Développer et démocratiser le billard : voilà le défi qu'ont décidé de relever Jean-Paul Sinanian et Corentin Chardin.
Partenariat, projets, leur vision du billard dans 10 ans... Jean-Paul Sinanian, Président de la FFB (Fédération Française de Billard) et Corentin Chardin, Chef projet billard DECATHLON se livrent à nous.
Jean- Paul Sinanian : j’ai 61 ans, je suis médecin généraliste installé à Marseille depuis 1991. J’ai deux enfants et deux petits enfants. J’ai pratiqué le judo pendant 10 ans, un peu de football, un peu de tennis. Cependant, personne dans ma famille n’a jamais pratiqué le billard.
Corentin Chardin : j’ai 47 ans, je travaille depuis plus de 20 ans à DECATHLON. Auparavant, j’ai eu un parcours en Biochimie Fondamentale. J’ai deux enfants de 14 et 15 ans, qui pratiquent eux aussi le billard, forcément. Et nous pratiquons ensemble !
En dehors du billard, je pratique le stand up paddle en compétition, le surf, le marathon, du triathlon, le kung fu… Le billard est un formidable complément sportif.
JPS : J’ai découvert le billard pendant mes études de médecine dans un bar près de la fac puis je me suis dit que je pouvais surement m’améliorer et j’ai cherché un club. Je joue depuis 1984 au carambole (billard français), puis de 2002 à 2012 au billard artistique, qui est une discipline du billard français et qui consiste à réaliser des figures imposées. Je joue aujourd’hui le plus souvent aux trois bandes, qui consiste à toucher les deux autres billes après avoir toucher au moins 3 fois les bandes du billard. Je prends énormément de plaisir à jouer à cette discipline.
CC : J’ai été initié par mon père vers l'âge de 11 ans, je jouais avec mon frère et mon père, ce sont d’excellents souvenirs de moments partagés. Le billard mélange les générations. J’ai commencé par pratiquer en loisirs, puis progressivement plus de régularité et de rigueur, j’avais envie de progresser. J’ai découvert le billard français, je passais d’une discipline à l’autre ; billard américain, blackball, carambole, snooker… à chaque jour suffisait sa… joie !
Photo : Corentin Chardin à 14 ans
JPS : Je me suis d’abord passionné pour la partie libre, j’ai fait des stages chaque année au début avec des progrès gratifiants. Puis je suis devenu dirigeant. Je me suis qualifié en finale du championnat de France PL N3 en 1999 et j’ai fini 8ème sur 8 : qui est d’ailleurs un excellent souvenir. Puis j’ai découvert le billard artistique, discipline très exigeante et difficile. Je me suis bien amusé mais toujours en étant joueur et dirigeant.
CC : pendant une petite dizaine d’années j’ai beaucoup pratiqué mais en dilettante et passant d’une discipline à l’autre, sans a priori. J’ai remporté quelques petits tournois locaux de blackball dans mon pays breton. Passés mes 20 ans que je me suis mis à jouer avec plus d’assiduité et de sérieux dans différents clubs franciliens, principalement au billard américain, avec des joueurs de tous niveaux, de tout milieu, de tout âge. Je me suis mis à accompagner les débutants, coacher les jeunes joueurs, organiser des tournois conviviaux, faire plus de compétition. J’ai du remporté une dizaine de tournois, et je ne compte pas les finales perdues, c’était ma spécialité. On m’appelait le “Poulidor du billard”. Passionné, j’ai alors hésité à arréter mes études pour m’engager à 200% dans le billard. J’ai finalement opté pour mes études.
Cela remonte à des décennies. Je n’ai pas gardé en tête mes palmarès car je pratiquais avant tout pour le plaisir du progrès, le partage, le beau geste. J’ai été Champion de France en Équipe au billard américain. Mais j’étais surtout le Champion des occasions manquées. En compétition, j’aimais la flamboyance, l’exploit improbable. Le panache inutile et l’audace excessive ne font pas gagner.
Photo : Jean-Paul Sinanian lors d'une compétition de billard
JPS : Comme je le disais, je suis très tôt devenu dirigeant de club (c’était en 1986 et j’avais 26 ans), je suis devenu ensuite responsable de la formation pour la ligue, j’ai pris la vice-présidence puis la présidence de la ligue méditerranéenne pendant 20 ans. Je suis entré à la Fédération Française de billard grâce à mon titre de médecin, mais j’ai rapidement choisi de postuler pour être secrétaire général. Puis fin 2012 j’ai présenté ma candidature à la présidence. J’ai toujours essayé de garder une place pour le billard malgré des études et une charge de médecin généraliste très chronophage. C’était pour moi une question d’équilibre, de bien être mental. Il est sûr que depuis 2013 je ne vois pas le temps passer, il n’y a aucun temps mort. Mais c’est une expérience passionnante et très instructive, notamment sur le plan humain.
CC : J’étais Directeur Marketing et Communication pour le groupe DECATHLON depuis 7 ans, une responsabilité passionnante et incroyablement apprenante !!! En revanche, dans ces fonctions, j’étais parfois éloignée d’une dynamique entrepreneuriale que j’ai toujours eue chevillée au corps. Je tenais à céder ma place à des jeunes talentueux, leur transmettre le flambeau pour qu’ils apportent un regard nouveau. DEACTHLON offrant des opportunités formidables, j’ai cherché à relever un nouveau défi, en repartant sur des fondamentaux : innover pour faciliter l’usage, essayer de révolutionner un sport, échanger avec les pratiquants, satisfaire les clients, co-construire un projet fédérateur.
Relever le challenge d’une ambition collective sur le sport billard m’est apparu naturellement. Ce sport m’a tellement construit, m’a nourri, et continue de le faire, que rendre au billard ce qu’il m’avait apporté, en le démocratisant, en le rendant plus visible, plus accessible, me semblait un juste retour des choses.
JPS : Je suis fier du chemin parcouru depuis 8 ans. Nous partions de loin et n’avons pas été épargné par les aléas. Je crois qu’à mon arrivée, je pensais sincèrement réussir le pari de transformer la FFB (Fédération Française de Billard) beaucoup plus rapidement. J’ai compris aujourd’hui que la Fédération est un énorme navire, comme ces portes-conteneurs qu’on voit à la télévision. Il faut manœuvrer avec délicatesse, en anticipant et tenir compte du facteur humain, de la force et de la fragilité des bénévoles. Je garde des souvenirs excellents de la finale regroupée d’Evian, de l’annonce de la candidature pour Paris 2024 à la Tour Eiffel, du World Team Trophy, des championnats du Monde de Bordeaux et des World Cup à La Baule, de la finale des championnats du monde au Caire avec Jérémy Bury en finale, et je pourrai encore en citer...
Ce qui me rend fier, c’est de voir qu’aujourd’hui quasiment tout le monde parle du développement du billard : d’aller recruter de nouveaux publics (des jeunes et davantage de femmes) en se déplaçant partout et en utilisant les billards DECATHLON. Oui, ça c’est une fierté.
CC : Je ne peux pas parler de fierté, encore moins de fierté personnelle. Parce que mon engageant dans le billard est finalement assez récent. Ensuite, parce que c’est d’abord, je le vois comme cela, un enjeux collectif. Et ce n’est pas de la fierté, parfois de la satisfaction, souvent de la gratitude, toujours de l’enthousiasme. La fierté, je l’ai ressenti lors de la candidature du billard aux JO, notamment lors de la conférence de presse à la Tour Eiffel, ou pendant le Word Team Trophy à Roissy. J’ai beaucoup de plaisirs quand je vois ce qu’on arrive à produire ensemble avec l’opération “billard au féminin”, quand je vois des enfants découvrir le billard dans nos magasins DECATHLON, ou ailleurs, encadrés par les pratiquants de clubs locaux. Mon plus grand bonheur, c’est le sourire de toutes ces personnes, jeunes ou moins jeunes, avec le dévouement admirable des bénévoles partageant leur passion du billard.
La fierté, nous la partagerons ensemble quand le billard aura retrouvé toute sa place, que le plus grand nombre en appréciera ses plaisirs et ses bienfaits, que ce sport, ô combien séculaire, sera rentré dans l’ère de la modernité, qu’il contribuera à son humble mesure au bonheur du monde, en rapprochant les gens, en créant du lien social et transgénérationnel.
Dans le passé, le billard a fait bouger le Monde. Je partagerai ma fierté le jour où le Monde bougera pour le billard et où le billard agitera positivement l’humanité.
Photo : Corentin Chardin
JPS : Le billard m’apporte depuis toujours un équilibre. C’est un moyen de me concentrer, de me recentrer. C’est le reflet de la personnalité de chacun. Le théâtre de la vie ramené à la maîtrise de sphères sur un plan : une gageure ! J’ai appris énormément grâce au billard. Le billard est un langage, un espéranto. Je garde un souvenir ému d’une réunion amicale autour d’un verre lors d’un championnat du monde. Il y avait des joueurs japonais, coréens, turcs, belges, néerlandais, des jeunes, des plus vieux. Le langage, le dénominateur commun, c’était le billard et on se comprenait malgré la barrière des langues. Le billard peut être un art de vivre, une discipline structurante et universelle.
CC : Le billard c’est une rencontre. Avec l’autre et les autres. Avec soi-même aussi.
Le billard c’est l’école de la vie. Il faut être là, hic et nunc (ici et maintenant), ancré dans le présent, dans le geste de l’instant, et penser aux étapes ultérieures, préparer les coups suivants. Penser loin, Agir maintenant. Cet apprentissage est bénéfique pour bien des situations, familiales, professionnelles… Et comme le billard est mixte et intergénérationnel, tous devraient pouvoir en profiter. Comme les billes du Carambole, les bénéfices du billard sont triples : c’est la tête, le corps et le coeur réunis.
La tête, avec le développement de la capacité d’adaptation, la dimension stratégique, l’apprentissage de la décision, de l’erreur, de la prise de risque. Le billard est un sport de réflexion. Le corps, avec l’exigence du geste, l’exigence du mouvement juste, la coordination oeil-bras, le touché délicat du pianiste, l’endurance en compétition. Le billard est un sport de précision. Le cœur, avec le partage, la transmission, les liens créés, la convivialité. Le billard est un sport universel, il rassemble. Le billard c’est penser, agir, partager.
JPS : Depuis l’après-guerre, les billards qui étaient dans tous les cafés ont disparus et les clubs ont trouvé refuge dans des salles municipales ou privées. La pression immobilière a chassé les billards du centre notamment des grandes villes. De ce fait, concurrencé par la télé puis les sports médiatiques, puis la multiplication des sports modernes, le billard est entré dans l’anonymat. Quand j’ai eu la chance de faire la connaissance de Corentin Chardin, j’ai tout de suite senti la passion, la sincérité qui l’animait et je me suis dit que c’était une opportunité unique et inespérée pour le billard. Quoi de mieux qu’une enseigne aussi reconnue qui vous apporte son soutien et mette son savoir-faire, sa communication au service du billard ? Mais cette collaboration va bien plus loin car les échanges sont constants, les progrès de part et d’autre quotidiens. Notre volonté est de démocratiser le billard. Quand j’ai appris en plus que l’aïeul de Corentin était le billardier de Louis XIV…
CC : La Fédération Française de Billard est riche de 600 clubs, DECATHLON de plus de 300 magasins. Quand on ambitionne de démocratiser un sport, ce rapprochement et cette coopération me semblaient indispensables. Une Fédération organise la pratique sportive, elle a une mission de service public. Chez DECATHLON, nous essayons, à notre mesure, de faciliter la mise au sport des français. Nos organisations sont certes différentes mais nos ambitions se complètent. Dans le cas de notre partenariat, FFB - DECATHLON, c’est à mes yeux bien plus que des intérêts communs et des échanges. C’est une vraie coopération, une convergence de sens et d’action. La Fédération Française de Billard, les ligues, les clubs, les comités départementaux foisonnent de personne talentueuses, qui ont une connaissance et une expérience du billard que nous n’avons pas. Nous avons d’autres atouts.
Vous nous faites des retours, vous avez des attentes, parfois des frustrations, vous êtes exigeants et bienveillants en même temps, vous nous bousculez, vous nous accompagnez, vous nous soutenez. En fait, désolé, je serai intarissable sur ce partenariat.
J’y puise aussi un exemple d’engagement. Le volontarisme des acteurs fédéraux, des associatifs locaux, des interlocuteurs en région, sont une source formidable d’inspiration.
Photo : Jean-Paul Sinanian
JPS : Si je laisse aller mon imagination, je vois une Fédération forte de plusieurs dizaines de milliers de licenciés, des clubs structurés, offrant la possibilité de jouer à tous les types de billard, capables d’accueillir et de former les jeunes, les femmes et tout type de débutants. J’imagine un sport billard médiatisé suivi par de nombreux téléspectateurs et internautes. Une visibilité qui attire les partenaires, les mécènes et permettent aux clubs, à la Fédération, aux joueurs de continuer à se développer, à se moderniser et de vivre de ce sport si passionnant.
CC : Le billard dont je le rêve ?Au début du siècle dernier, le billard était le sport le plus populaire en France et dans le monde. Pour le billard, j’aspire à une forme de Révolution heureuse, dans tous sens du terme. Donc je rêve de ce retour du billard à cette situation initiale : un sport accessible et pratiqué par tous, partout, et tout le temps.
Par tous, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes. Réunis. Ensemble.
Partout : chez soi, en club, à l’école, comme en entreprise. Et bien sûr en extérieur comme à l’intérieur, dans des salles dédiées.
Tout le temps : pour 5 minutes ou 5 heures, le matin, le midi l’après-midi, en hiver comme en été.
C’est ma vision. Mon aspiration.
Je place cet idéal, ce scénario positif, pas nécessairement pour être forcément atteint, mais pour être poursuivi. Je ne regarde pas le monde qui bouge, j’essaie de contribuer à son mouvement.
JPS : Je tiens ici à remercier tous ceux qui m’aident, me soutiennent depuis 8 ans maintenant : les bénévoles élus qui malgré les difficultés, les divergences d’opinions inévitables quand on travaille ensemble, sont toujours là à mes côtés. Je remercie également les salariés encore trop peu nombreux de la FFB qui font un travail colossal, mais aussi les coordonnateurs d’ETR qui œuvrent dans les régions, les formateurs, les arbitres. J’ai également une pensée pour les joueurs, les passionnés, les licenciés dirigeants ou non qui par pure passion, passent leur temps libre à arbitrer, accueillir, organiser et oublient quelquefois le plaisir de jouer. Enfin, un énorme merci à DECATHLON et Corentin Chardin qui se sont lancés dans cette aventure également par passion et nous apporte leur vision différente, leur éclairage plus professionnel que le nôtre. Je suis sûr qu’ensemble nous allons avancer plus vite et réussir là où la plupart pense que nous allons échouer.
CC : Je voudrais remercier chaleureusement Monsieur le Président Jean-Paul Sinanian, et à travers lui -tant j’aurais de nom de personnes formidables à citer- remercier tous les membres de la FFB, toutes les ligues, tous les bénévoles des clubs, qui s’engagent au quotidien, qui partagent leur passion, avec dévouement. Merci pour ce que vous faites pour le billard. Merci pour votre apport permanent.
Une envie forte de développer et démocratiser ce sport. Et comme on dit : “ensemble on est plus fort !” Un grand merci à Jean-Paul Sinanian et Corentin Chardin pour leur temps et leur partage. Et n’hésitez pas à nous laisser en commentaire ce que vous avez pensé de cet article :)