Faire « La Loire à vélo » pendant 2 semaines semblait long à Jean-Baptiste. Pourquoi pas plutôt du paddle ? Un jour paddle, un jour vélo ? Ou en relais, un sur l’eau, l’autre à vélo ? Mais alors on n’est pas ensemble, et je ne me sens pas à l’aise pour être seule sur la Loire.
Au final, nous convenons d’une semaine paddle suivie d’une semaine vélo.
Départ de Briare, avec son superbe pont canal. On vise l’arrivée en paddle à Blois où le loueur de vélos nous permet de joindre Angers. Comment se rendre à Briare ? En train bien sûr ! Nos planches gonflables sont facilement transportables, et les vacances donc sans émissions de gaz à effet de serre. Et les planches, on en fait quoi entre Blois et Angers ? On les laisse à Blois et on repassera les chercher en train.
Super ! Il ne reste plus qu’à organiser les étapes, s’inquiéter du niveau d’eau et préparer son sac. Assez d’affaires pour 2 semaines tout en étant minimaliste…
Jean-Baptiste : Nous ramerons sur la Loire en promeneurs. Rien de comparable avec les héros de l’ultra longue distance qui ont ramé 725 km quelques mois avant nous, de Roanne à l’estuaire. Nous, on veut paddler le nez en l’air à regarder oiseaux et paysages, vivre au fil de l’eau, seuls au monde, peinards !
Emmanuelle : Briare-Blois par la route, c’est 145 km. En paddle sur la Loire, un peu plus avec les méandres. Et, c’est un beau challenge que de trouver un logement le plus proche possible de la rive. Nous voulons jouer les aventuriers le jour et dormir dans un vrai lit la nuit. 6 jours, 6 étapes dont la longueur dépend de nos logements. Cela s'organise plutôt bien : 2 fois 30-35 km puis 1 fois 14, le tout fois 2…
Jean-Baptiste : Gustave Eiffel est passé par ici. Le grandiose pont-canal de Briare enjambe le fleuve sur 600 m. Ramer sur un pont, c’est rare, non ?! C’est un « prologue » comme au tour de France, une petite balade pour s’échauffer. Et une première belle rencontre avec Joël fan de vélos fun et de drôles d’embarcations à pédales. On loge carrément dans la maison de l’éclusier, le Gîte du Pont Canal, une belle adresse.
Emmanuelle : Nous sommes sous le charme de la nature, chevreuils qui viennent s’abreuver et oiseaux de toutes sortes dans le coucher du soleil.
Emmanuelle : Ça y est, c’est le grand départ.
On a repéré la veille le point de mise à l’eau. Il faut porter les planches dans l’escalier qui descend du pont canal vers la Loire.
Waouh ! Je vais vraiment faire ça ! Je suis un peu fébrile.
C’est très vite après le départ que je vais prendre ma première leçon de lecture de rivière. Je n’ai pas l’habitude, avec le club Le Grand Huit je pratique le paddle sur une rivière canalisée, pas de rapides, pas de hauts fonds et pas d’obstacles à part une grosse péniche de temps à autre et ça, ça se voit de loin.
Il y a une ile devant nous et des oiseaux sur la gauche. Je choisis les oiseaux, j’ai envie de les voir de plus près. Vous savez quoi ? En général les oiseaux sont là où ils ont pied. Malgré nos petits ailerons souples, ça frotte et nous devons mettre pied à terre ou plutôt dans l’eau et pousser nos planches pour retrouver assez de fond pour pouvoir ramer. Heureusement Jean-Baptiste a fait beaucoup de canoë dans sa jeunesse et la lecture de rivière, il maîtrise. C’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas. Alors il m’apprend à observer l’eau pour deviner une pierre qui affleure, à regarder quelle direction prennent les herbes ou les algues qui flottent. Quand il y a un rapide, c’est sur le triangle où il y a le plus de remous qu’il faut passer car c’est là qu’il y a le plus d’eau. Ça n'empêche pas mon appréhension. Mais si je veux arriver à l’étape ce soir, il faut que je me jette à l'eau, non ?
A Giens, nous pique-niquons au pied du pont avec vue sur le château. A la centrale de Dampierre, il faut mettre pied à terre sur la rive opposée à la centrale pour passer le barrage. Ce sont les 2 seules visions de la vie moderne.
Jean-Baptiste : Aux 30 km officiels s’ajoutent les 4 ou 5 km de nos zigzags pour trouver les courants. Bancs de sable, détours, belles roches, petits rapides, on s’amuse bien sur la Loire !
On n'avait jamais vu un cours d’eau aussi sauvage et désert. Une seule personne croisée de toute la journée, un pêcheur sur un float tube. Aucun bruit de voiture, on entend le vent, les oiseaux, et le clapot de l’eau et de nos pagaies.
Emmanuelle : Notre point d’arrivée se situe 3 km en amont de Sully sur Loire. Reste à trouver l’endroit idéal pour accoster, un compromis entre facilité de débarquer et distance à parcourir pour arriver à notre logement. Ce soir nous dormons en chambre d’hôtes à la ferme des Gorgeats, sur la levée de la Loire. Il y a des animaux en liberté, moutons, chèvres et surtout ce petit cochon noir qui aime discuter avec les invités.
Jean-Baptiste Notre hôte de la ferme nous a carrément hier soir prêté sa voiture pour que nous puissions aller dîner en face du château de Sully, sous la vue duquel nous ramons ce matin.
Quelques canoës partent en même temps et s’arrêteront bien avant nous. C’est le jour des rencontres. Un jeune fumeur de hasch qui veut rallier Nantes en kayak gonflable, en solitaire. Plus loin, aux abords de Châteauneuf sur Loire, deux botanistes allemandes ont dormi sur une île avec des loutres près de leur magnifique canoë pliable en toile et bois, vieux de 70 ans. On fait une pause, on discute. La vie est belle. Le paysage extraordinaire.
Parfois le fleuve intrépide se transforme en mer d’huile, superbe miroir. On se baigne dans une eau parfaitement propre. Pas encore vu une seule saleté de plastique flotter. Mais chaque jour les martin-pêcheurs, le balbuzard (oiseau de proie pêcheur), et tant de poissons qui jaillissent devant nous.
Ce soir c’est la fête de la saucisse à la plage de Jargeau. Parfait après une journée de rame. Une tente bivouac avec 2 lits confortables nous attend au camping.
Emmanuelle : Notre première étape courte, 14 km. Du coup on visite Jargeau et on part après le déjeuner.
Au détour d’un méandre, au milieu de nulle part, on aperçoit nos 2 premiers paddleurs. qui semblent prendre leur temps. Une des 2 planches a l’air (!) de manquer d’air et zigzague bizarrement. Parti comme nous de Jargeau, ce novice navigue sans aileron et sur une planche qui se dégonfle. Nous jouons volontiers l’assistance gonflage.
Ce soir c’est dîner à Combleux avec notre neveu d’Orléans, Lucas et sa famille. On dîne à La Marine, une belle adresse, aussi gastronomique que l’addition.
C’est là que nous prendrons également notre petit déjeuner le lendemain, en terrasse, viennoiseries à profusion, jus d’orange, café et vue sur Loire. Et nous nous y rendrons en paddle via un joli petit canal parallèle au fleuve.
Emmanuelle : Après notre petit déjeuner royal, nous prenons la direction d’Orléans. Sympa de regarder la ville depuis l’eau. Au passage du vieux pont, ma planche se retourne dans un rapide. Je ne suis pas fière et je reste tendue pendant quelque temps. Un bon point, mes sacs n’ont pas bougé, toutes mes affaires sont en place.
Jean-Baptiste : On lambine, puisqu’on retrouve ce jour nos amis Robin et Anne, collectionneurs de vieux vélos pour un pique-nique au bord de l’eau à la Chapelle Saint Mesmin. Ils essaient les paddles, on essaie les vélos. Stupeur au retour au bord de l’eau, il manque un aileron à une planche. Volé ? Perdu avant dans les plantes invasives ? C’est dans cette situation là qu’on comprend combien un aileron est précieux, pour aller droit et accessoirement pour l’équilibre.
Merci Facebook, Gilles de Joinville lance un appel le soir et le club de Meung, le Pagaie Club Magdunois, nous sauve la vie.
Emmanuelle : Nous prenons le temps également de photographier un silure impressionnant, nullement perturbé par nos planches et les nombreux passages de Jean-Baptiste qui veut réussir la photo du siècle.
Ce soir nous dormons bercés par les rapides, sur une toue cabanée, la barque à fond plat typique de la Loire. Aux petits soins des tenanciers de la guinguette où nous sommes accueillis en VIP, prioritaires pour retirer le repas que nous dégusterons sur notre embarcation…
Emmanuelle : Il est conseillé de porter pour passer le rapide qui est sous le pont de Beaugency. On doit aussi porter au barrage de la centrale nucléaire quelques km plus loin.
Comme le parcours est plus calme, à l’un des rares rapides, pour ajouter du piment, Jean-Baptiste a voulu faire le malin. Fort de son brevet d’initiateur de canoë (qui date un peu…), à une petite chute d’eau, il a fait une reprise, engageant sa pointe dans le contre-courant, pour être bien placé pour photographier Emmanuelle dans les vagues. Même à genoux, le résultat est un gros plouf, et 12 heures pour faire sécher le smartphone.
Ça redevient plus joli et plus vivant aux abords de Muides sur Loire. Il y a des îles et les bateaux à fond plat sont de sortie.
Jean-Baptiste : L’arrivée à Saint Dyé est magique. Agenouillés, on rêve devant cette grande belle vieille maison qui domine la Loire. C’est justement l’adresse de notre chambre ce soir. Emmanuelle s’accorde le temps d’une baignade apéritive avant de profiter du panier pique-nique préparé par notre hôte. On étale la nappe à carreaux au bord de l’eau pour un petit vin de Loire dans la lumière du soleil couchant.
Emmanuelle : C’est notre dernière étape. Objectif: arriver à Blois avant 17h pour pouvoir visiter la ville avant le dîner. D’ici là on a le temps pour prendre des photos, s’exercer à marcher sur sa planche, admirer le château de Menars, se baigner au pied de la pile d’un vieux pont, manger une glace au camping Val de Blois.
Jean-Baptiste : On croise des passeurs sur de vieilles embarcations. Je prends le temps de photographier les saumons (si !), une couleuvre, et une famille de poissons installée dans une BMW immergée. Le plus souvent le fleuve devient calme, large, on approche de l’arrivée à Blois.
Emmanuelle : Notre accostage se fait juste après le vieux pont. 2 touristes nous applaudissent. Nous avons rendez-vous au pied du château, à la Forge du Roi, un magnifique hébergement où nous pourrons laisser les planches une semaine. On dégonfle avec un petit pincement au cœur.
Nous continuerons le périple et la vie de château à vélo. Mais la descente au fil de l’eau et la lecture des courants vont nous manquer.
Nos planches gonflables Itiwit Race,14x25 et 12,6 x 26, nous accompagnent depuis deux ans. Nous sommes habitués à leur étroitesse et à leur étrave qui fend l’eau. Même si elles ont moins d’attaches que les planches randonnées, il est tout à fait facile d’y accrocher un sac à dos étanche convertible Itiwit ou pour Emmanuelle le sac classique de la planche. Elle a ajouté un tendeur pour stabiliser le tout et arrimé par-dessus un sac étanche 10l contenant la nourriture du jour.
Les pagaies carbone en trois parties nous sont fidèles depuis la descente du Nil, de très bonne qualité. Emmanuelle s’est offert une sangle de transport qu’elle utilise quelques fois à l’épaule ou en bandoulière. Le mieux, si on est 2, en avoir 2 et porter les planches à 2, un à l’avant et un à l’arrière. Enfin, les petits ailerons souples, qui passent mieux les hauts fonds nous ont été très utiles en cette période de basses eaux, Emmanuelle l’ajoute à sa liste pour notre prochaine expédition dans la lagune de Venise. Les « ceintures de sécurité » de type airbag avec la recharge sont pratiques et prennent moins de place qu’un gilet. En eau vive, le leash est à proscrire (risque de gêner le paddler sous l’eau, par exemple sous une souche d’arbre dans un rapide)
Nous étions plus souvent en sandalettes, pour pouvoir mettre les pieds dans l’eau si besoin. Casquette bien sûr pendant ces deux semaines de soleil. Elle est pas belle, la vie ?