Motion Capture / Mocap / Capture du mouvement : c'est quoi ? Qui l'a inventé ? Comment ? Et quel rapport avec le sport ?
Avertissement : si vous êtes un•e fanatique de la technologie et que vous nourrissez un profond dégoût des anglicismes, votre place n'est pas ici. Premièrement parce que le sujet va être considérablement vulgarisé. En raison notamment d'un désintérêt total de votre rédactrice pour tout ce qui comporte des chiffres, des volumes et des additions excédant deux chiffres.
Deuxièmement parce que notre jolie langue française ne semble pas suffire aux concepteurs d'imagerie 3D qui donnent à la thématique une dimension internationale, et ce, par l'utilisation d'un jargon anglo-saxon. C'est dit.
Maintenant, si vous avez envie d'en apprendre un peu plus sur le sujet, de porter sur le monde un regard sans haine et de découvrir les bienfaits de la technologie par de jolies métaphores animalières : venez, on est bien !
Pour améliorer la fluidité et la précision des jeux vidéo, les éditeurs de jeux utilisent les techniques de motion capture (capture de mouvement). C'est l'art d'enregistrer le mouvement d'un être vivant ou d'un objet dans un ordinateur. Autrement dit, de permettre une restitution visuelle en temps réel du grand écart de la mère Michelle via un moteur de rendu 3D.
Mieux encore, le motion capture, mocap, permet le contrôle des images récupérées. C'est-à-dire qu'une fois qu'une fois les mouvements enregistrés, libre à vous de manipuler le rendu pour créer un avatar, modéliser un personnage ou mesurer les performances sportives de celle qui a perdu son chat. Vous me suivez ? Très bien.
Depuis ses débuts, sous le nom de chronophotographie jusqu'au trop bien connu Gollum, le sujet a fait du chemin. D'une utilisation purement scientifique il est passé par les jeux vidéos, le film d'animation 3D ou même l'optimisation des performances sportives. Je vous propose que nous retracions ensemble son histoire, les techniques utilisées pour capter le mouvement et son application dans le domaine sportif. On fera même un petit détour par la "performance capture", si vous arrivez au bout du texte.
Une dernière chose avant de continuer : si le sujet vous intéresse vraiment, il existe de nombreuses écoles qui vous permettent d'accéder à des Bachelors en animation 3D. Je vous glisse un lien juste ici.
Faisons un saut en 1830 Marty et assistons à la naissance d'un touche à tout baptisé Etienne-Jules Marey.
EJ, comme nous l'appellerons ici, est un passionné de la "machine animale" et en particulier de sa locomotion terrestre. Sa page Wikipédia le présente comme un "inventeur, photographe, professeur, médecin, réalisateur, directeur de la photographie, physiologiste". Autant vous dire qu'il n'avait pas énormément de centres d'intérêt. Parmi les diverses expériences de sa vie notons que dès 1870 il commence à développer des dispositifs pneumatiques qui anticipent la capture du mouvement et permettent de la retracer via un stylet. Il s'intéresse à la locomotion animale, aux allures des chevaux et en 1882, armé d'une longue barbe et d'un bon paquet de diplômes, il crée l'ancêtre de la caméra. Rien que ça. Ledit objet s'appelle alors le chrono photographe à plaque fixe, à disque rotatif fenêtré. À vos souhaits. Ivan Jablonka résume très bien le concept : "il s'agit d'un fusil photographique qui permet de linéariser sur une même plaque le déplacement d'un sujet muni, pour les besoins de l'expérience, de plusieurs points réfléchissants sur les bras et les jambes".
En tapant "chronophotographie" dans notre moteur de recherche préféré on peut voir que la connexion avec le sport est à cette époque-là déjà bien réelle. En effet, cette technologie permet de décomposer le mouvement d'un•e gymnaste, perchiste ou d'un•e coureur•se tout en identifiant les membres qui entrent en action à chaque étape de sa progression. Personnellement je trouve ça très joli, mais j'imagine qu'à des fins médicales, c'est surtout très pratique.
Quelques années avant la mort de notre Géo Trouve Tout préféré, ce sont des hommes à moustache qui perpétuent son travail. Les frères Lumières apportent le mouvement au cinéma avec un système, le cinématographe, qui n'attendra pas un an pour filmer de nombreuses pratiques sportives telles que la boxe, la gymnastique, le football ou le cyclisme… Dès lors la volonté de capter le mouvement sous toutes ses formes devient inarrêtable.
Cent ans plus tard c'est à la souris et au clavier de devenir les premiers périphériques de capture de mouvement et de se combiner à des systèmes plus sophistiqués pour servir à partir de 1980 :
- l'armée via des capteurs pour simulateurs d'aviation,
- la science par des analyses physiologiques médicales,
- le sport grâce à des études en orthopédie, traumatologie ou biomécanique.
Dans ces années-là elle fonctionne via des capteurs attachés à un exosquelette porté par un humain, technique qui servira bientôt pour produire des films en images de synthèse et accueillir le premier comédien animé virtuellement en 1993.
Au début des années 2000 apparaît finalement une technique plus complexe appelée "capture de jeu" qui permet d'enregistrer de manière synchronisée le corps, le visage, ses expressions et le mouvement des doigts. Il aurait été fier le Géo Trouve tout de 1830 !
Ami•es physicien•nes c'est ici que je vous présente mes excuses. Mes explications risquent d'être teintées de nombreuses métaphores et explications approximatives.
Partons sur la recette d'une bonne motion capture des familles. Vous n'avez besoin que d'un ingrédient : la donnée. Mais pour l'extraire ce n'est pas si simple. Tout d'abord préparez un studio, de taille suffisante pour vous permettre de gesticuler à votre guise. Calibrez la zone de capture, c'est-à-dire définissez l'environnement dans lequel vous allez faire des cabrioles. Captez le mouvement. Puis nettoyez et traitez les données récupérées. Celles-ci vont être transformées en animation et attribuées à un personnage virtuel qui aura votre souplesse et élégance naturelle.
Cela vous semble simple n'est-ce pas ? C'est parce que je suis passée très rapidement au travers de l'étape : CAPTATION DU MOUVEMENT.
Là, c'est beaucoup plus complexe. On distingue quatre grands types de technologies, quatre méthodes pour la capture de mouvement : on parle de capture optique, mécanique, magnétique et gyroscopique. Je vais tenter de vous les décrire sommairement.
Cette dernière ne se conçoit qu'avec la BO de Mission impossible à fond dans les oreilles. Prenez un humain ou Toupi le chien et placez sur lui différents marqueurs réfléchissants à des endroits du corps caractéristiques. La caméra infrarouge va émettre un rayonnement et afficher des marqueurs sous forme de points blancs. Les différents points lumineux vont ensuite être traités par ordinateur pour recréer la profondeur de l'être vivant ou de l'objet que vous souhaitez modéliser. Le problème avec ce système réside dans les obstacles apparaissant entre les capteurs et les caméras : les rayons infrarouges ne peuvent les traverser.
Note : "La Kinect (le mot kinect vous dit quelque chose, non ?) est un dispositif, un système, de capture dont la technologie sophistiquée est utilisée pour des applications ludiques grand public. Une trame de lumière infrarouge est projetée sur les objets, image que le capteur va traiter pour en reconstituer la profondeur (plus un point infrarouge est gros, plus il est près). À la différence des systèmes optiques traditionnels avec marqueurs, cette technique permet de n'utiliser qu'une seule caméra."
Et si la kinect vous fascine, vous trouverez tout ce qu'il vous faut sur sa page wikipedia.
C'est la technique phare des années 80. Elle consiste à placer un exosquelette, c'est-à-dire une structure dont les angles sont des capteurs, autour de l'individu•e à enregistrer. Chacun des angles sont reliés par des fils, eux-mêmes reliés à un ordinateur. C'est un des systèmes les plus appréciés, car très précis et rapide. Cependant, la présence des fils réduit le champ d'action et l'exosquelette lui-même contraint la liberté de mouvement des acteurs•trices.
On l'a vu, chaque méthode, chaque système, comprend son lot de contraintes et davantage. Celle-ci ne fait pas exception à la règle. Pour la mettre en place, nous avons besoin de mesurer le champ magnétique qui est généré par un émetteur. Ce dernier est relié à un ordinateur qui enregistre les mouvements des capteurs placés sur le corps de notre heureux•se bénévole.
Le problème, c'est que le périmètre d'action est limité à une personne, les capteurs des différents acteur•trices interférant les uns avec les autres. Un peu dommage si on enregistre un match de boxe.
Nous voici à la dernière technologie et de loin la moins prononçable des quatre.
C'est un système moins précis que la capture optique mais qui permet néanmoins de faire fi des obstacles éventuels présents dans l'environnement de l'acteur•trice. C'est l'option vers laquelle se tournent les studios de cinémas (entre autres). Elle se base sur des capteurs gyroscopiques et inertiels. ha ha.
Alors capteur gyroscopique, pour vous situer : "Lorsque votre robot se retourne, le capteur gyroscopique peut mesurer la vitesse de rotation du robot, en degrés par seconde."
Et capteur inertiel : "Les capteurs inertiels fournissent au satellite une mesure par rapport à une référence fixe dans l'espace."
Autrement dit des capteurs qui captent en temps réel, l’angle et la position de la partie du corps où ils sont situés. Vous savez tout.
Si j'étais très consciencieuse je vous parlerais maintenant des systèmes permettant de stocker et d'interpréter la donnée en temps réel, mais je pense que l'heure est venue de parler de sport. Et puis j'attends de voir comment vous vous en sortez avec cette première partie, déjà.
La motion capture est une technique de détection de mouvements utilisée dans l'industrie du cinéma, du jeu vidéo et des arts numériques afin d'animer des personnages et des effets spéciaux.
Je sais que vous adorez les histoires. Pour introduire ce troisième chapitre, je vous propose donc de démarrer par celle de Paul Hawkins.
En 1990, Paul joue au cricket et semble être victime d'une erreur d'arbitrage. Soit, cela arrive. La majeure partie d'entre nous serait peut-être rentrée à la maison en pestiférant. Mais il se trouve qu'à cette époque notre protagoniste mène une thèse sur l'intelligence artificielle, ce qui est tout à fait commun admettons le. Il décide ainsi de mettre sa frustration au service de l'innovation technologique en développant le Hawk-Eye, à traduire par œil de faucon.
Le Hawk-Eye est un système d'arbitrage (fort coûteux) utilisé depuis 2006 sur de grandes compétitions de tennis. Il consiste, grâce à une dizaine de caméras, reliées à un ordinateur et disposés tout autour du court à reproduire la trajectoire de la balle en trois dimensions. Et donc à contrôler les éventuelles erreurs d'arbitrage avec une marge d'erreur considérablement réduite par rapport à celle de l'œil humain. Ce qui nous amène à notre première conclusion : un des rôles de la captation de mouvement dans le sport consiste à montrer au sportif ou à la sportive ce qu'il•elle ne peut pas (ou difficilement) voir.
La deuxième interaction du mocap avec nos athlètes consiste à l'amélioration de sa gestuelle pour :
- obtenir de meilleures performances,
- prévenir les maladies et accidents liés à la pratique,
- réduire les dépenses des entreprises, managers ou coachs liées aux blessures des sportifs.
Pour cela de nombreuses entreprises proposent aujourd'hui des solutions en laboratoire dans lesquels les athlètes reproduisent leurs mouvements sportifs habituels. Des scientifiques ou bio mécaniciens du sport comparent par la suite les informations récupérées à un référentiel et proposent une optimisation du geste. Si vous pensez que ces données ne servent qu'à un noyau d'expert•es, détrompez-vous, l'ensemble de ces recherches contribue à une meilleure compréhension des mouvements du corps humain. Ce qui permet des avancées dans les domaines de la santé, de l’anatomie et du sport, plus largement.
Le seul frein à l'utilisation de ces informations réside dans le fait qu'elles soient obtenues dans un environnement dit "contrôlé". À savoir un laboratoire. Dans ce dernier, on ne prend pas en compte les concurrents éventuels, les conditions climatiques ou les différentes surfaces. C'est pourquoi on trouve dorénavant sur le marché des capteurs inertiels (vous savez ce que c'est maintenant). Ces petits boitiers sont placés directement sur le•la sportif•ve et permettent d'obtenir des données en temps réel et en situation naturelle. Ils offrent également la possibilité de surveiller les progrès, d'ajuster ou de d'arrêter une session en cas de danger.
Voilà qui finit bien !
La captation de mouvement n'a maintenant plus aucun secret pour vous et vous comprenez clairement son application dans le domaine sportif. BRAVO ! Si le cœur vous en dit vous pouvez aussi vous renseigner sur sa petite cousine "la performance capture".
Une technique qui pousse le réalisme encore plus loin en se concentrant notamment sur les expressions du visage en multipliant ainsi les émotions données aux personnages animés.
Vous le visualisez, le sourire étincelant de votre joueur de foot préféré après une partie endiablée de console ? C'est peut-être elle derrière cette magnifique image animée. Mais ne comptez pas sur moi pour vous l'expliquer...