Quand paraître, c’est aussi construire son identité, que devient de la valeur du vêtement ? Le look : objet de futilité ou pragmatisme ?
Notre société trouve aujourd’hui, et de plus en plus, sa base dans le “paraître”, ce jeu d’acteurs auquel nous nous prêtons tous à des degrés différents. À grand renfort de publicités dans le secteur de la mode globale, les grandes entreprises de ce business ont peu à peu dressé un modèle unique de ce qui est devenu la “norme”. Une norme fortement entretenue par les réseaux sociaux. Ceci amenant d’ailleurs à une certaine uniformisation des apparences, nous donnant parfois l’impression d’une armée de clones.
La motivation des individus ? Suivre la tendance pour rentrer dans le moule et se sentir accepté•e par la communauté. Alors, où le paraître prime sur l’être, il est important de se poser la question de l’utilité, de la valeur du vêtement comme objet de futilité voire de pragmatisme.
Les individus, les modes de vie et la société dans sa globalité donnent au paraître un rôle clé dans la construction de l’individu et de son image. Une image d’ailleurs décuplée depuis l'avènement, il y a quelques années, des réseaux sociaux, de leur fulgurance et de leur pouvoir d’influence. Car paraître, c’est aussi construire son identité. La peau et le corps deviennent des outils de construction de soi. L’explication trouverait sa place dans une seconde évolution de notre société, celle de la culture du “moi”. Cette dictature qui consiste à toujours paraître au mieux de sa forme : suivre les mouvements de mode, jouer un rôle, se protéger sans cesse, faire illusion, porter un masque… La publicité et les réseaux sociaux conditionnent, manipulent et transforment en consommateurs•trices dociles.
Certains se contentent d’exister à travers ces seules images socialement “correctes”.
Phénomène complexe, le sport reste avant tout original du fait de son inscription et de son importance dans la société. Si les chiffres disponibles sur la consommation sportive abondent -en 2020, 65% des Français•es de 15 ans et plus ont pratiqué au moins une activité physique et sportive au cours des douze derniers mois- l’engouement pour le sport est de plus en plus important au fil des années. On sait aussi qu’en 2017, la dépense sportive des ménages en valeur progresse de 3,7% pour atteindre 19,9 Md€. (sources INSEE).
C’est bien l’approche symbolique des biens et des services qui nous montre comment se déroule l’acte d’achat et ses mécanismes. Il existe donc bien une réelle “efficacité symbolique” des biens, principalement techniques pour l’outdoor ou esthétiques pour la street. Le philosophe Baudrillard parlait lui de “consommation qui ne serait qu’une activité de manipulation systémique des signes”.
Chacun évoluerait ainsi au gré de ses évolutions, cherchant tour à tour à s’identifier à tel ou tel groupe, communauté, à telle ou telle pratique ou courant du moment. L’important est que les signes soient visibles par l’autre. Les premiers signes perçus par le consommateur sont donc subjectifs. On affiche, ou non, des liens avec des “tribus” d'appartenance. On achète d’abord une image.
Longtemps considérée comme un signe distinctif fort, parfois largement contraint, l’apparence dans la pratique change progressivement de registre. La période coercitive étant abolie, on voit apparaître de nouvelles formes de changement du “paraître”. Le souci des apparences étant toujours fort chez les sportifs, on continue donc de s’afficher de manière distinctive, par groupe sociaux ou encore à travers des lieux dédiés et reconnaissables. L’offre sportive s’adapte en permanence en segmentant rapidement le marché. Cependant, une diffusion trop importante peut entraîner une rupture de l’adhésion au produit ou à la marque ; c’est la raison pour laquelle il est important de cibler les concepts produits par type d’utilisateurs.
Il y a bien un usage social des biens sportifs, à travers des notions complexes comme le sentiment d’appartenance à des groupes sociaux ou encore la dimension très émotionnelle de certains objets sportifs (un vêtement peut signer l’appartenance à tel ou tel “clan”). Bien qu’éphémères, ces liens doivent être précisés. On s’identifie autant aux signes matériels qu’aux acteurs et donc aux marques qui les supportent ou qui les créent. Ainsi, les icônes ou égéries sont, elles, adulées et servent de référence identitaire.
L’échange marchand sur le lieu de vente résulte d’un processus tout aussi complexe. Une alchimie se crée entre les acheteurs (besoins), les vendeurs•euses (attitude, niveau d’expertise), le lieu de vente (espace, informations, PLV) et les produits (prix, mise en valeur, packaging), qui fait appel à un processus de décision sous très forte influence. Ainsi, le rôle des prescripteurs est fondamental, qu’ils soient proches ou symboliques (égéries sportives).
On consomme donc des produits sportifs autant pour satisfaire des besoins réels que pour répondre à un besoin de renouvellement, pour se faire plaisir ou pour l’image que l’on souhaite diffuser, pour le paraître et la volonté d’appartenir à une communauté qui porte la même chose que nous.
La mode inclusive est une mode qui permet à chacun de libérer son style pour qu’il puisse associer ses vêtements à ses propres valeurs. Les modèles sont des femmes ou des hommes qui représentent la multi-culturalité qui fait le monde d'aujourd'hui.
La mode est un moyen d'exprimer sa personnalité, mais elle est bien trop souvent utilisée pour le paraître. Ce qui fait le fondement de la mode se retrouve alors effacé pour laisser place à des clones de magazines. Ainsi, une mode inclusive doit être un outil pour casser les codes, les préjugés et passer au-delà des diktats qui pressent notre société. Chaque femme et homme doit pouvoir ainsi être représenté•es quelles que soient sa morphologie, ses origines, ses opinions religieuses…
Plusieurs marques l’ont compris et cela transparaît dans la diversité des modèles de plus en plus marquante dans les défilés, à travers les campagnes de publicité ou sur les réseaux sociaux.
Même si les marques sont de plus en plus sensibles au sujet, le cheminement est encore long pour ne plus devoir se plier aux exigences du paraître, dans une société toujours plus autoritaire. La lutte contre les discriminations n’a jamais été aussi forte et la mode fait partie des leviers qui permettent de bousculer les mentalités.