Janvier 2022. Alors que sonne, pour beaucoup, le moment de se remettre au sport, la crise sanitaire a rebattu les cartes d'un marché où les habitudes ont changé.
Le revoilà, le mois de janvier qui pointe le bout de son nez, avec son lot de bonnes résolutions... et parmi celles que tout un chacun peut formuler, il y en a une qui se taille la part du lion : le retour au sport après des réveillons copieux et arrosés.
« Pour 33% des Français•es, la pratique d’une activité physique est la résolution n°1 » clame la Fédération Française d’Éducation Physique et de Gymnastique Volontaire (FFEPGV) dans la dernière édition de son baromètre annuel Sport Santé / IPSOS.
Il y en a d'autres qui attendaient particulièrement la nouvelle année : les professionnels de la forme et des salles de sport, où c'est traditionnellement un mois déterminant de recrutement. « Le début de l'année est une période extrêmement importante pour l'équilibre économique du secteur » confirme Virgil Caillet, délégué général de l'Union Sports & Cycle (USC), principal groupement professionnel du secteur de la forme... qui reste fébrile, à l'image d'une bonne partie de la profession. Pour qui l'attente est d'autant plus forte que « les Français•es n'étaient pas au rendez-vous à l'automne, alors que le secteur a connu douze mois de fermeture administrative en dix-huit mois ».
À l'heure où les salles ont ouvert leurs portes, ceux qui les gèrent ont observé un deuxième phénomène : « les usagers sont très frileux, voire rétifs à s'engager dans la durée » pointe à nouveau Virgil Caillet. « Après des mois de stop and go successifs, les abonnements ou licences ne font plus recette. C'est très inquiétant, alors que l'on parle de cinquième vague ». Selon l'Union Sports & Cycle, les salles ont enregistré, en novembre 2021 une baisse de 27% de leur chiffre d'affaires sur les abonnements par rapport à l'avant crise. Cette baisse était déjà à -21% en octobre. Hier encore, le prélèvement d'abonnements réguliers pouvait offrir aux salles une base qui leur permettait de voir venir.
« Aujourd'hui c'est terminé, et les abonnés qui reviennent dans les salles fonctionnent surtout avec des avoirs de licences prorogées puisqu'ils n'avaient pas consommé leur abonnement » poursuit le délégué du groupement professionnel qui avance un autre chiffre : les salles de sport dans leur ensemble auraient constaté une érosion de 18% du nombre de nouveaux abonnés en deux ans, par rapport à novembre 2019.
Effet pass sanitaire (bientôt pass vaccinal) ? Modification des habitudes de vie prises lors des confinements successifs ? Les causes semblent multiples... car quand on commence à se pencher sur le sujet, les paradoxes s'enchaînent. L'antienne rabâchée depuis le premier confinement continue de l'être : les Français•es n'auraient jamais été aussi sensibles aux sports d'entretien. Ce que corrobore à nouveau l'USC, qui parle en connaissance de cause, comptant aussi les distributeurs d'équipements et d'articles de sport parmi ses membres. « Les Français•es n'ont jamais fait autant de sport, parce que les chiffres de vente d'articles de sport sont au plus au haut... alors que les enseignes ont aussi été contraintes de fermer administrativement pendant un temps et on fait jusqu'à +10% de ventes ».
Le fitness, le cross fit, la course à pied, le vélo, font partie des sports découverts et redécouverts les plus cités. Le secteur de la remise en forme aurait simplement changé de terrain ? Pas si simple non plus, puisqu'il faut désormais composer avec les nouvelles habitudes de chacun, bouleversées par la crise sanitaire. Et là, un effet en cacherait un autre.
En 2020, 67% des personnes sondées par la Fédé de l’Éducation Physique déclaraient que la crise sanitaire avait rendu plus difficile la possibilité de pouvoir pratiquer une activité physique ou sportive. Lorsque la même étude a été mise à jour fin 2021, 6 Français•es sur 10 déclaraient avoir un mode de vie plus sédentaire qu’avant la crise. « On court vers une épidémie de sédentarité qui va être aussi dévastatrice que l'épidémie actuelle » estime Virgil Caillet.
Et le sujet toucherait principalement les femmes et les salarié•es selon Marilyne Colombo, présidente de la FFEPGV. Même son de cloche du côté de l'USC, pour qui, si les moins de 30 ans seraient plus nombreux dans les salles qu'avant la crise, c'est moins le cas des personnes de plus de 50 ans, où des femmes actives, à partir de 30 ans. « Le télétravail a aussi eu une incidence directe, même si cela fait un peu cliché, certaines profitaient de leur temps professionnel, de pause du midi, pour aller dans la salle de sports, dans l'entreprise, ou à proximité » analyse son délégué général.
Un chantier préoccupant qui mobilise aussi les équipes de DECATHLON Coach, au hasard, pour rendre le sport accessible en aidant les gens à pratiquer davantage ou à se mettre ou se remettre à l'activité physique. Aujourd’hui, celle-ci stocke une centaine de sports et une centaine de programmes de coaching pour permettre aux personnes qui l'utilisent d'intégrer des parcours d'entretien et de remise en forme les plus personnalisés possibles. « Actuellement, on souhaite principalement inciter les sédentaires à sauter le pas, à l'image de ceux qui ont lâché le sport ou ceux qui en font peu mais en veulent davantage » admet Robin Bauer, designer produit. Pour marquer leur singularité dans la jungle des applications qui se sont fait jour ces derniers mois, les concepteurs de Decathlon Coach ont voulu une appli multi-sports, « qui rende une discipline accessible à ceux à qui cela semble inaccessible ».
L'application Decathlon Coach est pourtant loin d'être née d'hier. Imaginée en 2016, « c'était d'abord une application orientée sports outdoor, qui se limitait essentiellement au running et à la marche » retrace Robin Bauer. Fin 2018, l'équipe a opéré un choix stratégique en ajoutant son premier sport d'intérieur, le Pilates, à sa base de données. L'année suivante, le yoga ou le stretching sont venus rejoindre les rangs des sports existants. Des sports qui figurent parmi les sports d'intérieur les plus pratiqués par les clients de l'enseigne. Dès lors, « il y a eu une belle progression dans l'utilisation ».
À partir du premier confinement, plus de 50% d'activité a été enregistrée sur l'application. Dopée par les confinements successifs, l'application aura gagné 30% d'utilisateurs entre 2019 et 2020. Et les adeptes de la première heure sont restés. « On a vu arriver un flot d'utilisateurs et la majorité d'entre eux sont encore sur l'application cette année » se félicite Leïla Habhoub, responsable acquisition de Decathlon Coach.
7 millions de séances ont été consultées en 2021, contre 9 millions en 2020 et ses circonstances exceptionnelles.
« Nos utilisateurs•trices sont à l'image de nos clients : ils pratiquent plusieurs sports. C'est en cela aussi que l'application est intéressante. On peut autant avoir un programme de fitness et mener en parallèle une activité course et, une fois de temps en temps, faire une séance de stretching » indique l'équipe de développement de l'application. Même si des valeurs sûres comme la course à pied et la marche continuent d'être les plus pratiquées via l'application... partout dans le monde. L'application, adaptée en neuf langues, compte quelque deux millions d'utilisateurs réguliers, dont la moitié dans l'Hexagone.
Face à l'engouement généré par l'application, les enjeux de fidélisation sont multiples. « Ceux qui ne font pas de sport, mais qui ont quand même fait l'effort de télécharger l'application, comment fait-on pour qu'ils se lancent dans leur première séance de sport ? Nous avons énormément de choses à travailler encore... » admet Robin.
Vient ensuite le défi de pousser les nouveaux convertis à s'engager un peu plus dans un sport ou dans un autre. « Après une séance, on doit conseiller des étirements adaptés à leur pratique pour créer un véritable parcours adapté au•à la sportif•ve » poursuit le développeur. « Puis, il y a l'enjeu de la personnalisation. C'est un peu le sujet tarte à la crème quand on travaille dans le numérique, mais chaque utilisateur doit avoir des besoins et des souhaits adaptés et qui lui sont propres. ».
Le même pari de fidélisation est primordial, sinon vital, pour les salles de sport... surtout chez celles qui ne sont pas adossées à de grands groupes ou pool bancaires. Mais, même-là, le constat est le même, y compris sur la sédentarité des publics.
« Ceux qui venaient régulièrement chez nous sont très vite revenus. Ce n'est pas le cas de ceux qui ont un abonnement et venaient à la salle à l'opportunité... qui ne se sont pas encore, pour beaucoup, remis au sport » constate, de son côté, Jean-Philippe Ferrier, Directeur Marketing du groupe Fitness Park, qui fait pourtant partie des optimistes. Avec son réseau de 235 clubs en France et des partenaires financiers qui suivent le mouvement, Fitness Park a ouvert vingt clubs dans l'Hexagone en 2021. Depuis deux ans, Fitness Park pousse même les feux sur un développement à l'international et s'est ouvert à l'Espagne en 2019 et inaugurera dans quelques semaines des salles au Maroc. « Nous nous positionnons plutôt bien sur l'industrie du fitness en France » reconnaît J-P. Ferrier.
« On a perdu presque 30% de notre base clients pendant la crise du Covid. Mais toutes ces personnes qui ont résilié leur abonnement, nous avons le potentiel d'aller les chercher ».
La digitalisation, si elle vient en appoint, est là aussi un axe de travail. Chantre d'une vision à 360° du secteur de la remise en forme, Fitness Park a récemment imaginé sa plateforme de « home training » en ligne, accessible à tous. Où programmes et live vidéo sont disponibles pour s'entraîner directement chez soi... « L'engouement pour le sport à la maison à partir de mars 2020 nous y a poussé, après avoir mis en place des live Insta qui ont bien marché ».
La marque de Fitness y revendique quelques 50 000 utilisateurs, susceptibles de suivre des cours de remise en forme où se croisent au minimum 150 personnes au même moment. De quoi entretenir le lien avec les adhérents et continue à nourrir la marque pour entretenir son rayonnement... sans forcément produire des résultats commerciaux substantiels, ni en faire un vrai relais de croissance. « À ce stade, nous ne voulons pas en faire une opportunité pour transformer nos adhérents en utilisateurs de la plateforme. Mais demain, elle sera peut-être plus exposée » nous dit-on.
Néanmoins, cette diversification aura amené Fitness Park à repenser sa vision de la discipline, en allant au-delà des cours en solo pour créer des programmes de training, plus ou moins étirés dans le temps... permis par le numérique qui ne se limite pas ou plus aux quatre murs d'une salle de sport.
Le coach virtuel serait-il alors aujourd'hui devenu la recette miracle pour lutter contre la sédentarité alors que les applications de yoga et de forme / fitness ont explosé sur le marché ?
« C'est peut-être aussi lié à des gens qui n'ont pas envie de dépenser beaucoup d'argent, ni forcément de se montrer dans une salle de sport. C'est un moyen de démarrer à leur rythme » répond, pour sa part, Leila pour qui une application comme Decathlon Coach « ne vient pas en concurrence avec les salles. C'est plutôt une mise en jambe, avant que la personne, demain, ne s'inscrive dans un autre objectif en achetant sa licence ». Face à ce changement de paradigme sanitaire et économique, l'Union Sport & Cycle profitera en tout cas des premiers mois de 2022 pour lancer « l'étude la plus complète possible » pour jauger du nombre de Français•es qui ont fait évoluer leur rapport au sport et restent plus ou moins sensibles à la pratique de celui-ci... Cela afin d'anticiper les évolutions futures des offres que devront proposer des acteurs traditionnels comme les salles. Un panel de 5000 personnes est évoqué pour tenter de comprendre la situation.
« C'est un très gros panel, mais nous voulons nous servir de cette granularité pour descendre au plus près des régions, des territoires et des catégories d'âges. Il faut que nous en tirions de vrais enseignements » espère V. Caillet.
Les premières conclusions de cette étude sont attendues dans le courant du mois de mars. Suffisamment tôt pour ajuster les offres de chacun. Et donner des clés nécessaires pour prendre un nouvel élan.