préparation mentale

Force mentale : quelle place dans les performances sportives ?

On dit souvent qu’en matière de sport et de performance, « tout se joue dans la tête ». Mais est-ce vraiment le cas ? Et si oui, comment fait-on alors pour muscler son mental ? Réponse avec un pro, Adrian Dutertre, préparateur mental d’une dizaine d’athlètes aux derniers Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.

Garder son sang-froid sur une balle de match, ne pas baisser les bras en plein semi-marathon, faire le vide pour tirer une pénalité, digérer une défaite… Le sport, qu’on soit pro ou amateur.rice, est rempli de moments - souvent intenses - où le mental est mis à rude épreuve. La technique et les muscles ne suffisent alors plus. Il faut mobiliser d’autres ressources, d’autres aptitudes, pour maîtriser toutes ces pensées qui nous animent, en positif ou en négatif : c’est ça, la force mentale, ou force d'esprit.

Qu'est-ce que la force d'esprit, ou force mentale ?

Et si c’était finalement là, dans nos têtes, que tout se jouait ? Qu’un match ou une course basculaient ? Pour y voir plus clair, on a posé la question à Adrian Dutertre, préparateur mental depuis douze ans. Titulaire d’un Master Psychologie et STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives), il a accompagné neuf athlètes nationaux et internationaux, hommes et femmes, aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, en athlétisme, canoë, volley ou encore judo.

« Chaque humain est traversé, chaque jour, par des dizaines de milliers de pensées, dont certaines sont contraignantes et limitantes », explique en préambule Adrian Dutertre, « La force mentale, c’est être capable de les mettre à distance et de décider de l’importance qu’on leur accorde. En somme, c’est être libre face à nos pensées pour mieux vivre les événements (sportifs) dans le présent. »

Deux notions s’opposent ici, souligne le coach : le contrôle vs. la maîtrise. C’est la seconde qui fonde la force d'esprit. « Le contrôle, c’est scénariser à l’avance un futur qui est pourtant, par définition, incertain. Générateur de stress et de frustration (car rien ne se passe jamais tout à fait comme prévu), le contrôle est donc, pour un.e sportif.ve, le meilleur moyen… d’aller dans le mur ! » À l’inverse, la maîtrise est une gestion de l’incertitude : « C’est savoir que l’on aura la solution quel que soit le scénario du match ou de la course ». On n’est alors plus dans l’anticipation, mais dans le temps présent.

Comme la force physique, la force d'esprit n’est pas figée et se cultive : avec de l’entrainement, on peut l’augmenter et la solidifier.

La force mentale : pour qui et pourquoi ?

Depuis longtemps déjà, la préparation mentale est au cœur du sport de haut niveau. La plupart des sportif.ves pros sont ainsi accompagné.es de coachs qui entrainent leurs cerveaux en amont des compétitions. Mais est-ce pour autant réservé aux champion.nes de l’athlé, aux joueur.euses professionnel.les ou aux cadors de leurs disciplines ? La réponse est… non, évidemment. 

Développer sa force mentale : un truc de pro ?

« Ce type de préparation n’est absolument pas réservé à une élite ou à des sportif.ves professionnel.les. C’est vraiment pour tout le monde », insiste notre spécialiste, qui accompagne lui-même des particuliers. « Il y a même plein de bonnes raisons de se tourner vers la préparation mentale », ajoute-t-il, « par exemple pour préparer son premier semi-marathon, pour se remettre en mouvement après une longue interruption, pour commencer un nouveau sport, pour être plus à l’aise en match, etc. »

Force mentale : une notion utile au quotidien

À noter que la force d'esprit acquise dans le sport sera aussi utile dans la vie quotidienne, pour affronter des épreuves ou des évènements de la vie pro ou perso. « Passer le permis, préparer un concours, gérer une reconversion… En la matière, ce qui fonctionne dans une compétition sportive est aussi valable dans d’autres moments de la vie ! », explique ainsi l'expert.

Force mentale : quel impact sur les performances sportives ?

S’il est évidemment difficile à chiffrer précisément, l’impact de la force d'esprit est assurément très grand. Selon les quelques études scientifiques disponibles sur le sujet, la force d'esprit expliquerait ainsi, à capacités physiques égales, entre 40 et 90 % des performances sportives.

Des estimations qui ne surprennent pas vraiment Adrian Dutertre… « Selon moi, tout, absolument tout, dans le sport, est une question de mental ! » Et ce même en dehors de la dimension compétitive : « De la décision même de faire du sport à la discipline requise pour s’entraîner, en passant par la gestion des émotions durant l’effort ou la persévérance dans la durée, tout ça relève en effet de notre capacité à maitriser nos pensées, et donc de notre mental ».

Comment être fort ou forte mentalement ? Comment développer sa force mentale ?

Être fort mentalement n’est pas inné. C’est une aptitude qui s’apprend et se perfectionne. 

La priorité ? « Travailler sur des intentions plutôt que sur des objectifs ». Autrement dit, au lieu de se focaliser sur le résultat espéré (la victoire, le chrono, la reconnaissance des pairs, etc.), il s’agit plutôt de se projeter dans ce qui sera notre manière d’être pendant l’effort. « Être fort mentalement, c’est être avant d’avoir », martèle d’ailleurs le coach. Exemple d’intentions qu’un.e sportif.ve pourrait choisir : « Je veux être solide pendant mon match », « je veux être ouvert.e et souriant.e sur le terrain », ou encore « je veux être concentré.e pendant ma course ».

Une fois ces intentions de manière d’être établies, il existe des techniques bien précises pour développer et entretenir cette force. Adrian Dutertre en priorise trois principales : 

1. La respiration consciente

La respiration est LA pierre angulaire de notre équilibre mental. « Physiologiquement, déjà, le fait d’inspirer longuement par le nez mobilise les nerfs trijumeaux, qui envoient un message d’apaisement au cerveau ». La respiration est donc un passage (presque) obligé pour être plus fort.e mentalement.

Dans la pratique : « Inspirer par le nez silencieusement pendant 4 à 7 secondes, puis expirer lentement. Et répéter 5 à 10 cycles, selon le temps disponible ». Attention cependant à ne pas forcer sur sa capacité pulmonaire. « On vise une amplitude de respiration de l’ordre de 80-20 : c’est-à-dire qu’on inspire et qu’on expire environ 80% de l’air de ses poumons, et on en garde 20%. » On peut aussi associer ce temps de respiration à une intention, « afin d’orienter positivement le dialogue intérieur pendant l’exercice ».

2. La méditation

La méditation est un outil puissant pour renforcer notre mental. Le but ? « Apprendre que nos pensées ne nous définissent pas, qu’elles passent et qu’il ne faut pas leur donner trop d’importance. » L’effet de ce lâcher-prise peut être très utile dans le sport, car « en diminuant le volume sonore de nos pensées, on gagne en lucidité ». Une qualité potentiellement décisive sur la piste ou sur le terrain…

Autre avantage sportif de la méditation, « elle nous fait gagner de l’énergie en nous réinstallant dans le présent ». Car c’est un fait, « ressasser le passé ou anticiper l’avenir est énergivore ! », rappelle le préparateur

En pratique : on s’équipe d’une des (nombreuses) applications d’aide à la méditation, ou on se fait accompagner d’un.e tuteur.trice via des séances individuelles ou collectives. 

3. La visualisation

Cette technique de préparation, qu’on met en place avant l’événement sportif, consiste à se visualiser pendant la compétition, le match ou la course pour se familiariser avec le moment qu’on va vivre et se préparer aux éventuels aléas. Encore une fois, on travaille sur la manière d’être plutôt que sur un scénario précis ou le résultat espéré : « Le but est de faire confiance à son imagination pour visualiser ce que l’on cherchera à être, dans quelle énergie on voudra se trouver, etc. », explique Adrian Dutertre. C’est, par exemple, se visualiser en train de courir son marathon, bien relâché et concentré, plutôt que se voir passer la ligne d’arrivée.

Notons ici que pour muscler sa force d'esprit, il est une règle absolue à respecter : la régularité ! Qu’il s’agisse de respiration consciente, de méditation ou de visualisation, il est en effet essentiel de persévérer et de pratiquer régulièrement. « J’aime bien comparer la préparation mentale au brossage de dent, sourit Adrian Dutertre : pour être efficace, cela doit devenir une routine, une discipline insérée dans notre quotidien ».

Quel sport pour renforcer le mental ?

S’il ne dépend pas du niveau, le travail de l'esprit n’est pas non plus réservé à un sport plutôt qu’à un autre. « Toute activité physique, tant qu’elle diminue le volume de nos pensées, agit positivement sur notre mental », souligne Adrian Dutertre.

« Pour certain.es, ce seront les sports de combat, dont les valeurs et l’éthique peuvent solidifier la confiance en soi et dans les autres ; pour d’autres, ce sera plutôt la natation, qui favorise le lâcher-prise ; pour d’autres encore, la course ; etc. Tous les sports, sans exception, sont bons pour le mental », explique enfin l'expert.

🎧 À écouter en podcast : 

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Pas besoin, donc, d’abandonner votre discipline préférée pour muscler votre force mentale. « Il s’agit surtout de trouver le sport adapté à notre condition physique, à nos envies et à notre emploi du temps », conclut l'expert.

Force mentale : quelle place dans les performances sportives ?

Benjamin Leclercq

Journaliste

Quand je ne suis pas assis à écrire sur l’actualité ou sur le sport, je m’en vais lutter contre ma propre sédentarité grâce au vélo (musculaire !), à la rando (urbaine) et au badminton (en double, c’est plus marrant et un peu moins fatigant).

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