40 % des cancers viennent de comportements que nous pouvons modifier ! Alimentation, activité physique, autant de leviers pour diminuer les risques.
En France, 3 millions de personnes ont ou ont eu un cancer. Alors pour nous éclairer et comprendre pourquoi enfiler nos baskets est bénéfique pour prévenir ou traiter du cancer, j’ai contacté trois experts qui partagent ici leurs connaissances sur le sport-santé :
- Docteur Thierry Bouillet, oncologue à Bobigny, co-fondateur et président de l'association CAMI Sport & Cancer.
- Docteur Laurence Vanlemmens, oncologue au centre Oscar Lambret de Lille.
- Docteur Eric Solary, hématologue et président du Conseil scientifique de la Fondation ARC (Association pour la Recherche sur le Cancer).
Laurence Vanlemmens nous explique l'influence du sport dans la prévention du cancer, mais aussi comme traitement non-médicamenteux et comme moyen de combattre les risques de récidives.
« C’est un peu comme si vous aviez une voiture avec une pédale d’accélération et une de frein. Quand la voiture fonctionne bien, vous jouez avec les deux. Mais quand il y a un cancer, soit la pédale de frein ne fonctionne plus, soit l’accélérateur est à fond.» Derrière cette métaphore, le docteur Vanlemmens, oncologue au Centre Oscar Lambret de Lille, pointe le fonctionnement anarchique de certaines cellules qui évitent alors les contrôles permanents de l’organisme. « Tout va très vite et les cellules se divisent, se multiplient et créent des facteurs de croissance, en oubliant les systèmes de contrôle. »
Les quatre cancers les plus fréquents en France touchent :
- le sein chez la femme
- la prostate chez l’homme
- les poumons chez les deux sexes
- le côlon et le rectum chez les deux sexes
Ces cancers ne sont pas nécessairement les plus mortels. « Chez la femme, le cancer du sein est tellement fréquent qu’il est la première cause de mortalité. Mais 87% des femmes diagnostiquées sont encore en vie cinq ans après. » explique le docteur Solary.
« Beaucoup de personnes en guérissent grâce au dépistage permettant un diagnostic précoce » ajoute le docteur Vanlemmens.
Quand on pense au cancer, on évoque souvent avec fatalité les facteurs de risque sur lesquels nous ne pouvons pas agir : l’âge, l’hérédité ou l’environnement. Mais en réalité 40% des cancers sont liés à nos modes de vie et pourraient donc être évités. L’enjeu est donc de taille !
- le tabac : principal facteur chez l’homme et la femme.
- l’alcool : déclenche des cancers des systèmes respiratoire et digestif
- les UV : augmente les risques de cancer de la peau.
- la sédentarité : « Le niveau de sédentarité, lié au temps passé devant les écrans notamment, a fortement augmenté chez les adultes et les enfants ces 10 dernières années » (INC).
- l’alimentation : votre alliée si elle est variée, équilibrée et moins sucrée !
- l’obésité : « 20% de cancer en moins pour ceux qui ont une activité sportive régulière » rappelle le docteur Solary.
Et vous ? Je vous propose un test ludique pour vous évaluer et prendre votre santé en main : https://www.e-cancer.fr/prevention-cancers-le-test/
Alors ? Satisfaits de vos résultats ?
Rappelez-vous, rien n’est figé ! Tout est vivant, donc en mouvement !
L’enquête VICAN5 (2018) révèle les répercussions du cancer dans la vie physique, psychologique, émotionnelle, sexuelle, sociale et spirituelle de milliers de personnes cinq ans après le diagnostic d’un cancer.
Car le corps est mis à rude épreuve par la maladie, comme par les traitements qui entraînent des effets secondaires variables d’une personne à l’autre et d’un cancer à l’autre.
Parmi les plus incommodants pour la pratique sportive : fatigue, douleurs (articulaires entre autres), problèmes digestifs, toux chronique, inflammations, troubles neuropathiques (concentration altérée) ou psychologiques (image corporelle modifiée, stress, anxiété).
« Ces répercutions sont sous-estimées, notamment la fatigue très souvent présente pendant et après un cancer » explique le docteur Vanlemmens.
Autant d’effets secondaires que de possibles freins à la reprise d’une activité physique !
Et pourtant, « le seul traitement c’est l’activité physique ! » explique le docteur Bouillet. « Vous améliorez votre qualité et philosophie de vie et votre image corporelle. Brusquement vous devenez votre propre thérapeute !»
Dans les 10 faits sur l’activité physique l’OMS rappelle : « les personnes physiquement actives sont moins sujettes à un bon nombre de maladies dont le cancer.»
Depuis 2011, la Haute Autorité de Santé reconnait l’activité physique comme une option thérapeutique non médicamenteuse. Les programmes d’Activité Physique Adaptée (APA) sont aujourd’hui prescrits par les médecins et remboursés par l’Assurance Maladie.
Depuis, dans les hôpitaux, les traitements s’accompagnent de plus en plus d’une prise en charge globale du patient. Un suivi physique et psychologique pour lutter contre les effets secondaires de la maladie et des traitements et soutenir le processus de guérison.
« Aujourd’hui dans tous les services d’hématologie (maladies du sang), il y a un vélo dans la chambre des patients. On leur propose un programme d’exercices physiques et on s’est aperçu qu’ils vont mieux, que cela les aide à tenir.» explique le docteur Solary.
Le sport-santé permet de maintenir une forme physique et améliore la tolérance aux traitements. « Car c’est compliqué d’aller vivre ces traitements… » Mais du vélo en chambre « rend les patients plus résistants mentalement et physiquement ! » Le sommeil est lui aussi amélioré.
Au Centre Oscar Lambret à Lille, le programme « Mon Sport santé » est proposé pendant et après la prise en charge du cancer. «On explique les bienfaits de l’activité physique pour qu’elle fasse partie de leur quotidien.» raconte le docteur Vanlemmens. Les patients peuvent pratiquer des séances collectives et être accompagnés par un professeur en APA, formé à l'oncologie et aux effets secondaires du cancer.
« Avant, certains médecins disaient « reposez-vous, arrêtez tout ! » Aujourd’hui, c’est le contraire on leur dit : « continuez de bouger, mais écoutez-vous ! Car aujourd’hui, « les études montrent qu’il faut associer l’aérobie (l’endurance pour travailler le cardio-respiratoire, comme le vélo ou la marche nordique), à du renforcement musculaire pour faire travailler les muscles et lutter contre la sarcopénie (diminution de la masse musculaire). Car quand les personnes ont une masse musculaire faible, elles peuvent être moins tolérantes aux traitements. »
« Le sport stimule le système immunitaire » explique le docteur Bouillet. « Il régule aussi les hormones sexuelles, les oestrogènes qui parfois développent des cancers. »
La pratique d’une activité physique libère aussi des endorphines dans le cerveau qui réduisent la sensation de douleur et amplifient celle de plaisir. Pour comprendre l’influence du sport sur l’organisme et le système immunitaire, rendez-vous ici.
« La pratique d’une activité physique diminue la fatigue, les troubles du sommeil et de la concentration. » explique le docteur Bouillet.
Les atouts de l’activité physique dans la lutte contre le cancer sont indiscutables.
« Plus vous en faites, plus vous avez des bénéfices, sous réserve d’en faire dans la durée et de manière adaptée » précise le docteur Vanlemmens.
Les bénéfices de l’activité physique sur le cancer :
- améliore : qualité de vie, fonctions physiques, estime de soi, vie sexuelle
- agit sur : dépression, anxiété, système immunitaire, organisme
- influence : vie sociale, lutte contre la sarcopénie
- diminue : fatigue, douleurs, effets secondaires liés aux traitements, temps en hôpital en action pré-opératoire, risque de mortalité et risque de récidive
- favorise : reprise du travail
« Une activité physique adaptée, progressive et régulière » répondent à l’unisson nos experts.
« Vous pouvez faire tous les sports dans lesquels le mouvement vous fait plaisir ! » lance le docteur Bouillet. « Tant qu’il est respectueux du corps, sans danger, génère de l’intensité forte et progressive ! »
L’âge, l’histoire personnelle et médicale des personnes créent des besoins différents. La CAMI Sport&Cancer, une des association pionnière l’a bien compris et développe des programmes de thérapie sportive dans 27 départements de France et forme des accompagnants au sport-santé dans les services de cancérologie.
Une méthode sportive a même été créée à la CAMI : le Médiété® ou « l’art du juste milieu, une technique sécuritaire qui permet de mobiliser toute la chaîne musculaire » explique le docteur Bouillet. Elle est conçue pour répondre aux attentes et aux limitations des patients atteints d’un cancer. C’est aussi un art de penser et de se mouvoir pour améliorer son rapport au corps.
À Oscar Lambret, dans le programme « Mon Sport santé », « c’est le soignant qui s’adapte au patient, et non le sportif au prof comme en salle de sport. S’assurer d’avoir une activité physique chaque jour, sortir marcher en utilisant un podomètre, bien s’hydrater, se nourrir, se relaxer, ce n’est pas forcément faire des choses difficiles mais adaptées à chacun. » rappelle le docteur Vanlemmens.
Même réponse qu’au-dessus avec de nouvelles pistes pour rester motivé à domicile !
À Oscar Lambret ou l’Institut de Cancérologie Lille Métropole (ICLM) des programmes connectés sont crées pour permettre aux patients atteints du cancer et en rémission de continuer à bouger. Ces coaching en ligne comme eMOUVOIR du Centre Oscar Lambret ou l’application « APA en avant » pour les suivis de cancers du sein et digestif sont autant de solutions ludiques pour poursuivre ses efforts et faire monter la fréquence cardiaque chez soi.
« Faites du sport parce que vous serez heureux ! »
La CAMI a été co-fondée par le docteur Thierry Bouillet et Jean-Marc Descotes, ancien vice champion du monde de karaté-do. Mais le docteur Bouillet répliquera : « Ce sont les malades qui ont fondé la CAMI ! Le plus beau témoignage de patient, c’est celui de Nicolas, 55 ans qui arrive dans mon bureau et me dit : « je viens vous voir pour un deuxième avis ». Il devait mourir mais il a fait du karaté. Après 3 ans d’entrainement, sur le dojo, je me suis retrouvé à frapper mon malade et il a tout bloqué ! Un homme dans le noir, à qui vous mettez un kimono blanc et une ceinture, cette bande noire, c’est celle de la vie !
Dans le sport, les personnes retrouvent un morceau d’eux-mêmes, renouent avec leur corps et gèrent leur santé. Cela fait 42 ans que je fais ce métier, et la CAMI c’est le lieu où vous rendez les patients heureux ! C’est un outil de transmission d’espoir. »
Un conseil : Faites du sport, parce que vous serez heureux !
« Aujourd'hui je suis en hormonothérapie, mais dans ma tête je suis guérie ! En milieu hospitalier, on nous explique que c’est important d'inscrire le sport dans notre thérapie. Il faut être un peu têtu et tenace, car on a toujours plein de prétextes pour ne pas y aller. Mais si je n'avais pas fait de sport, je pense que je me serais plus facilement écroulée. Mentalement et physiquement. Pendant ma maladie je marchais tous les jours 5 kilomètres, et maintenant 10 kilomètres. C’était important de me lever, et de me dire que j'étais normale, que j'allais bien. En faisant du sport on reste actif on ne s'apitoie pas sur son sort. Un jour j’ai piqué les baskets d’une copine et j'ai fait mon premier jogging. Depuis je prépare mon troisième Triathlon avec l’ARC."
Merci aux docteurs Laurence Vanlemmens, Thierry Bouillet, Eric Solary pour leur temps et expertises.
Merci à l'ARC, la CAMI SPORT&CANCER, le Centre Oscar Lambret, l'ICLM et à Thibault Dufoix, ostéopathe pour la relecture.
Pour prendre de bonnes décisions santé :
- tabac-info-service.fr
- https://www.alcool-info-service.fr