemple, de Zwift, programme d'entraînement multijoueur de cyclisme ou des nombreux jeux de simulation de course pour la Fédération Internationale de l'Automobile. Ladite fédération déploie également un système de « e-licences », afin d'utiliser les jeux de simulation de course automobile, à la manière d'outils éducatifs pour apprendre à des futurs pilotes à conduire et à connaître leurs règles. C'est un outil d'entraînement quand la piste n'est pas praticable... ou quand, au hasard, on est cloîtré•e chez soi à cause d'un confinement. Pour l’encadrement, l'outil est aussi taillé pour détecter des talents potentiels.