Paraît-il que l'on vous taquine sur votre tendance à avoir la tête en l'air ? Rassurez-vous, cela fait votre charme. Tout comme 99 % des traileurs en fin de compte. Alors, faites-vous partie de ce pourcentage d'Élite, à supposer qu'il existe, auquel on rêve tous d'appartenir ? Celui qui a tout bon de la préparation à la récupération, en passant par la gestion de course ? C'est ce que l'on va voir !
C'est le Jour J. Vous voulez être tout beau, tout propre, pimpant et arborer fièrement vos nouvelles chaussures qui courent vite (que vous ne laverez jamais... Mais ça, c'est un autre débat). Comme je vous comprends... Entendons-nous, le matériel neuf c'est le péché mignon du sportif. Moi-même, je ne sais pas y résister, et c'est super ! Mais si nous sommes ici, au beau milieu d'un pré, la chair de poule maculant nos jambes, c'est pour transpirer, pas pour nous marier.
Il est plus judicieux de privilégier la paire de chaussures un peu ancienne avec laquelle on s'est entraîné pour cette course, celle qui a déjà fait ses preuves. Plutôt que de porter celle que l'on vient de s'offrir deux semaines avant le départ du trail que nous préparons depuis plusieurs mois. Si vous aimez le neuf, l'anticipation doit d'abord devenir votre alliée. Vous savez, la sœur de votre copine l'organisation ?
" Miam, miam, cette barre énergétique goût fruits des bois/cacahuètes à l'air succulente ".
Méfiez-vous de ce qui vous donne l'eau à la bouche en boutique ou sur le net. Imaginez-vous en course, de la boue jusqu'aux genoux depuis 3 heures, la bouche pâteuse et les intestins capricieux : ultime vision fantasmagorique du traileur ! Maintenant, portez cette barre à votre bouche. Ça coince ? Vous avez votre réponse.
Il faut aussi dire que le traileur n'est pas aidé par les insoupçonnables caprices de son estomac. Tenez, moi qui déteste le saucisson dans ma vie humaine. Lorsque j'enfile ma cape de course à pied, c'est le seul aliment qui me fait envie. Une fois, j'ai même voulu tester le mélange d'un thé aux herbes grecques avec des BCAA (acides aminés ramifiés) durant le Marathon d'Athènes : plus jamais. On ne nous le répétera jamais assez (et pourtant...) : l'entraînement passe aussi par le test de son régime alimentaire de compétition avant la course. Sinon, il existe des randonnées gastronomiques.
En trail, on ne veut pas entendre parler de complexes de poignées d'amour et autres inventions du cerveau. C'est un des sports dans lesquels l'apport en masse graisseuse présente un réel avantage. L'effort, souvent étalé sur la durée, est justement favorisé par la réserve énergétique de celui qui court et dans laquelle le corps peut puiser.
Alors si un jour vous avez pensé à perdre trois kilogrammes en deux semaines, vous avez certainement été rattrapé par la devise du traileur : " courir plus pour manger plus ". Une phrase qui fait du bien au moral quand on vient à bout de la sortie du dimanche et que l'on sait que ce midi on va manger chez Mamie : " des frites, des frites, des frites, des frites, des frites ! ".
- Bénévole : " Ravito dans 200 mètres ! ".
- Jean-Baptiste, pour lui-même : " Oula, François ne s'arrête pas, je vais filer aussi ".
Tiens, la voilà la bonne idée qu'on a tous eu un jour ! Idéale pour préparer son corps à la fringale, puis son cerveau à la démotivation. Sur une échelle de 1 à 100, cette pensée de survivor a déjà eu raison de la totalité du panel. On parle bien entendu des sportifs qui n'ont pas de rations à foison sur eux et qui risquent clairement d'en manquer dans quelques kilomètres. Au contraire, il y a ceux qui courent avec un sac trop plein et qui n'auront ni bu ni mangé la moitié de leur cargaison à l'arrivée... J'en suis ! Mea culpa.
Cela dit, ce à quoi Jean-Baptiste n'a pas pensé c'est que François a tout le nécessaire dans son sac de trail, et bien plus encore, car il est ici pour préparer son trek de l'extrême et en autosuffisance, au Tchad. Attention, cela ne veut pas dire que François appartient à l'Élite que l'on cherche à démasquer... Non, non, non, parce que François a pour habitude de :
Comme vous, comme moi, François est un mordu. Après 6 mois d'entraînement pour un objectif, la semaine précédant l'échéance est rude. Rude, car il doit résister à l'envie de courir. C'est ce que l'on appelle le syndrome des fourmis dans les jambes. Il est souvent accompagné de la boule au ventre et se manifeste également à l'heure du coucher par d'innombrables flashs. Ainsi, avant même que le coup d'envoi de sa course ne retentisse, François aura déjà parcouru l'ensemble de son trail environ 352 fois. Avec, à chaque fois, 352 scenarii différents tous plus improbables les uns que les autres : perdre ses vêtements en cours de route, courir sur place pendant des heures, arriver en retard au départ, et j'en passe. Mais vous en avez sûrement d'autres qui vous viennent à l'esprit.
Voilà pourquoi courir semble le meilleur moyen d'exorciser les fourmis dans les jambes. Entraînement ? Oui, léger. VMA longue et autres balivernes de vos 20 ans ? Non, pas maintenant. Quand vient le temps de la pré-course, un seul maître-mot doit vous animer : faire du jus.
Donc, nous prohibions la VMA longue la semaine précédant la course. Et la semaine post compétition également. Et puis c'est tout. Mes plus plates excuses. Je sais, c'est difficile de se motiver, ça fait mal, mais qu'est-ce que c'est utile ! VMA courte et longue, travail de seuil, de quoi vous faire des jambes de feu pour le sprint d'arrivée avec Martine et Thibaut !
Pensez à ces côtes que vous devrez gravir en marchant ou en courant : l'objectif est d'arriver au sommet le moins essoufflé possible. Si vous vivez dans une région plane, le travail cardiaque qui se rapproche le plus d'une montée, reste la vitesse. Pour ce qui est des jambes, l'escalier fait très bien l'affaire, à condition d'enchaîner plusieurs montées/descentes.
Et si on faisait un pied de nez à l'imaginaire collectif qui à tendance à amalgamer le traileur et l'escargot ? Allons montrer au monde de quoi on est capable !
Si je vous dis départ de course, vous me dites ? Musique ! Oui, c'est une bonne réponse. Il y en a forcément une qui vous vient en tête et le simple fait d'y penser votre cœur monte en tempo, votre ventre papillonne, et s'en est trop, vous vous voyez prendre un départ sur le champ. Ah... The power of love. The Final Countdown (Europe), We are the champions (Queens), avec en-tête de liste Conquest of paradise (Vangelis) "touloulou touloulouloulou touloulou touloulou louuuuu", sont des titres qui résonnent désormais en vous. De rien.
L'euphorie du départ est phénoménale. Si vous y avez déjà goûté, vous savez de quoi je parle : une poussée d'adrénaline vous propulse vers les étoiles, vous refaites votre vie dans les vingt premiers mètres du départ, s'ensuit votre réincarnation en licorne capable de traverser toutes les dimensions spatio-temporelles ! Zut, avec tout ça, vous avez oublié de respirer pendant le premier kilomètre. En plus, vous venez de vous rappeler que vous devez tondre votre pelouse en rentrant.
La liste, certains l'apparenteront (à tort) à un comportement typiquement féminin. Sauf que... Ça marche ! La preuve, constituez-vous un mémo spécial compétition dans votre téléphone portable. Promis, avec ça on ne vous charriera plus jamais. Révolu est le temps où vous alliez toquer timidement aux vitres des voitures sur le parking. La quête d'épingles à nourrice a pris fin. Elle appartient à votre passé de non-organisé.
Ah, et n'oubliez pas d'ajouter une seconde liste dans cette liste. Vous pourrez la nommer la prévoyante. Celle que l'on espère ne jamais avoir à ouvrir. Elle vous aidera par exemple à envisager qu'une de vos flasques souples dans lesquelles vous buvez, peut éventuellement se percer ou fuir à 5 minutes du départ. Oui, je sais, mon vécu est translucide et vous humez à plein nez ma frustration. Soyons solidaires entre traileurs, donnons-nous nos astuces anti-panique. La mienne ? Faire une croix sur l'anti check-list, donc faire des listes.
Je crois que l'une des meilleures choses en trail, c'est le cadeau de pré-course. Celui que l'on nous donne lors du retrait du dossard. Même pas celui que l'on vous offre lorsque vous êtes finisher. La plupart du temps, vous recevez un tee-shirt, plus ou moins bien taillé. Mais ça, ce n'est qu'un détail. Vous l'arborez fièrement, à la vie, à la mort ce beau trophée ! Les plus motivés vont même jusqu'à porter ce dernier directement, et effectuer la course avec. Parfois, sa couleur se marie complètement avec le reste de votre look, et il est confortable au possible. Comme vous vous en doutez, ce n'est pas toujours le cas. Vous ne l'aviez pas vu la petite étiquette qui gratte le cou ? Maintenant, vous allez y penser tout au long de la course.
Bon si vous êtes superstitieux, je mettrais ma main à couper que vous ne vous risquez pas à ce genre de pratique. Vous avez vos chaussettes et votre caleçon/brassière porte-bonheur et hors de question d'en changer ! Par contre, le short tout détendu que vous portez depuis les Foulées des Écrevisses 1978 a rendu l'âme. Heureusement que les organisateurs nous offre des casquettes, tours de cou, bandeaux running, ceintures porte-bouteille/flasque, et autre babioles que l'on collectionne ! De quoi renouveler notre garde robe et nous constituer de jolis souvenirs.
Comme on le dit de manière générale : "dans la vie, il y a un temps pour tout ". Dans le trail, c'est la même chose. Vos moitiés n'osent pas vous le dire, mais vous ne sentez franchement pas la rose et le sel qui parsème votre visage n'est pas leur tasse de thé. Vous avez beau être sa douceur préférée, le sucré-salé a ses heures dédiées. Même si vous en avez gros sur la patate, l'amour passe toujours après la douche.
De plus, quand elles* s'époumonent d'encouragements alors que vous n'êtes pas content de votre forme du jour, souriez-leur. Ca leur fera chaud au cœur et les 4 prochaines heures à vous attendre dans le froid en vaudront vraiment la peine. Et ce, malgré le fait que vous aviez des morceaux de barre de céréales de coincés entre les dents. Oups, j'aurai dû vous avertir avant.
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*Oui, je parle de femmes supportrices car des hommes sur le bord des circuits, il n'y en a malheureusement pas beaucoup. Pour tout vous dire, je suis une fille, et les faits sont là : en 2017, sur l'une des cinq épreuves d'un rendez-vous mondial du trail comme le bien connu trail ultra du côté de Chamonix, les femmes ne représentent que 15 % des inscrits.
Et vous, qui êtes-vous ? Une femme ou un homme ? Supporter ou traileur ? Les deux à la fois ? Ah, et histoire de ne pas vous laisser sur votre faim, je dois vous avouer que le traileur parfait, l'Élite avec un grand E, n'existe pas. Il n'y a que des traileurs imparfaits qui font de grandes choses, avec de mauvaises habitudes qui leur collent aux baskets.