Un voyage à vélo de 2 mois, 3000 km et 200 femmes rencontrées, Louise et Océane sont de retour et nous parlent de leur expérience.
Si la pratique du vélo au féminin existe depuis très longtemps et sert l’émancipation des femmes depuis pas mal de temps aussi, ça n'en est pas moins un sujet actuel. Le film "Les échappées" questionne autant qu'il transmet cette folle envie d'enfourcher un vélo pour partir à l'aventure.
Le projet a démarré avec le livre de Louise Roussel “A vos cycles, le guide du vélo féminin”, Louise avait alors interviewé une vingtaine de femmes, aux profils variés et avec des pratiques du vélo très différentes aussi.
Océane Le Pape partage la vie de Louise. Après s'être toutes les deux beaucoup engagées pour aider à démocratiser la pratique du vélo, elles ont eu l'envie de voyager... à vélo. Alors entre le livre et l'envie de vélo-voyage, émerge une idée : parcourir la France à vélo, à la rencontre de ces femmes. Et d'en sortir un documentaire, qu'elles présentent comme "Un road movie à vélo, à la rencontre de celles qui roulent, travaillent et luttent pour ouvrir la voie."
Chez Conseil Sport DECATHLON, leur projet nous a emballé•es ! On a décidé de les soutenir en finançant le film.
Océane résume leur objectif : "donner envie au plus grand nombre possible de personnes de faire du vélo, en particulier celles et ceux qui en sont le plus éloignés." Comment vouliez-vous que ça ne nous parle pas ? ;)
Aujourd'hui, elles reviennent avec nous sur les moments marquants de cette aventure et apportent quelques propositions pour faire bouger le monde du vélo.
2020 : Sortie du livre "À vos cycles, guide du vélo au féminin"
Printemps 2021 : voyage à vélo, 3000 km, 200 femmes rencontrées
2022 : Sortie du documentaire, tournée dans la France entière
2023 : Documentaire dispo en ligne, stay tuned ;)
Océane : l’étape entre Saint-Nazaire et Nantes, qui a commencé avec la traversée du pont de Saint-Nazaire, un pont assez impressionnant, vraiment fait pour les voitures… On a eu de la chance, il y avait une voie de circulation fermée pour travaux. On a donc pu le prendre de façon un peu plus sereine, malgré des rafales à 70 km/h…
On a ensuite longé la Loire jusqu’à Nantes, avec un peu de soleil, le vent dans le dos… L’étape du bonheur, après 2 semaines de pluie avec un peu de dénivelé en plus…
Louise : Moi j’étais en vélo cargo, donc plus compliqué dès qu’il y a une montée… Et quand on s’est retrouvées en Normandie, en Suisse normande, où ça fait que monter et descendre, sous la pluie… J’avais des petites sur-chaussures, pleines d’eau, ça faisait floc-floc…, on se demandait ce qu’on faisait là, à vouloir parler liberté et émancipation… alors qu’on est juste en galère ! Heureusement Océ était derrière, à m’encourager…
Océ : des pistes cyclables plus larges, plus sûres. La pratique du vélo en ville reste très genrée : les femmes vont faire les courses, déposer (et récupérer) les enfants à l’école… elles ont besoin d’infrastructures plus larges, plus sécurisées. Ce qui fait que même dans les villes les plus cyclables, on n’est encore qu’à 40% de femmes. Et 40%, c’est le meilleur chiffre trouvé !
Louise : sur la partie plus sportive, ça passe par la médiatisation. Ce projet permet de rendre visibles, de mettre en lumière toutes ces femmes, et permettre à des femmes, peut-être des petites filles, de se dire “moi je veux être comme Swanee, je veux fabriquer des vélos, ou je veux être comme Gaëlle je veux voyager, ou je veux être comme Marion, je veux faire du sport de haut-niveau."
Aujourd’hui, il n’y a que 10% de femmes à la fédération française de cyclisme. Donc médiatiser le sport féminin, et donner de l’argent au sport féminin permettra de créer des vocations.
Même si les choses s'améliorent, il est nécessaire de rappeler que les cyclistes femmes gagnent encore bien moins leur vie que leurs collègues masculins.
La faute à qui, à quoi ? La Voix du Nord explique que les courses doivent se faire un nom pour attirer les sponsors. Il est clair que pour sortir du cercle vicieux, il faut choisir de donner un espace médiatique à ces événements sportifs. Le Tour de France féminin de cet été apporte un nouvel élan et nourrit bien des espoirs d'évolution sur la question.
L : Historiquement, les femmes sont surtout moins visibles dans ce domaine. À ce sujet, je recommande de livre de Lucie Azema (on en parle dans cet article : nous aussi on l'a bien aimé !), Les femmes aussi sont du voyage, où on lit que les femmes sont extrêmement minoritaires dans les récits d’aventure et les récits d’exploration parce qu’historiquement la place des femmes est plutôt domestique.
O : Oui et non, Titiou Lecoq vient de sortir un livre sur l’histoire par les femmes (Grandes oubliées, Pourquoi l’Histoire a effacé les femmes) dans lesquelles elle explique que c’est aussi une théorie, de dire que la place des femmes est domestique : on se rapprocherait plus de la vérité en disant qu'on ne les a pas laissées entrer dans l’histoire, malgré une présence bien réelle. Il y a des femmes exploratrices. Il y a des femmes scientifiques.
Bref, oui cette envie d’ailleurs et d’aventure est très mixte en fait.
L : Ce qu’on a pu observer au fil de nos rencontres, c’est que cette envie ne s’exprime pas de la même manière. Si on prend l’exemple de Gaëlle, qui a fait un truc de dingue en traversant le lac Baïkal, elle explique qu’elle cherchait de belles lumières, un son tamisé par le froid… Alors qu’un homme a fait deux semaines après, et lui raconte le nombre de kilomètres par exemple. Il était dans un récit mesuré, statistique…
L’envie reste la même.
O : C’est aussi peut-être lié au fait que c’est moins attendu : une femme aventurière sort de l’ordinaire alors qu’un homme aventurier, c’est plus commun, plus valorisé.
O : Je vais m’éloigner de la question pour y répondre…
On a rencontré Charlotte Brun, qui a travaillé sur les cours de récréation. L’idée : voir comment la cour de récré peut influencer la place que l’enfant prendra ensuite dans la ville.
Traditionnellement, les cours de récréation en France, étaient construites autour d’un terrain central de jeu collectif, souvent de foot, souvent occupé par des garçons, souvent les plus sportifs, les plus dynamiques… et les petites filles restaient sur le côté pour des activités “plus douces” de discussions, de lecture… On a compris que ça influençait, des années plus tard, la place à laquelle la femme pensait avoir droit dans l’espace public. Les hommes utilisent plus le cœur du trottoir quand les femmes marchent côté murs. Et cela vaut aussi pour l’espace politique, professionnel… Le lien avec le vélo ? Changer, dans les esprits, la place à laquelle chacun à droit.
Dans cet épisode, et dans le cadre de la réalisation de leur documentaire, Océane et Louise, fondatrices de l'association Un autre cycle, partent pour un tour de France à vélo à la rencontre de quelque 200 femmes qui font, elles aussi, du vélo. L'idée ? Mettre en lumière ces cyclistes et comprendre leur démarche d'inclusion du vélo dans leur quotidien : pour voyager, faire du tourisme, en guise d'outil de transport, ou en tant que moyen d'émancipation… vous le verrez, le vélo est (toujours) bien plus qu'un simple vélo !
Au cours de ce périple long de 2 mois et de 3 000 kilomètres, Océane et Louise reviennent pour nous sur 4 jours qui les ont particulièrement marquées : ceux passés aux côtés de Sarah, la conquérante aux yeux qui pétillent, aussi connue pour être la première femme à être entrée dans la Mecque à vélo. Entre Toulouse et Montpellier, sur fond de champs de coquelicots et de flash-back entre le Caire et la Mecque, faites le plein de good vibes, de levers et de couchers de soleil, mais aussi de respect partagé, et de prise de conscience quant aux multiples places qu'occupent les femmes dans ce monde et à leurs capacités à tracer leurs propres itinéraires, en deux-roues ou non.
Bref, voir le monde à vélo, c’est un grand voyage, certes, mais surtout le point de départ d'un nouveau mode de vie plus simple, plus authentique, où l'on transporte ses rêves et ses revendications dans son sac à dos et où nos rencontres siègent avec bienveillance sur notre porte-bagages… Et cela, Océane, Louise, et Sarah en parlent à merveille !
Envie de voir le docu sur grand écran ? Jetez un oeil à l'agenda des projections, il y a en a peut-être une près de chez vous.
Et sinon, vous pouvez toujours proposer à votre cinéma de quartier d'en organiser une :) Ou patienter jusqu'à sa mise en ligne en 2023.
De notre côté, le nez dans les cartes "ce merveilleux objet de rêves" - comme le dit si joliment une cycliste dans le docu - on cherche notre prochaine destination de voyage à vélo !