Montagnes sans neige, plages qui s’érodent, villes en surchauffe : notre grand terrain de jeu mondial s’abîme sous les effets du dérèglement climatique.
Touchés dans leur pratique, les sportifs sont en première ligne pour alerter, mais aussi pour agir. Focus sur trois sports forcés de changer de tactique pour survivre.
Le sport est, de fait, un observatoire idéal pour mesurer les changements subis par notre environnement.
D’une compétition sportive à une autre, les pistes de ski s’amenuisent, les pelouses des stades voient de nouveaux champignons les envahir, les plages à spots de surf s’érodent, les terrains surchauffent, les joueurs s’évanouissent de déshydratation et les entraînements sont suspendus faute d’air pur.
Heureusement, les acteurs du sport se mobilisent dans le monde entier, pour épargner leur terrain de jeu, la planète.
Il existe peu de sports où la fusion entre l’homme et la nature est aussi forte que le surf. Attentifs en permanence à l’état de l’océan et à la qualité des vagues, les surfeurs observent le monde changer depuis les plages du monde entier. Et les nouvelles ne sont pas bonnes. Il y a quatre ans, un chercheur de l’Université de Stanford constatait déjà que 18% des spots de surf les plus populaires de Californie pourraient être engloutis d’ici les 60 prochaines années.
En 2018, un autre rapport, relayé par le National Geographic, prédisait que les plages emblématiques de la côte Ouest des États-Unis (Venice, Newport, Santa Monica) pourraient être réduites d’un à deux tiers sur la même période. Mais en plus de grignoter les plages, la modification de la température des courants marin et des vents, l’érosion côtière, et les catastrophes naturelles de plus en plus fréquentent perturbent la production de vagues, certaines devenant soudainement plus hautes, et d’autres bien plus faibles.
Plus proche de chez nous, le littoral aquitain est, lui aussi, touché et l’érosion fait reculer les plages de plusieurs dizaines de mètres en quelques décennies. À Lacanau, les écoles de surf - dont le nombre a été multiplié par 9 entre 1995 et 2016 - ont ainsi décidé de s’unir pour réfléchir à de nouvelles manières plus respectueuses d’investir les plages. À Tahiti, désignée pour accueillir les épreuves de surf des JO 2024, la communauté Teahupo'o se mobilise, elle aussi, à travers la création d’un collectif pour alerter sur les effets des installations pharaoniques prévues sur la santé du littoral et de ses vagues. Les surfeurs peuvent également plus que jamais être les yeux du changement climatique : grâce aux professionnels de la surftech, il existe désormais un aileron intelligent appelé SmartFin à fixer sous sa planche pour récolter des données océanographiques à destination des études scientifiques sur les littoraux.
D’après les chiffres publiés par The Lancet, 8 des 19 villes ayant accueilli les JO d’hiver depuis 2024 ne pourront plus le faire d’ici 2050.
Pour remédier au manque d’enneigement, de nombreuses stations font encore tourner les canons à neige artificielle. Dans les Alpes, il arrive que cette dernière recouvre jusqu’à 32% du domaine skiable, une aberration quand on connaît l’impact de ces machines sur la consommation en eau, en énergie, et sur l’écosystème environnant.
En 2019, la station de Montclar, située en moyenne altitude, a même organisé des livraisons de neige par hélicoptère. Aujourd’hui, les stations commencent timidement à se tourner vers des solutions plus durables en diversifiant leurs activités avec des sports non dépendant de la neige comme le VTT, la randonnée, le parapente, le trail, etc.
Une solution indispensable quand on sait qu’il faut minimum 100 jours d’ouverture pour assurer la viabilité économique d’une saison, selon les chiffres du rapport de la Cour des Comptes publié en 2018. Certainement accéléré par l’épidémie de covid-19, la mue est donc en marche sur les sommets. D’ailleurs, la station Montclar elle-même affiche désormais sur son site internet sa saison d’été avec l’injonction “A vos vélos, préparez vos voiles, ressortez les chaussures de rando !”
En plus de défier le chronomètre, les coureurs doivent désormais lutter contre le thermomètre. Les organisateurs des Jeux Olympiques de Tokyo, prévus en 2020 mais repoussés en 2021, avaient prévu de délocaliser les épreuves de course (marathons féminins et masculins et 20km et 50km marche) à 800 km au nord, sur l’île d’Hokkaido. La capitale avait en effet connu un pic de chaleur à 41°C en 2019, et craignait que la chaleur ne rende impossible le déroulement de la compétition. Une décision qui n’est pas sans rappeler les Mondiaux d’athlétisme de Doha de 2019, où les 33°C et 90% d’humidité encore présents à 23h avaient poussé plusieurs sportifs à abandonner, ou encore le Marathon de Boston de 2012 qui avait vu 2100 coureurs touchés par la déshydratation en raison de températures supérieures à la moyenne de saison.
Pour composer avec cette donne climatique contraignante, les organisateurs sont de plus en plus nombreux à décaler l’horaire des épreuves plus tôt le matin, ou en fin de journée. À Doha, le marathon féminin avait même été décalé à 23h59 pour espérer davantage de fraîcheur.
Partout, les professionnels du sport réfléchissent à de nouvelles manières d’exister face à la nouvelle donne climatique. Et dans tous les pays, les sportifs s’engagent dans des pratiques plus responsables (plogging, courses caritatives, etc.), pour réconcilier exercice du corps et exercice citoyen. De quoi pousser les organisations sportives à s’engager à leur tour : au total, 80 organisations sportives ont signé l'accord-cadre des Nations Unies « Le sport au service de l'action climatique ». Parmi eux, on compte 14 Fédérations Internationales (FI) de sport, ainsi que les comités d'organisation des trois prochaines éditions des Jeux Olympiques : Tokyo 2020, Beijing 2022 et Paris 2024.
C’est d’ailleurs sur la base de son engagement en faveur de l’équilibre climatique, à travers une réduction de l’empreinte carbone de 55% par rapport aux Jeux précédents, que Paris a formulé sa candidature victorieuse pour 2024.